Chapitre 1 - Olhem, Rêve et Assassinat

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Ce soir-là, il se coucha de bonne humeur avant de se mettre à rêver. Dans son rêve, il voyageait à dos de scarabée géant, lorsqu'une lumière éblouissante l'aveugla. Un être familier apparut au travers de cette lumière : il avait les mêmes cheveux bruns bouclés, les mêmes yeux clairs, et la même cicatrice au menton que lui. Il faisait face à son jumeau.

— Bonsoir, Sareth.

Son double tenait dans une main ce qui ressemblait fortement à un canard en plastique jaune – matière encore inconnue des Olehmites. Ayant repéré son regard, le roi psychédélique s'expliqua :

— Oh, ne fais pas attention à ça. Je venais juste te prévenir que demain tu risques de... de mourir.

Une sorte de taureau portant la vague inscription « c'est elle » en lettres de feu traversa devant eux.

Son double ajouta :

— Demain soir, euh... fais attention, un... un de tes sujets...

Son double marqua une pause avant de reprendre.

— Erslan voudra te poignarder, voilà.

Son jumeau sembla se retourner pour parler à une personne que Sareth ne pouvait pas voir. Il crut discerner ces paroles :

— ... sûr que j'ai tout dit ? D'accord.

Son double s'adressa de nouveau à lui :

— Je te souhaite une bonne nuit.

Sur ce, un second taureau passa entre eux avec la même inscription, et se transforma en un soleil flamboyant à l'image du Dieu Kase. Sareth se réveilla en sueur.

Le lendemain soir, le roi averti, pour lequel les rêves étaient le plus sûr moyen utilisé par des Dieux pour communiquer avec les ef'atrah, fit précautionneusement tout ce que Kase lui avait dit : il se méfia. Il se méfia d'autant plus que, ce soir-là, il avait organisé un grand repas. D'une part en l'honneur de Kase et de sa manifestation – car celles-ci, il fallait l'avouer, étaient bien trop rares. D'autre part, parce qu'entouré de plusieurs servants, il était protégé, ou du moins le croyait-il. Il fixait d'un mauvais œil Erslan, à son service depuis sa naissance. Jamais il n'aurait cru que ce gamin, si serviable et si dévoué, soit capable de commettre une telle félonie. Mais les Dieux avaient vu son véritable visage. Si Erslan ne passait pas aux aveux d'ici l'aube, il serait offert à la clairvoyance des Dieux. Le repas terminé, Sareth ordonna à dix de ses meilleurs officiers de conduire discrètement Erslan au cachot.

— Alors Erslan, on prépare un mauvais coup à son roi ?

— Majesté, je ne vois pas de quoi vous parlez... Si vous faites allusion à ma cuisine, sachez que je peux vous arranger la ch...

— Silence ! Installez-le sur la planche. On verra si tu restes muet longtemps.

— Mais, attendez, mon roi ! Je ne sais pas de quoi vous parlez !

— Ah bon ? Eh bien je vais te rafraichir la mémoire. Vois-tu, l'autre nuit, j'ai eu une vision de notre Dieu qui m'a dit que tu allais m'assassiner.

— Quoi ? C'est une méprise...

— Ne blasphème pas ! La parole des Dieux est irrévocable.

— Mais... ce n'est pas possible ! Je n'ai jamais voulu ni même pensé à vous tuer !

Le jeune innocent versa des larmes.

— Ce n'est pas la peine de tenter de m'apitoyer. Vu ton hygiène de vie et ta classe sociale, tu mourras d'ici quinze ans de toute façon, alors ne te plains pas. Tu accompliras le dessein des Dieux et ils t'en seront reconnaissants. Gardes ! Préparez-le pour l'échafaud, il a avoué.

— Mais je n'ai...

Tout à coup, il se passa une chose étrange. Les gardes qui allaient enlever les liens du prisonnier venaient tout bêtement de disparaître. Sareth resta bouche bée. L'instant d'avant, deux colosses d'un mètre quatre-vingt se trouvaient à ses côtés. Erslan ne comprit pas plus que son roi ce qui se passait ; il n'y vit qu'une occasion pour s'échapper. Malheureusement, lui aussi disparut. Le Roi vacilla. Il prit une torche, son courage à deux mains, puis balaya l'espace clos de la salle creusée à même la roche.

Personne ne pouvait disparaître de la sorte, pensa-t-il, c'était impossible... Était-ce encore une épreuve envoyée par les Dieux ?

C'est alors qu'il vit la chose. Il cligna une vingtaine de fois des yeux, se pinça au moins autant de fois, avant d'être certain qu'il voyait bien une sorte de sphère, en forme de toile d'araignée bleue et dorée, flotter à la hauteur de son visage. Le monarque observa la chose assez longuement pour définir son degré d'agressivité, qui se voulait heureusement nul, si ce n'est qu'elle venait de happer trois Olehmites. Il s'en approcha avec la témérité de la souris s'approchant du chat en train de faire ses griffes, et finit par ne plus en être très loin du tout. Il s'arrêta, avança et contourna le curieux objet. Un instant, il crut que celui-ci avait disparu, avant de s'apercevoir que l'objet n'était pas une sphère, mais un disque très fin suspendu en l'air – ce qui ne le rassura pas totalement.

Dans la vie, il y a des moments où il faut savoir prendre une décision, surtout si vous êtes roi. Il y a d'autres moments où rester immobile et contempler, bouche bée, est la seule chose qu'il vous serait possible s'il se trouvait, comme dans le cas présent, un disque lumineux à moins d'un mètre de votre tête. Mais comme la vie est pleine de surprises, Sareth fit un geste, un seul. Il toucha l'objet de sa main. Au moment du contact, il n'aurait su dire si c'était sa main qui traversa le disque ou si c'était le disque qui l'enveloppa entièrement. Une chose est sûre cependant : après avoir effectué ce geste en apparence anodin, Sareth se retrouva face à une maison lui fonçant dessus à toute allure.





Le Tour de l'Univers en 10-43 seconde (Le Sens de l'Univers, tome 1) - extraitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant