Incipit

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Dégovia, an 3567, Ère Céleste de Birlène

                       Mon cher père,

      Toi qui a survécu assez de temps pour me voir disparue, toi qui a subi l'attente inquiète et désespérément vaine de sens que je réapparaisse... toi qui m'a sûrement aimée et espérée le plus au monde, comme un père brisé par le manque des siens, comme un être en écueil... Toi qui a dû souffrir. Trop souffrir. C'est pourquoi, mon papounet adoré , mon elfe idéal, je te dédie cette lettre, ainsi que le récit de tout ce à quoi j'ai consacré ma vie depuis que nous nous sommes perdu de vue. Juste pour toi. Et puis je publierai ce recueil... Pour toi et ta mémoire.

    Raconter cette excursion dans l'inconnu. Dehors. Alors... pour les lecteurs curieux de ma destinée et pour rafraîchir tes souvenirs, je vais recommencer depuis le début. 

   Tout commença avec la guerre. Une guerre que personne ne vit arriver. Autrefois, tout était paisible et l'on vivait en paix. Les trois peuples d'Elfes cohabitaient à Bédélia. Les Elfes des Bois, des Rivières et des Montagnes vivaient (presque) en harmonie. Oh, bien sûr, il y avait toujours eu quelques tensions, mais jamais on n'aurait cru possible d'en arriver à une telle catastrophe. D'autant plus que nous n'étions pas vraiment des peuples belliqueux et assoiffés de sang...

    Les Elfes des Bois étaient des êtres pacifiques, discrets et réservés. Ils vivaient dans les arbres, proches de la nature, et maintenaient l'équilibre de la forêt grâce à leurs pouvoirs. Ce peuple de chasseurs pouvaient maîtriser les végétaux, communiquer avec les animaux et décidaient de la vie ou de la mort des créatures sylvestres. Toujours aux aguets, leur ouïe et leur odorat étaient très développés.

    Le peuple de la Rivière était enjoué et créatif. Ces pêcheurs avaient la capacité de contrôler l'eau et pouvaient s'orienter grâce aux étoiles. Ils vivaient dans des maisons sur pilotis, surplombant le torrent, et étaient très attachés à leur patrie. Ils étaient aussi amoureux de littérature et savaient composer les poèmes les plus exquis. Tous les soirs, sous la voûte céleste, autour d'un immense feu, ils inventaient les histoires les plus extravagantes, les plus merveilleuses ou les plus raffinées.

    Les Elfes des Montagnes étaient rudes et vivaient isolés des autres peuples. On les reconnaissait pour être d'excellents bâtisseurs et pour pouvoir forger de véritables œuvres d'art ou des bijoux finement ciselés en un tour de main, car ils maîtrisaient la roche et les pierres précieuses simplement par la pensée. Mais ils cachaient sous leurs airs froids et leur ton bourru un réel don pour les sciences et se passionnaient pour l'origine du monde et de la vie.

    Et, parmi tout ce beau monde, il y avait moi. Eilowny de la Source aux étoiles, une Elfe des Rivières. La jeune insouciante que j'étais ignorait tout de ce qu'il allait se dérouler...

    Car les Elfes des Bois avaient déclaré la guerre aux Elfes des Montagnes. Et tout cela à cause de gens qui s'aimaient...

    En effet, une Elfe des Montagnes avait décidé d'épouser un Elfe des Bois, mais le peuple de celui-ci estimait que la dot de la jeune elfe n'était pas suffisante. Pourtant, on disait que ladite dot était constituée de parures, de bijoux en or et en argent plus précieux les uns que les autres, de fourrures et de rares soieries ainsi que de nombreuse boissons prisées pas notre société. Mais les Elfes de la Forêt, dans un étrange sursaut d'orgueil contradictoire avec leur timidité ordinaire, jugeaient que cela n'était pas à la hauteur du futur mari et réclamaient des pierres précieuses d'une valeur inestimable en plus de tout ce qu'il y avait déjà. Les Elfes des Montagnes avaient catégoriquement refusé de leur céder de nouvelles richesses, affirmant qu'ils avaient assez donné.

    La situation avait tout d'abord eu des allures diplomatiques, puis s'était envenimée.

    Fissurée d'abord, l'harmonie s'était détruite avant même qu'on puisse s'en apercevoir. Une étincelle. Et le feu avait déjà tout dévoré.

    C'est ainsi que la guerre avait débuté. les jeunes amoureux s'enfuirent pour échapper à la haine de leurs tribus et disparurent dans les Montagnes de Jade. Mais nous, Elfes de la Rivière, malgré notre neutralité, fîmes les frais de cette querelle. Et nous dûmes fuir nos terres dans une nuit mouvementée où la guerre faisait rage, nos armées peinant à repousser la menace des deux autres clans. J'entamais à peine ma cent-vingt-quatrième année, et pas un instant je ne me doutais de ce que j'allais vivre...

DEHORS [projet inachevé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant