Chapitre 5

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Ah. Je n'avais pas prévu ce genre d'aveux. Je fus tentée de retirer ma main de son épaule, mais je ne voulais pas qu'elle pense que je la rejetais, alors je la laissais. J'étais hyper tendue, enfin, c'est vrai quoi, déjà que je n'aime pas mettre des râteaux à des inconnus, en mettre un à une amie... Je ne pouvais pas. Mais je ne pouvais pas non plus faire semblant. J'imaginais qu'on allait prendre nos distances quelques temps, pour que ça lui passe. Je me demandais comment j'avais pu lui plaire. Sans déconner, la première fois qu'on s'est vues, j'avais les cheveux tellement décoiffés qu'on aurait dit qu'un pétard m'avait explosé au visage. La deuxième fois, je me foutais des miettes de croissant de partout, ensuite, j'embrassais un garçon sous ses yeux, et puis là je... Ah, merde. J'avais oublié d'enfiler un truc avant de la recevoir. Heureusement que le t-shirt était assez long et me tombait jusque sur les cuisses.

- Dis quelque chose s'il te plait..., murmura Chloé en levant la tête vers moi.

- Je...

Qu'est-ce que je pouvais bien lui dire ? Tu ne m'intéresses pas ? Non, ça le fait pas. Je suis prise ? Non plus, il faudrait que je me trouve un mec sinon. Je ne suis pas du même bord ? Rah. Les situations délicates, c'est pas mon truc. Tout ce qui sortit fut :

- Je peux pas, Chloé... Je suis désolée...

Elle planta ses yeux bleu clair dans les miens, et ils se remplirent de larmes. Elle tenta de les refouler en levant les yeux au plafond, mais elles glissèrent le long de ses joues. Ses dents vinrent attraper sa lèvre inférieure pour la mordre. Je la regardais sans rien faire, sans rien dire, j'étais bien trop maladroite. Du sang perla sur sa bouche. Je me levai pour prendre un mouchoir et l'humidifier, puis je le posai sur ses lèvres pour éponger le sang. Pendant que j'étais concentrée sur ma tâche, elle me regardait avec insistance. Je pouvais sentir son regard parcourir mon visage. J'avais l'impression d'être un animal de foire. Mal à l'aise, je retirai le mouchoir et le jetai à la poubelle, puis je m'adossai au mur en croisant les bras. Mes yeux faisaient le tour de la chambre sans jamais se poser sur elle. J'avais du mal à me retenir de la regarder, mais on ne regarde pas quelqu'un qui pleure. Elle essuya ses yeux, prit un mouchoir dans le paquet que j'avais laissé sur le lit et se moucha. Elle désigna la salle de bains.

- Je peux ?

- Oui, vas-y.

Elle se leva en chancelant et s'y dirigea tandis que je retournais m'asseoir sur le lit. J'entendis de l'eau couler dans le lavabo, puis le bruit caractéristique de quelqu'un qui s'éclabousse le visage pour le rafraîchir. Elle sortit en s'essuyant sur son t-shirt. Ses pommettes étaient rouges. Ses yeux aussi.

- Je crois que je vais y aller, dit-elle.

Sa voix était rauque, un peu tremblante. J'avais envie de lui dire de rester, mais ce n'était pas une bonne idée. Je n'allais quand même pas lui ouvrir grand la porte en lui disant de se casser. Je la fixai sans rien dire, elle plissa les lèvres, tourna les talons et sortit de la chambre sans demander son reste.

Je restais longtemps à fixer la porte. C'était dur de laisser partir une amie dans cet état là. Mais je ne pouvais tout simplement pas dévaler les escaliers et la ramener chez moi. Elle avait besoin de quelque chose que je ne pouvais pas lui offrir.

*

La fin de la semaine était passé le plus lentement du monde. J'aurais presque préféré avoir cours. Presque. Je n'avais plus revue Chloé et je n'étais sortie qu'une fois pour racheter des sandwich au poulet. J'avais décliné plusieurs invitations de Steve. Il était la dernière personne que je voulais voir. Enfin, au fond, j'avais bien envie de me vider la tête en passant une après-midi avec lui au parc, mais je me sentais coupable à propos de Chloé. Je n'ai donc pas bougé de mon lit pendant les trois jours qu'il restait.

