Chapitre 2 - Vortex, Taxi et Georges

36 5 3
                                    


Sur les hauteurs que fournissait un immeuble de taille moyenne, juste au-dessus d'une voie rapide, se dressait un être banal. Il était vêtu d'une chemise synthétique thermo-adaptable, d'un pantalon de la même sorte, mais soldé, et d'une étrange paire de lunettes à rayons X pouvant faire penser aux lunettes infrarouges antiques que possédaient les forces spéciales terriennes. Il tenait dans sa main un boitier qui ressemblait à un compteur Geiger, sur lequel une aiguille et des chiffres oscillaient dangereusement. Un sourire crispé gagna les lèvres de son propriétaire : ça arrivait. Notre gars aux étranges lunettes n'était en rien un terroriste vérifiant la radioactivité d'une bombe déposée en douce, non. Désolé de décevoir les quelques politiciens qui y voyaient déjà un énième moyen pour augmenter la surveillance de leur peuple. C'était un chasseur de vortex. Les vortex sont des phénomènes assimilables à des tremblements de terre ou à des tornades. Mais en ce qui concerne les vortex, il ne s'agit pas de mouvements sismiques ou d'un phénomène aérien chaotique, mais de déchirures de l'espace-temps.

J'avoue que c'est un concept rébarbatif assez difficile à comprendre. Néanmoins, il existerait bien une métaphore pour décrire ces phénomènes. Imaginez la trame de l'espace-temps comme une nappe flottant dans le vide. Cette nappe représente la structure de l'univers que nous connaissons... si, si, je vous assure qu'une nappe peut très bien faire l'affaire. Imaginez maintenant qu'elle subisse des tensions réparties non uniformément, comparables à des enfants se la disputant. Vous n'avez pas besoin d'appartenir à l'élite des intellectuels pour comprendre qu'une nappe se déchire. Eh bien voilà, vous avez compris ce qu'est un vortex : ce n'est ni plus ni moins qu'une déchirure. Sauf que celle-ci ne se fait pas dans un espace à 3 dimensions, mais à 5 dimensions. Nous reviendrons plus tard sur cette notion de 5e dimension.

L'être, qui restait attentif non pas à la circulation des centaines de voitures volant plus bas, mais à un tel phénomène, savait que, dans précisément trois secondes, un vortex allait se créer au milieu du trafic routier. Au moment convenu, il apparut un fin disque auréolé de bleu et perpendiculaire au sens de la circulation. La créature sourit : son détecteur marchait bel et bien ! Il était en passe de recevoir un prix Nobel. Rappelons que détecter l'apparition d'un vortex est comparable à prévoir l'heure et la magnitude d'un séisme ou d'une tornade : c'est une chose assez délicate qu'on a longtemps pensée impossible. Mais ces pessimistes manquaient d'imagination et de méthode, car pour prévoir un tremblement de terre, il suffit de recouvrir entièrement la surface d'une planète avec des capteurs qui analysent en temps réel l'ensemble des propriétés de son écorce. Ensuite, il ne reste plus qu'à utiliser un algorithme, dans lequel on a préalablement entré toutes les secousses passées avec le maximum de précision, et de laisser le calculateur quantique faire son travail. Il en est de même pour les tornades, qui restent un tantinet plus délicates à prévoir. En effet, en ce qui les concerne il faut rentrer des paramètres d'indéterminisme, si utiles pour prévoir l'inexactitude des prévisions météorologiques, et un ensemble d'algorithmes fractals pour cerner, au cœur d'un orage, le lieu où la tornade se formera.

Pour détecter des vortex, cela demande certes des moyens considérables et une parfaite connaissance de l'espace-temps qui vous entoure, mais le résultat est là : vous pouvez prédire l'un des deux lieux de formation du phénomène...

Pardon ? Oui, j'ai bien dit un des deux lieux, car il est vraiment impossible de prédire où va naître l'autre extrémité du trou. La science ne peut pas répondre à toutes les questions ; il reste toujours une part d'imprédictible véritablement imprévisible.

Mais refermons là cette parenthèse technique. Notre chasseur de vortex n'a que quelques secondes pour prendre des photographies de la déchirure avant que celle-ci ne disparaisse.

Le Tour de l'Univers en 10-43 seconde (Le Sens de l'Univers, tome 1) - extraitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant