Chapitre 9, Le repas

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On frappa fort à la porte d'entrée et on l'ouvrit dans un vacarme infernal, le bruit, les paroles revenaient. Je m'étais trop habituée au calme qui régnait dans le bâtiment, j'avais pleuré et je m'étais lavée, cela avait duré environ quarante minutes, je m'étais habillée et j'avais attendu environ dix minutes sur le tabouret, plongée dans mes pensées. À présent je pris mon ancienne combinaison et mes anciens gants pour les rendre à un garde robuste et froid à l'entrée. J'avançais encore un peu et je vis le Dr. Fernando au loin, je m'approchais alors doucement, timide, je baissais la tête mais il la releva et contempla mes joues " Tu as pleuré ? Pourquoi ? " Je ne lui répondis pas et continuais à regarder mes mains.
- Il faut me le dire si tu as un problème, mais si tu ne veux pas ça ne fait rien. Maintenant il faut qu'on aille manger.
Il me regarda et entoura son bras autour de mes épaules. Je me dégageais peu à peu, il n'allait jamais remplacer mon père, il n'allait jamais remplacer mon frère, il n'allait jamais remplacer personne, je n'avais pas besoin de lui ou de qui que ce soit ici.
Je savais bien que ce que je pensais n'était pas vrai, que j'avais besoin de lui, de Josh mais j'étais dans un si grand élan de colère que je me mettais à penser à des choses invraisemblables. On arriva devant un réfectoire, les bruits des couverts et des gens qui criaient m'agressaient les oreilles. On atteignit une rampe en fer où l'on devait faire glisser notre plateau, je pris alors une assiette, une serviette, un verre et des couverts. Je m'assis à une table du fond, toute seule, je ne savais pas où était passé le docteur. Des gardes passèrent pour nous distribuer le repas. En entrée, des carottes surgelés, croquantes, glacées, sans goût, sans sauce. En plat, des haricots au beurre, remplis de fils et de graines, à peine cuits, et des pâtes froides, immangeables. En dessert, une tarte et un yaourt, froids. Je repoussais mon plateau après avoir goûté à chaque aliment et avoir finalement mangé mon pain en entier, la seule chose que je puisse avaler. Je sortis discrètement du réfectoire après avoir jeté mon plateau. Il y avait une longue file devant moi qui se dirigeait vers une échelle que surveillaient des gardes. Je m'y introduisais doucement et attendis mon tour. Quand ce fut enfin à moi de monter, je m'agrippai aux barreaux de l'échelle, ils étaient froids et glissants. Je sentais le vent de l'extérieur me souffler dans la figure. C'était si agréable. Arrivée au bout de l'échelle, je montai sur le toit de la prison, plusieurs personnes y étaient et discutaient, les cheveux au vent. Je m'assis au bord du toit, je n'avais pas peur de tomber, je n'ai jamais eu le vertige, la hauteur, au contraire, me fascinait. Je mis ma tête entre mes mains et regardais les autres, ils avaient l'air heureux, mais je me demandai alors comment peut-on être heureux en pleine épidémie. Ma tante me disait toujours «La joie est partout, il suffit juste de l'extraire.». Mais je n'arrivais pas à en extraire, seule sur le toit d'une prison. Je tournais la tête pour regarder les personnes qui arrivaient sur le toit. Je m'apprêtais à partir car je n'avais rien à faire ici mais j'aperçus un visage familier, des cheveux bruns, des yeux noisette, il regardait au loin. J'accourus vers lui, il eut à peine le temps de se retourner que je le serrais déjà dans mes bras, je sentais la chaleur de son cou et ses bras m'entourer.
- Je croyais que tu étais mort, lui soufflai-je à l'oreille.
- Je ne mourrai pas sans t'avoir dit adieu, Aurélie. dit-il en plaisantant
Ce câlin dura encore longtemps, je sentais mon cœur taper si fort dans ma poitrine, ma respiration rapide et son souffle dans mes cheveux. Ses mains serrées dans mon dos, son buste se collant au mien. Ce geste, cette sensation, je voulais que ça ne se finisse jamais, que personne ne nous sépare, je voudrais qu'il ne meurt pas, je voudrais encore sentir son corps chaud contre moi, je voudrais qu'il soit encore en vie demain ou dans vingt ans, j'aimerais garder ce même sentiment de bonheur, de détente, mais je sais bien aussi que bientôt tout cela sera fini, que je le regretterai, qu'il sera parti bientôt à tout jamais.

I Can't Wait TomorrowWhere stories live. Discover now