Abréaction

D e r n i e r s m o t s

Elle

Elliot,
Ne m'en veux pas.

Je n'ai pas voulu gâcher ce moment que nous avons partagé car je savais que c'était le dernier puisqu'il était trop tard pour me sauver de tout ce que j'ai avalé. Alors je n'ai rien dit et je t'ai laissé m'aimer, cette dernière nuit.

Elliot, toutes ces nuits ensemble sont la preuve que rien n'est irréversible. Les autres n'existent que si tu le décide. Le jour est comme la nuit. Je suis les autres Elliot. Je te fais souffrir mais seulement parce que tu m'en a donné le droit. Ça fait mal mais ça ne dure pas. Et tu aimeras, mille fois. Et mille fois tu souffriras encore. Mais ce n'est pas grave. Ça ne sera pas grave, car tu seras seulement en train de vivre. Et vivre, c'est un truc vachement cool. Ma vie est courte mais intense. La tienne a été trop vide jusqu'ici. Remplie-là jusqu'à ce que tu en oublies le début. Et là, seulement là, tu pourras laisser la vie filer vers d'autres corps, délaissant le tien.

C'est mon choix, tu n'as rien à voir avec cette décision que j'ai prise.

Tu sais, on ne choisis pas de naître ni la vie que nous allons avoir. Dès le début, on ne contrôle rien. Pour moi, c'est allé de pire en pire. Mais j'ai vu tout ce que je voulais voir et j'ai fait tout ce que je voulais accomplir. La dernière chose étant mourir, de ma main. Ce n'est pas un suicide parce que je suis malheureuse Elliot, c'est une mort parce que j'ai eu tout ce que je voulais dans ma vie. Tu fais parti de ces choses que je voulais atteindre. L'amour. Je suis amoureuse de toi Elliot et je sais que tu es amoureux de moi. C'est parfait. Et c'est la dernière image que je veux de la vie, car je sais qu'elle est éphémère et je ne veux pas la voir s'estomper. Je suis désolée de te faire du mal. Tu sais que je suis égoïste, que je pense d'abord à moi. Je veux mourir heureuse. Et c'est exactement ce qui est en train de m'arriver.

À l'heure où tu lis ces mots, mon corps doit être froid. Mais c'est ce que je veux. S'il te plaît, ne m'en veux pas et vis. Ce sont mes derniers souhaits. Tu ne m'appartiens pas alors va-t-en, barre-toi. Il y a tellement de choses qu'il te reste à faire. Ne regarde plus ma fenêtre vide, ne t'arrête plus devant ma maison, ne m'attends plus chaque soir. Ce que tu vis actuellement est insignifiant à l'échelle de ta vie.

Car Elliot, tu es fait pour vivre, hors de ces murs. Et je sais à quel point tes yeux brillent lorsque tu es dehors. Met-toi en danger, risque ta vie. C'est au moment où tu t'y accroche que tu réalises que tu es vivant.

PS: J'ai des paquets de cigarettes cachés sous les tuiles de mon toit. Au cas où ça t'intéresse, je te les lègue.

Victoire.

FIN.