VIII. Cartes sur table

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– Je vais plutôt vous dire la vérité, décréta la jeune prisonnière, l'air un peu trop joueuse pour que Patrick ne lui accorde ne serait-ce qu'une once de confiance – à cette gosse-là, il n'aurait même pas confié sa bière !

Il hocha néanmoins la tête avec intérêt, tâchant de ne pas trop montrer qu'il ne la croyait pas du tout, mais alors pas du tout du tout.

– Je vous dirai la vérité, si vous promettez de relâcher ma sœur et de ne plus l'impliquer ! reprit la jeune fille. Elle s'est peut-être livrée d'elle-même, mais elle n'a rien à voir avec tout ça.

– Si tu livres des informations intéressantes, Domitille, et que tu parviens à m'expliquer pourquoi cette Anne-Lucienne décrète qu'elle t'a vu rejoindre ton petit copain que tu es censée ne plus avoir croisé depuis un mois, on peut s'arranger.

– D'accord.

La jeune fille s'appuya sur le dossier de son siège et releva le menton, de sorte que le lieutenant Fondement puisse facilement analyser son visage, offert à la lumière nue de la salle d'interrogatoire.

– J'ai effectivement vu Valmont hier soir. Nous avons parlé dans la bibliothèque. Je ne voulais pas qu'il monte à l'étage, voyez-vous. Il ne fallait pas que les autres remarquent sa présence. Je lui ai dit que je ne voulais plus jamais le voir, que je ne l'aimais plus et qu'il devait disparaître de ma vie, cesser de me tourmenter. Je lui ai dit tout ça, et il a paru triste, mais a promis. J'ai rompu avec lui. Pour de bon.

Le lieutenant Fondement dut s'appuyer à son tour sur le dossier de sa chaise, franchement éberlué par la soudaine déclaration de la jeune fille.

– Tu... Tu te rends compte que c'est un motif de meurtre plutôt convaincant, ce que tu me dis là... murmura-t-il, sous le choc.

– Pas vraiment.

– Meurtre passionnel. Ça collerait avec la chaussure à talon et l'aspect non préparé du crime.

– Si c'était moi, ce n'était sans doute pas passionnel.

– Tu viens de me dire que tu avais rompu avec lui... Ne me fais pas rire, je sais comment ça se termine, ces histoires entre adolescents.

La jeune fille sourit, ironique. Elle semblait au-dessus de tout ça, un peu ailleurs aussi. Elle se tenait loin devant lui sur la piste de sa propre enquête.

– Vous ne comprenez pas, lieutenant. Je suis Calixte.

***

Ce fut le moment que choisit Louis-Gustave pour faire irruption dans la pièce en clamant :

– Je suis son avocat ! Je suis son avocat ! Que personne ne bouge !

Calixte nota aussitôt la cravate de travers et les cheveux en bataille de son frère aîné, signe qu'il était vraiment venu en catastrophe, le pauvre. Louis-Gustave mettait toujours un point d'honneur à se présenter sous un jour parfaitement honorable. Il portait des costumes trois-pièces impeccablement taillés pour mettre sa carrure fine en valeur – comme les jumelles, il n'était pas bien épais, et possédait une collection de cravates et de nœuds papillon à faire rougir le meilleur collectionneur de morceaux de tissu à s'accrocher autour du cou.

Cette fois-là, toutefois, il dérogeait sérieusement à la règle, nota Calixte. Son frère aîné devait vraiment croire sa situation désespérée pour avoir rappliqué dans une telle pagaille. Peut-être que c'était sa démoniaque patronne qui l'envoyait ? Cette femme était un véritable génie du mal, Calixte lui voulait un culte. Oui, sans doute avait-elle lâché son petit chien sur l'affaire aussitôt qu'elle avait réalisé qu'elle pouvait en tirer pas mal de publicité – bonne ou mauvaise. Louis-Gustave, le charmant caniche qui aboyait si bien...

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant