Chapitre 7

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Chapitre VII

Erwan



L'avantage d'être dans un lycée de deux milles têtes, c'est que des fêtes tombaient tous les week-end. Et ces jours-ci, j'avais vraiment besoin de penser à autre chose, oublier un peu. Me vider la tête. Juste pour quelques heures.

Parce que les pages de Cassiopée m'avaient glacé le sang. J'étais resté une dizaine de minutes à regarder le feuillet, sans bouger, sans même reposer ses copies, et j'ai réfléchi, avec le cœur qui cognait dans ma poitrine comme un forcené.

Alors c'était ça la raison pour laquelle je ne l'avais jamais vue au lycée. Je pensais qu'elle m'avait juste échappé, de toute façon, sur deux mille élèves, certains sautent forcément, surtout quand on voit à quel point il se ressemblaient tous. Des clones, avec des couleurs de cheveux et d'yeux à peine différentes qui se croisent, se recroisent, se saluent et se serrent dans leurs bras sans chaleur. La plupart ne s'aiment même pas vraiment.

Non, en fait, ce que je n'avais pas compris tout de suite, c'était que Cassiopée Bonham n'échappait à personne. Les gens se retournaient sur son sillage enflammé, la suivaient des yeux quand elle marchait au milieu de la foule.

Le choc de lire ses pages avait été d'autant plus grand. Ses mots résonnaient toujours dans ma tête, avec sa voix calme.

« Je ne demande pas de traitement de faveur, je n'en ai jamais demandé. Je ne veux pas être différente. Je ne veux pas que ce mois à l'hôpital soit vu comme de la mauvaise volonté, Madame. »

A l'hôpital.

Cassiopée avait passé un mois à l'hôpital.

Pourquoi ?

Ses lignes m'en avaient dit beaucoup, mais pas assez, et la curiosité me rongeait.

Mais, finalement, après des heures à repenser à ses pages noircies d'émotions brutes qui n'avaient de toute évidence rien à voir avec les boulots habituels en heure de colle, je m'étais dit que ça ne me concernait pas. Que même si l'envie d'en savoir plus me tiraillait, elle n'avait pas besoin de mon aide, sans compter que j'avais d'autres choses à penser.

Tarah et Harry sortaient ensemble officiellement. Ils s'embrassaient sans aucune once de retenue dans chaque couloir, à chaque récréation.

Et je ne l'avais jamais vue aussi heureuse.

Quand elle le regardait, ses yeux s'allumaient, pétillants d'une flamme que je ne me rappelais pas avoir déjà vue chez elle. Ils scintillaient, puaient un « je te veux » écœurant, et étiraient sur son visage un sourire encore plus blanc qu'habituellement.

Dersh, c'était un enfoiré. Tout le monde le savait. Il traitait chaque personne, fille, garçon, enfant, vieillard, comme le dernier des abrutis. Mais ça ne posait pas de problème à Tarah, apparemment, et elle se serrait contre lui comme si elle se sentait importante, plus importante que toutes celles qui étaient passées avant elle dans les bras et dans le lit d'Harry. Le plus fou, c'est qu'elle pensait vraiment qu'elle serait différente.

Au milieu de toute cette histoire, je me suis senti très idiot.

J'avais fait semblant de bien prendre la nouvelle, endossé le costume crasseux de l'ex modèle, dit à tout le monde que j'étais content pour elle. Après, j'ai été vaguement en colère, parce que ça ne faisait que trois semaines que nous n'étions plus ensemble. En colère, et frustré.

Elle s'appelait CassiopéeWhere stories live. Discover now