Le réveil sonnait depuis quelques secondes déjà et je me rendis soudain compte que la musique ne provenait pas de mon rêve. Je me levai en sursaut et atteignis mon téléphone pour couper la sonnerie. Au passage, je vérifiai mes messages avec l'espoir que Chloé m'en avait envoyé un. Négatif. Génial. J'avais intérêt à partir en avance si je ne voulais pas me perdre et arriver en retard.

Je me coiffai et maquillai mes yeux bleus de noir. J'enfilai un jean gris et un t-shirt bordeaux. Je mis mes Vans noires et m'attablai pour déjeuner quelques céréales. Tout en mâchant, je lisais le paquet, qui n'avait pourtant rien d'intéressant à m'apprendre depuis la veille. Je me décidai finalement à me brosser les dents et je quittai la cité U, mon sac à dos sur l'épaule.

La fac était vraiment imposante. Je passai le portillon et eus la plus belle vision de ma vie : Chloé entrait dans le hall. Comme nous avions cours ensemble, je la suivis tout en restant à distance. Je n'allais donc ni me perdre, ni arriver en retard.

Elle entra dans l'amphi 3. Premier cours en amphi ? J'avais intérêt à être attentive... Je m'assis non loin d'elle. En fait, j'étais à deux bancs de la rousse, qui ne semblait pas m'avoir remarquée. Je soupirai et sortis un calepin et un stylo à quatre couleurs. Le prof n'était pas encore arrivé et l'amphi était déjà rempli au tiers. Je redoutais le jour où j'arriverais en retard. Chloé jeta un regard alentour autour d'elle et ses yeux bleus se posèrent sur moi. Elle tourna la tête d'un coup vif, comme si me regarder lui avait provoqué une décharge électrique. J'imaginais que nous n'étions plus amies. Tant pis. Je me rendrais à la bibliothèque dans la soirée pour faire connaissance avec d'autres...

Un grand boum me fit sursauter et je me retournai à ma droite. Une pile de livres venaient d'atterrir sur la table et Chloé prenait place à côté de moi. Comment est-ce qu'elle avait fait ça ?

- Tu m'as fait peur, dis-je en me raclant la gorge.

Elle ne m'accorda pas un regard. Je jetai un coup d'oeil à l'endroit où elle était assise, et des mecs la regardaient d'un air narquois. D'accord, elle venait à côté de moi juste pour se débarrasser d'eux. De toute façon, je n'avais pas mon mot à dire. C'était ma faute si on était en froid. Je ne pouvais pas lui en vouloir de me faire la gueule.

Le prof débarqua et, tout en descendant les escaliers, il commença son cours. Wow, rapide l'entrée en matière !

Quelques fois durant les deux heures que duraient le cours de culture anglophone, Chloé me jetait des coups d'oeil, sans pour autant m'adresser la parole. En fait, je ne savais pas si elle me regardait moi, ou mes notes, d'ailleurs je m'en fichais. Je n'avais pas envie de me prendre la tête, et je voulais vraiment réussir ma première journée.

Le prof nous annonça qu'on pouvait sortir tandis qu'il rassemblait un tas de feuilles sur son bureau, sûrement pour donner son prochain cours. Chloé se leva pour me laisser passer, et je sortis de l'amphi alors qu'elle finissait de ranger ses affaires. Je ralentis un peu. Je n'avais pas la moindre idée d'où je devais aller. Je me fis percuter par quelqu'un qui me dépassa et je reconnus la chevelure rousse de Chloé qui se balançait dans son dos. Je n'avais pourtant pas la force de lui courir après pour trouver ma salle.

- Hey, y'a un problème ?

Je me retournai en sursautant. Laura m'observait avec les sourcils levés. Elle avait dû voir la scène avec Chloé.

- Je... On... J'en sais rien.

- C'est pas cool qu'elle te laisse en plan comme ça. T'as cours où ?

- Amphi 5. Aucune idée d'où c'est...

- Viens, suis-moi.

Elle me mena à travers un labyrinthe de couloirs, d'escaliers et de portes et on sortit dans une cour entourée par les bâtiments. Il y avait deux grandes portes, l'une d'elle indiquait "Amphithéâtre n°5". Je remerciai Laura avec une vraie reconnaissance dans ma voix. Elle m'adressa un clin d'oeil.

- On est toutes passées par là, tu sais.

Je lui souris. Je n'avais plus souris depuis jeudi.

What If I Can Never Get Over You ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant