XXIII. Un, deux, trois...

Depuis le début
                                    

– Inspecteur Fondement ? bredouilla-t-il. Je suis venu me rendre. Il est temps de mettre un terme à cette folie.

Patrick Fondement, qui s'était attendu à trouver face à lui un père désemparé venu mouiller les épaulettes de sa veste de service, accepta de l'arrêter avec le plus grand bonheur. Demeurant malgré tout sur ses gardes, parce que c'était bien la première fois qu'un criminel se rendait à lui sans le forcer à piquer un sprint pour l'arrêter, il conduisit l'homme en cette même salle d'interrogatoire où il s'était entretenu avec Calixte Valette tout au début de son enquête – cela lui semblait désormais à des années-lumière.

L'interrogatoire commença dans le formalisme le plus complet.

– Monsieur Pascalin Lignières, c'est cela ? demanda le lieutenant Fondement – sans toutefois prendre la peine de sortir une plume pour noter quoi que ce soit, puisqu'il avait confié ce poste à l'agent Lande d'Aussac, postée derrière la vitre sans tain.

– Oui, confirma son vis-à-vis. Je suis le père d'Isabeau. Elle... Elle a fait une tentative de suicide ce matin.

– Et au lieu de vous rendre à son chevet, vous avez préféré vous rendre... à moi, marmonna pensivement le lieutenant Fondement, une interrogation légitime dans la voix.

Les traits de Pascalin Lignières se décomposèrent un peu plus, si toutefois cela était physiquement possible.

– Oui, fit-il d'une toute petite voix. Mais j'ai demandé à l'hôpital d'appeler votre secrétariat si jamais ils avaient du nouveau, concernant Isabeau. J'ose espérer que vous aurez... la gentillesse de me tenir informé.

– Évidemment.

Il exhalait de ce père un désespoir si complet qu'il parvenait à mettre Patrick Fondement mal à l'aise. Il bougea un peu sur sa chaise, incapable de trouver une position confortable.

– Pourquoi êtes-vous venu ? demanda-t-il finalement, en tachant de ne pas mettre trop de reproches dans son ton.

– Pour me rendre.

– D'accord. Mais pourquoi estimez-vous devoir vous rendre ? Qu'avez-vous fait de mal ?

L'homme resta silencieux, la tête basse. Cela virait gentiment au dialogue de sourds. Le lieutenant Fondement allait devoir faire preuve d'un peu plus de psychologie s'il comptait arracher à son prisonnier nouvellement constitué des informations utiles.

Puis soudain, sans le moindre signe annonciateur, Pascalin Lignières se mit à débiter un flot ininterrompu de paroles, comme s'il se libérait enfin d'un poids porté durant de bien trop longues années.

– Je ne sais pas ce qu'il s'est véritablement passé à l'internat, avoua-t-il. Mais j'ai l'intime conviction que ce n'était que les répercussions d'un drame plus ancien, et cela a fini par conduire ma fille chérie à commettre l'irréparable. Alors pour la sauvegarde d'Isabeau, s'il lui est donné de vivre, je suis venu vous dire la vérité sur la prise d'otage de l'opéra.

Évidemment, l'homme ne reçut aucune réponse à sa déclaration-choc ; le lieutenant Fondement était bien trop occupé à imiter le poisson rouge – bouche ouverte et yeux ronds – pour seulement songer à lui poser la moindre question.

– Voyez-vous, reprit Pascalin Lignières, je suis peintre de profession. Artiste. C'était moi qui m'occupais des décors à l'opéra. Ce n'est pas une profession qui permet de vivre bien, mais je n'en connais aucune autre. Nous n'étions pas riches, à l'époque ; mon épouse était elle aussi artiste, et nous avions deux enfants à nourrir. Isabeau ; et Vladimir.

Il prononça le dernier prénom avec une douleur plus fulgurante encore que celle qui le saisissait lorsqu'il pensait à sa fille entre la vie et la mort. Une fois encore, l'inspecteur Fondement demeura muet, préférant le laisser poursuivre à son rythme.

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant