Chapitre 20 - Partie 2

Depuis le début
                                    

— Bien évidemment, pour qui me prenez-vous ? s'indigna Finwë.

La jeune femme ne s'encombra pas de sa remarque.

— Je veux accoucher dans un endroit sûr, en dehors de Süryell. Je veux la sécurité pour mon enfant. Je ne l'élèverai pas et vous n'aurez aucun contact avec lui. Vous ne saurez pas où il se trouve.

Finwë allait répliquer, elle le savait. Alors elle lui offrit sa plus singulière demande.

— Et je veux la tête de Mordrais.

Là, elle parut le surprendre. Le regard de son interlocuteur brilla et il se mit à sourire plus volontiers.

— Voyez-vous cela... Vous m'intéressez, très chère. J'ai très envie d'accepter pour voir ce que vous ferez de cette dernière requête.

Il s'avança jusqu'à la dominer de sa hauteur.

— Très bien, vous aurez Mordrais. Mais uniquement lorsque je vous le dirai et pas avant. Cela pourra prendre plusieurs années, signala-t-il.

— Je sais être patiente, donna-t-elle pour unique réponse.

Il hocha la tête.

— Vous serez ma femme. J'attends de vous du respect et de la fidélité. Vous aurez le droit de parole mais ne comptez pas sur moi pour tolérer la moindre rébellion de votre part. Vous me représentez, vous devez donc me montrer de la déférence. Je serai intransigeant. Evidemment, notre mariage ne sera pas blanc, je compte le consommer, si vous ne voulez pas d'enfants de moi, à vous de vous débrouiller à ce sujet. Quant à celui qui pousse dans votre ventre, ajouta-t-il nonchalamment. Faites-en ce que vous voulez, je m'en moque. Je veux simplement ne jamais le voir, ni que quiconque apprenne son existence.

Ils se toisèrent un instant.

— Alors, Inwë, avons-nous notre arrangement ?

La jeune femme approuva d'un bref hochement de tête.

— Très bien, ratifia-t-il. Alors nous voilà officiellement fiancés.

Sans une parole de plus, la jeune femme fit demi-tour. Elle aperçut enfin Gabriel mais lui jeta à peine un regard noir et quitta rapidement la pièce pour qu'ils ne la voient pas trembler. Finwë se tourna vers son second le sourire aux lèvres et lâcha d'une voix satisfaite :

— Voilà qui s'annonce plus intéressant que je ne l'espérais.

***

Deux mois lunaires, c'était la durée officielle d'un deuil, mais aussi le temps qu'il avait fallu pour organiser le couronnement de Finwë ainsi que son mariage, le temps qu'il avait fallu à Océane pour se faire à l'idée qu'elle allait réellement épouser l'assassin de l'homme qu'elle aimait. Les premières semaines, la jeune femme n'avait pu s'empêcher d'espérer un sauvetage de la part de Lysianna et Fenhrir, qui devaient dorénavant savoir que William était mort, en vain. Personne n'était venu, elle était seule. Elle s'était résignée, les larmes s'étaient taries et la haine avait grandi en elle, la maintenant debout. Seul l'enfant qui grandissait dans son ventre contenait sa dernière part d'humanité, et bientôt, elle devrait aussi s'en séparer.

Dans quelques heures, elle épouserait Finwë, le jour du solstice d'été. Le jour où la Lune était la moins présente, tout un symbole. Elle regardait le Soleil se lever et pailleter d'or le Fleuve aux Mille Reflets pour la dernière fois de son petit balcon. Le soir même, elle rejoindrait ses appartements royaux. Finwë les lui avait fait décorer avec goût ; il fallait le reconnaître, il ne manquait pas de panache, dommage qu'il fut le pire des hommes de tout le continent. Même Mordrais, qui parvenait parfaitement à se camoufler derrière ses prétendues grossièretés et stupidités ne lui arrivait pas à la cheville. C'était simple, le futur Roi des Plaines du Soleil avait réussi à tourner les morts de son oncle et de son frère à son avantage. Une lettre de Danector avait été « trouvée », il y reconnaissait avoir tué son frère et son épouse des années auparavant et fait porter le chapeau à son neveu, héritier du trône pour régner à sa place. Et même si Océane se demandait encore comment il avait fait, l'écriture avait été certifiée comme vraie. Pour William, il avait eu énormément de chagrin de voir qu'il avait été tué alors que tous deux venaient à peine de se retrouver après vingt ans de séparation et qu'il avait compté faire de lui son bras droit. Sûrement le coup de partisans de Danector qui n'avaient pas supporté la mort de leur Roi bien-aimé. Evidemment, il avait promis de faire payer les coupables. Au sujet de la jeune épouse de son frère, il s'était senti proche d'elle et de sa peine et par devoir, il l'avait demandée en mariage. Bien sûr, il nourrissait de tendres sentiments à son égard, et ce n'était qu'après sa demande qu'elle avait révélé sa nature de Fille de la Lune, ce qui l'avait complètement abasourdi. Ses seigneurs, pas dupes, n'avaient rien dit et la foule avait apprécié. Danector n'était pas particulièrement aimé et ils ne demandaient à leur nouveau souverain que de faire ses preuves.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant