Chapitre⁴

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Karl

    Le feu peut attendre. Un feu ça s'éteint. Cet avion, il en est persuadé, est un avion de guerre. Et qui dit avion de guerre, dit soldats. Le drapeau peint sur le flancs de la carcasse en flamme ne ressemble en aucun cas au drapeau de la Patrie. Et la réserve de poudre que contient cet appareil ne semble pas destinée à fabriquer des feux d'artifices.

    Il saute d'un bond de l'Ancile et tend sa main à Charlie pour qu'elle fasse de même. C'est alors qu'il se rend compte qu'elle a le menton barbouillé de sang et la lèvre inférieur éclatée.

Il attrape son mouchoir et lui essuie tant bien que mal le visage. Son amie lui balance un regard paumé, ses lunettes toutes  de travers.

-Ça aurait pu être pire, je pense. C'est de ta faute, gros débile.

Elle crache un peu de sang, retire ses lunettes d'aviation et met celles de vue. Un des deux carreaux est fendu en deux. Elle soupire.

-Super. De mieux en mieux.

Il se penche vers elle et l'enserre dans ses bras. Elle a la tête qui tourne et s'appuie contre lui.

-Passe la main dans ma veste, murmure-t-il dans son oreille.

-Oula, ça va un peu trop vite entre nous. C'est pas parce que vous m'avez défiguré que vous devez vous sentir plein de compassion monsieur, rigole-t-elle.

-Ferme là et attrape mon flingue. L'avion avait des passagers.

Le ton froid et sec de Karl la coupe net. Elle se fige d'un coup.

-Par Dieu. Tu m'expliques là ? Depuis quand tu es armé, c'est pas interdit ça ?

-Fais ce que je te dis.

    Charlie passe sa main à l'intérieur de la veste en cuir et sent le holster contre ses doigts engourdis. La chaleur qui émane de Karl ne parvient pas à la réchauffer. Elle détache le pistolet et le colle dans la main de son ami. Celui-ci est toujours accolé contre elle. Il saisit l'arme et pousse violemment Charlie au sol. La jeune fille s'écroule dans l'herbe humide. Il fait sauter le cran de sécurité et tire deux fois en face de lui. Dans le petit bois, la silhouette sombre qui se dissimule dans les arbres vacille et s'écroule au sol sans un bruit.

Alice

    Elle a toujours imaginé que la mort ressemblait au coton. Le Ciel, une sensation douce et brumeuse comme de la barbapapa. Des nuages tout joufflus avec Lia assise sur un cumulonimbus et ses parents posés sur des stratus touffus. Plus loin, Mamie et Papy allongé dans la tulle légère de la stratosphère.

Là, c'était plutôt le sol froid d'un coté et la chaleur dévorante d'un autre.

Elle est en Enfer. Je l'aie bien mérité, pense-t-elle.

Pardonnez moi, j'ai faillit à ma mission. Vous ne trouverez pas la paix et je m'en excuse de tout mon cœur. Priez pour moi. J'ai tout raté.

Il n'y a même pas quelqu'un pour prier pour elle. Elle va mourir comme les autres finalement. Un animal qu'on abat d'une balle entre les deux yeux avant qu'il n'ai pu voir le jour une dernière fois.

    Soudain, un couinement cadencé et des bottes jaunes. Des bottes Aigles, comme il en existent des millier. Une vision surréaliste et ridicule dans ce monde de douleur. Et ces mots aux accents étrangers, répétés, encore et encore. « Mon Dieu, c'est une fille. » « Elle est super jeune ».

« Karl, tu l'as tuée, elle est morte je crois. » « Putain, Karl, mais qu'est-ce que tu as fait ? » « Karl, mais pourquoi bordel ? » « Oh mon Dieu elle respire, elle respire. »

Onyx Ⅰ - NémésisWhere stories live. Discover now