XVIII. Cinq petits cochons

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– Je veux oublier tout ça, gémit Domitille en se massant les tempes.

Marchant à ses côtés, Calixte demeura silencieuse. Elle ne savait que penser. Les jumelles avaient quitté Louis-Gustave peu après sa terrifiante révélation, s'apercevant bien qu'il n'y avait rien de plus à tirer de leur aîné. Il était ainsi : il fallait le laisser traîner seul sa misère quelques jours, et il aurait tout oublié une fois le choc passé. Enfin, cela risquait de prendre un peu plus d'une poignée de journées cette fois-ci, vu le caractère particulièrement étrange du choc en question, mais Calixte ne s'inquiétait pas trop pour lui – contrairement à Domitille, qui avait insisté pour que l'on demande à la voisine de passer le nourrir deux fois par jour, juste histoire qu'il ne meure par d'inanition.

– On a assez de cadavres sur le dos, pas la peine d'ajouter celui de Louis, avait-elle tenté de plaisanter – mais sa blague était tombée très très à plat.

Quoi qu'il en soit, Calixte et Domitille ne retournaient pas à l'internat les mains vides. Elles hésitaient toutefois encore quant à savoir si elles voulaient révéler la trouvaille de Louis-Gustave à leurs compagnons détectives du moment – Adélaïd, Philiberte et Georgianna. Pour elles, il ne faisait aucun doute que Louis-Gustave n'avait pas informé les forces de l'ordre et qu'il ne le ferait pas. Elles n'étaient pas certaines de ce qu'une telle information pouvait impliquer concernant leur présomption d'innocence.

– J'ai entendu dire que la nourriture était affreuse en prison, frissonna Domitille. Rends-t'en compte : ils servent de l'Earl Grey pour le thé du matin ! Quelle horreur ! Tout le monde sait bien que c'est l'English Breakfast qui doit accompagner les œufs brouillés et les tartines !

– Terrible, en effet, approuva très sérieusement Calixte. Du coup ça veut dire qu'on fait quoi ? On ne dit rien à personne tant qu'une révision de l'ordonnance sur le service du thé dans les établissements pénitentiaires n'est pas entrée en force ?

– Potentiellement, approuva Domitille. Je ne sais pas. Je pourrais éventuellement le supporter s'ils servaient du Lady Grey...

Elles cheminèrent ainsi jusqu'au domaine de Mademoiselle de Touchet, arguant sur le service du thé plutôt que sur la terrifiante nouvelle dont elles venaient d'avoir connaissance. Une fois passées les grilles, Calixte se fit toutefois plus sérieuse.

– On n'a aucune objectivité et on est incapable d'en parler sérieusement, Dom, nota-t-elle. Il nous faut un regard extérieur.

Presque à contrecœur, Domitille hocha la tête en signe d'assentiment.

***

Adélaïd s'était dissimulé dans la chambre de Philiberte et Georgianna, ce qui n'avait pas été sans poser de problèmes pour le faire entrer sans que les autres pensionnaires ne notent sa présence. Évidemment, Philiberte s'y était opposée, mais elle n'avait pas pu faire grand-chose pour lutter contre l'insistance du garçon et l'enthousiasme de Georgianna, qui se trouvait toujours partante lorsqu'il s'agissait de briser les règles.

– On va se faire prendre et ce sera terrible. Mademoiselle de Touchet va écrire à ma mère et elle m'enverra au couvent, ronchonnait Philiberte.

– Ça doit être sympa, le couvent, nota Georgianna. Les filles doivent se montrer very solidaires. J'adorerais cette ambiance.

Philiberte la toisa d'un regard dubitatif, puis croisa le regard tout aussi dubitatif d'Adélaïd. Elle n'eut toutefois pas l'occasion de rectifier l'opinion faussée de sa camarade de chambre, car Calixte et Domitille débarquèrent comme des furies quelques secondes plus tard.

– Qu'est-ce qu'il fait là, lui ? grommela Calixte en notant la présence d'Adélaïd, aimablement rangé dans la penderie de Georgianna afin qu'un importun pénétrant dans la chambre – Anne-Lucienne, pour ne citer qu'elle – ne note pas sa présence sous l'armada de vêtements de Georgianna.

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueWhere stories live. Discover now