J'avais enfilé cette tenue pour laquelle j'avais dilapidé une partie de mes économies exprès pour ce jour. Une robe bleue simple mais élégante aux froufrous légers qui s'arrêtait juste au-dessus des genoux. Ce soir, c'était ma soirée. Tout le monde s'extasiait sur leur dix-huit ans mais moi j'avais mon BAC : la première étape qui m'ouvrait les portes sur ce que je voulais devenir dans la vie. Et ça, ça se fêtait ! De la fenêtre ouverte, j'entendis de violents coups de klaxon retentir. Je m'y précipitai d'un coup pour voir ce qu'il se tramait dans notre quartier pourtant si paisible. Une brune aux cheveux longs cascadant sur ses épaules et à la raie au milieu avec des lunettes de soleil me faisait signe :

— Eh, Mali ! T'es prête ou pas ? On va arriver en retard à la soirée !

J'eus à peine le temps de détailler sa voiture qu'elle me frappa par sa longueur et sa flamboyance. Une sportive décapotable si près du sol au capot si imposant.

— J'arrive, j'arrive, m'écriai-je désemparée.

Je me saisis de mon sac déposé sur le lit et je dévalai les escaliers à toute vitesse manquant la chute. Ma mère me lança alors ce regard pimenté que je lui connaissais si bien :

— Voilà quand on cherche, dit-elle satisfaite.

Ma soeur, affalée sur le canapé, se mit à ricaner. Je me rapprochai pour lui tirer les cheveux. Aucune solidarité familiale ici.

— Bon, ta soirée là... commença ma mère.

Amani écarquilla ses yeux soudainement telle un hibou et se mit à hurler :

— Yeah ! Attendez moi aussi quand j'aurai dix-huit ans, ce sera soirée boîte sur soirée boîte. Je connais plus personne.

— Je ne vais pas en boîte, crachai-je.

— Bah tu vas où comme ça ?

Ma soeur ne m'écoutait vraiment jamais.

— A une soirée qu'organise le père de Constance pour sa réussite !

— Et elle t'a invitée ?

— Euh, pourquoi pas ? Demandai-je interloquée. C'est ma meilleure amie ! Elle est même venue me chercher en voiture.

— Pour te la montrer, ouais !

Je serrai la bouche. Elle continua :

— La fait pas rentrer surtout. Trop de manières, elle.

— Je comprends, dis-je faussement empathique. Tu ne la connais pas.

Je lui lançai alors un de mes regards les plus bizarres et me dirigeai vers la porte. Ma mère me retint.

— Hep, hep, hep !

Elle me fit son classique discours sur le danger des soirées, les boissons, les garçons. J'acquieçai à son prêche comme on écoute un vieillard sénile.

— Je ne veux pas que tu commettes une erreur qui se transformerait en danger même par inadvertance.

Si elle savait. Satisfaite, elle me laissa partir. Je la saluai et fermai la porte à clé.

Dehors, je sentais par le souffle d'air chaud que le printemps avait bien laissé place à l'été. C'était des vacances bien méritées. J'aperçus alors ma meilleure amie dans une longue robe rouge en train d'ajuster quelques mèches rebelles à l'aide de ses faux ongles et d'un miroir portable. Ravissante, c'est ce qu'elle était. A la voir dans ce vêtement en satin, on se serait cru sur le chemin de Cannes. Je lui souris :

— Constance !

— Bah enfin, Mali !

Elle s'arrêta pour m'étudier longuement de haut en bas puis esquissa ce que j'interprétai comme un sourire. Elle se retourna pour rentrer dans le véhicule, laissant apparaître un sublime dos nu. Son ossature saillait sous sa peau lisse.

— Monte, on y va.

Dans la voiture, je fixais le cheval noir levé sur fond jaune de son volant. Le silence ne dura pas très longtemps. Constance démarra à toute vitesse. Sans quitter la route des yeux, elle demanda :

— Alors ?

Son invitation à parler me fit chaud au coeur comme si elle avait deviné les tourments dans lesquels je me trouvais la nuit.

— Rien, mentis-je.

— Tu ne sais pas mentir, Malkia.

Je frémis à ses mots. Je perçus un léger sourire sur ses lèvres sang. Malgré ses mains étranglant le volant, elle semblait relâchée. Sans souci. Comme si une joyeuse comptine lui traversait l'esprit. Moi, je semblais aspirée par mon siège. Mes mains moites, la gorge creuse, je me contenais.

— Relax, on s'en fout.

Ses lèvres s'étirèrent laissant apparaître ses canines luisantes et le reste de ses dents tout aussi brillantes. Je respirai alors, me penchant en avant je riais. Innocemment.

— Tu sais, ce soir c'est ma soirée mais c'est aussi ta soirée. Félicitations pour ton école, Mandela !

Le Rêve de soie [ÉDITÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant