Chapitre 6: Ce lieu chargé de nos souvenirs

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_"Lily. Lily, l'eau déborde!" 

_"Hein quoi?" m'écriai-je. La moitié de mon arrosoir se répandait sur le carrelage de mon magasin. 

_" Que se passe t'il mon enfant tu n'as pas l'air dans ton assiette!" m'interrogea Marianne, ma plus fidèle cliente. Cette petite mamie au visage enfantin et à l'attitude maternelle venait chaque jeudi après midi composer un bouquet de fleurs exclusivement bleues ou violettes à la rigueur. Cette excentricité m'avait fait sourire au début jusqu'à ce que j'apprenne que sa composition hebdomadaire était destinée à son défunt mari. 

_" Ce n'est rien je suis seulement fatiguée!" lançai-je à la vieille dame. "Je me vais de ce pas préparer le morceau de ciel de votre André." Souriante, elle se cala élégamment dans le fauteuil d'osier ses mains fines et osseuses reposant  sur le pommeau de sa canne. 

_"Ma chérie, il va falloir songer à faire plus attention à toi. Ce n'est pas bon même pour une si jeune personne de vivre si intensément. Est-ce que tu manges bien au moins?" me questionna t'elle la bouche serrée en une moue inquiète.

_"Oui Marianne je mange comme quatre!" Rigolais je. "Je vais vous dire ce qui me perturbe. Hier matin j'ai revu un proche que je n'avais pas revu depuis la mort de mon père..." Ma gorge se serra. "Je suis heureuse mais en même temps si triste... Cela me déboussole." lâchais je dans un grand soupir.

_"Je vois ma petite. Ce jeune homme a ravivé le souvenir de votre défunt père." Je la regardais ébahie. Elle avait résumé en une simple phrase mon malaise. "Lily, mon cher André m'a quitté il y a maintenant neuf ans mais il est toujours là. Je ne veux pas oublier un seul souvenir de lui même si cela me fait mal. Tu as réussi à survivre en te forgeant une carapace et ce jeune homme, je suppose que c'est un jeune homme , a partiellement détruit ta défense. C'est pour cela que tu souffres." 

Des myosotis à la main je restais silencieuse. Raphaël a débloqué les souvenirs de mon père. Myosotis. Forget me not. Ne m'oublies pas. La fleur s'échappa de mes doigts. Mon dieu... REPREND TES ESPRITS!!! 

Seule à l'orphelinat, j'avais décidé d'éloigner les souvenirs de mon père pour me protéger mais la douleur est revenue comme un boomerang, me frappant de plein fouet. 

_" Marianne... j'ai besoin de tes conseils. Mon ami d'enfance m'a invité ce soir au manoir où j'habitais auparavant avec mon père, est-ce que tu crois que je devrais y aller?" le regard soudain sur la petite femme j'attendais nerveusement en me mordant la lèvre inférieure.

_"Oui sans aucun doute. Tu as vécu treize ans dans le déni et ton ami est le seul qui pourra te sortir de cette situation. Et as tu envie de le revoir?" 

_"Nous avons fait les pires bêtises tous les deux et il est comme un grand frère..." commençais-je à lui expliquer le regard dans le vide tout en triturant le bracelet à mon poignet.

_"N'en dis pas plus j'ai ma réponse!" Marianne se leva un air malicieux accroché à son visage creusé par les années. Elle s'avança précautionneusement vers moi, pris le bouquet et me glissa l'argent dans la poche de mon tablier. Elle m'embrassa tendrement sur le joue et sortit de ma jungle urbaine. 

Quelle étrange journée. Joie, tristesse et un autre sentiment se mélangeaient et m'empêchaient d'agir. 

L'après-midi se termina normalement et je partis me doucher et me changer. Une petite robe blanche à motif aztèque, des ballerines dorées, un câlin à mon petit chat et me voici dans la berline de Raphaël direction le manoir.

 Une petite robe blanche à motif aztèque, des ballerines dorées, un câlin à mon petit chat et me voici dans la berline de Raphaël direction le manoir

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 _"Mademoiselle nous sommes arrivés" annonça le chauffeur qui m'avait ouvert la portière.

Je descendis de la voiture et la vue de l'immense bâtisse familière me contracta la poitrine. "Papa je suis rentrée" murmurais-je. Le manoir gris enserré de vigne rouge prenait des airs de château hanté sous les faibles lueurs de la lune. Etait-il aussi effrayant dans ma jeunesse?  

Je montais chaque marche marbré au ralenti suivi de près par le chauffeur. La porte en chêne massif s'ouvrit sur un Raphaël très jovial.

_"Enfin Lily te voilà de retour chez toi!" Il s'avança vers moi et instinctivement me serra dans ces bras. Il me berça quelques minutes dans la chaleur de son torse et me prit par les épaules son regard océan visé dans le mien. "Je suis tellement content que tu aies accepté de venir. J'ai demandé à mon chef de préparer les mets les plus fins pour ce soir mais avant ça j'ai quelqu'un à te présenter."

Sa main capturant la mienne il me tira à travers de longs couloirs au combien familier. Ces couleurs, ces odeurs, ces objets, tout me semblait si familier et pourtant si lointain. Je me laissais conduire un peu perdue depuis ces "retrouvailles" plus que traumatisantes. Je ne rêve pas hein? Soudain, Raphaël s'arrêta devant deux portes battantes et me poussa à l'intérieur. C'était une cuisine spacieuse, modernisée mais avec un charme ancien flagrant. Là, à côté d'une casserole d'où s'échappait un fumé alléchant une dame ronde, au long cheveux poivre et sel ramenés en un chignon bas, se tenait et remuait frénétiquement le contenu du récipient. 

_"hum hum hum" fredonnait-elle tout en agitant ses hanches de droite à gauche.

Des larmes ruisselaient sur mes joues et ma gorge se noua. Je n'étais définitivement plus seule.

_"Mamita?" 

La femme se retourna brusquement et son visage passa par toutes les couleurs.

_"Mon petit coeur tu es revenue!"

Je courrais dans ses bras douillets. Mamita, l'une des nombreuses aides cuisinière du défunt père de Raphaël était devant moi. Son odeur de pain perdu, sa douceur, ses câlins... Nous pleurions comme des madeleines heureuses de nous retrouver. Elle était comme ma mère, déchirée d'être séparée de son "petit poussin" au décès de mon père. J'étais comme la fille qu'elle n'avait jamais eu la chance d'avoir. Je touchais son visage et elle gravait mon image dans ses rétines.

_" Tu as tellement grandi poussin" ses grosses joues étaient luisantes de larmes. Quel bonheur! Je remerciais mentalement Marianne de m'avoir poussée à revenir au manoir. 

Je me retournais vers Raphaël. Adossé à la chambranle de la porte, il avait les yeux fixés sur nous. 

_"Maintenant tu ne pourras plus partir" murmura t'il dans un souffle. 

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Voilà le retour de Lily dans son "ancienne maison". Je ne suis pas très contente de ce chapitre car je ne pense pas avoir bien retranscrit les sentiments contradictoires de la jeune femme. BREF.... ^^

L'histoire est très lente à se mettre en place mais j'espère qu'elle éveille votre curiosité. 

En tout cas je remercie encore toutes les personnes qui liront ce chapitre et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Il n'y a que comme ça qu'on peut s'améliorer!^^

<3

S'enfuirWhere stories live. Discover now