XIX. Les Indiscrétions de Patrick Fondement

Start from the beginning
                                    

– Nope.

Dans un haussement d'épaules nonchalant, Louis-Gustave observa son vis-à-vis à travers le verre de son breuvage. Patrick ne sut s'il devait interpréter son refus comme une réponse à sa question rhétorique ou un refus de coopérer.

À défaut, il se contenta de siroter sa deuxième bière, laissant le silence s'installer, prendre possession des lieux. Louis-Gustave semblait toujours agité en face de lui, incapable de reprendre le contrôle de sa personne. Il fallait reconnaître que le whisky n'aidait sans doute pas.

– Domitille et Calixte n'ont pas commis le meurtre.

Ce fut sa première affirmation un peu sensée depuis que le lieutenant Fondement s'était invité chez lui.

– Elles peuvent être difficiles, capricieuses, mais ce ne sont en aucun cas des tueuses, reprit Louis-Gustave.

– Aucune des gosses de l'internat n'en est une, a priori, se moqua gentiment Patrick. Ça n'a pas empêché que l'on retrouve un cadavre à poil dans leur bibliothèque.

Louis-Gustave le fixa un moment à travers son verre, fuyant la confrontation directe.

– Je sais, grommela-t-il à contrecœur. Mais je tenais quand même à te répéter mon sentiment avant de m'enfoncer pour de bon dans cette fichue histoire. Alors juste pour un moment, juste maintenant, chez moi, j'apprécierais que tu fasses au moins semblant de me croire, lieutenant Fondement. Domitille et Calixte sont innocentes.

Son interlocuteur hocha pensivement la tête et bafouilla son assentiment. C'était un genre de politesse un peu futile, mais il voulait bien jouer le jeu. Après tout, il s'était introduit ici comme un malpropre avec un reste de gigot. La demande de son hôte forcé ne dépassait pas les limites des convenances, loin de là.

– Domitille et Calixte sont innocentes, répéta-t-il d'une voix monocorde, histoire de satisfaire Louis-Gustave pour de bon.

En réaction, celui-ci termina son verre d'une lampée, le déposa à même le sol et se releva en titubant. Il parvint jusqu'au lieutenant Fondement, qui se trouvait toujours affalé dans l'épais fauteuil de cuir qu'il s'était octroyé en entrant. Peu assuré, il regarda l'avocat loqueteux se pencher au-dessus de lui, les mains sur les accoudoirs, jusqu'à ce que leurs deux visages se trouvent tous proches. Les yeux de Louis-Gustave ne le fuirent plus, cette fois ; ils se plantèrent dans ceux de Patrick comme un escarpin à talon dans le cœur d'un jeune homme.

– La chaussure appartenait à ma mère.

Les quelques mots que lâcha son hôte, Patrick ne les saisit pas sur-le-champ. Il se trouvait très franchement déconcentré par l'haleine aux effluves de whisky qui s'échappait des lèvres pleines de son vis-à-vis pour frapper son visage. Et puis bon, l'affirmation était aussi franchement ridicule.

– Tu n'as pas compris ? s'exclama Louis-Gustave, voyant qu'il n'obtenait pas de réaction. La chaussure appartenait à ma mère. L'arme du crime ! Elle la portait quand elle est morte.

Fidèle à sa promesse, Patrick Fondement se garda bien de dire tout haut ce qu'il pensait tout bas, à savoir que cela rendait les jumelles Valette plutôt coupables, voire même complètement. À la place, il lâcha donc un de ces mots qu'il s'entraînait chaque jour à répéter sur des tons divers devant son miroir, histoire d'avoir l'air sérieux et mystérieux si jamais un gros indice lui tombait sous le nez :

– Intéressant.

Puis, il décida qu'il avait assez joué les flics que rien n'effraie pour la soirée, et se jeta vers l'avant pour embrasser furieusement les lèvres alcoolisées de son vis-à-vis.

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueWhere stories live. Discover now