Maxime {II}

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Tu dois sans doute te demander comment j'ai pu réussir à passer "ni vu ni connu", comment je peux continuer à aller bien malgré la perte de mes proches, pourquoi toi.
C'est compliqué.
Depuis le XIXème siècle, les choses ont bien changées.
J'ai dû m'adapter, vivre avec mon temps, me faire le moins de relations possible, ce qui s'est parfois avéré dur.
J'ai dû également apprendre une nouvelle langue, un nouveau français.
J'ai vu naître le téléphone, internet, les avions, j'ai vécu toutes les guerres.
Je rendais visite au poilus, je me souviens que je combattais aux côtés de plusieurs puis que je disparaissais un beau matin. Ils croyaient que leur ami était mort... ce fut une époque horrible.
Mais revenons à nos moutons.
Comme j'ai toute la vie devant moi, j'ai pu silloner la France, je n'ai pas spécialement envie d'aller à l'étranger.
Je n'ai pas de maison, mais ce n'est pas un problème. Je n'ai pas froid, pas faim, pas chaud, pas mal. Je ne ressens rien de physique depuis longtemps.
Je ne vais pas te dire que cela me manque, ce serait te mentir!
Mais je m'égare encore.
Vois-tu, Anastasia, je t'ai vue un jour, descendre d'un car. Je me suis demandé comment une jeune fille comme toi pouvait paraître si triste. Toutes les autres filles de ton âge que j'ai croisées avaient l'air heureuses, riaient bêtement, quelques unes m'ont même dragué.
Répugnant.
Tu es la seule qui m'a vu sans me voir, tu ne t'ai pas moqué de mon... accoutrement.
Alors je me suis attaché à toi dès le premier regard.
Tu marchais lentement, tu avais toujours des écouteurs, un livre à la main ou dont les pages dépassaient de ton sac.
Un jour, -longtemps après t'avoir vue, et après avoir abandonné tout espoir de te revoir- que je m'étais arrêté à côté de ce cimetière pour apprécier la vue de tous ces arbres penchés, je t'ai vue arriver de loin, et je n'ai trouvé qu'une chose à faire: me cacher. Je suis grimpé dans l'arbre, et je t'ai regardée t'étendre dans l'herbe.
Et quelque chose d'incroyable s'est produit.
J'ai pu lire tes pensées, Annie.
J'ai pu te parler, sans ouvrir la bouche.
Voyant ce corps las, étendu dans l'herbe mouillée, je me suis dit que tu devais être très fatiguée.
Je t'ai intimé de dormir.
Et tu t'es assoupie.
Lorsque tu es parti j'ai été triste que tu me laisse. J'étais resté à surveiller voir si aucun garçon mal intentionné ne venait te rendre visite.
Tu es partie et j'ai du penser un peu trop fort que tu restes, tu m'a entendu.
Quand je m'ennuyais, parfois, je te suivais, je te regardais... cela peut paraître étrange, mais sache que je ne suis pas un fou, un pervers ou quelque chose dans ce genre. Mes intentions n'ont rien de tordu.
En journée, si je le souhaite, je peux me rendre invisible aux yeux des mortels, je ne sais pas exactement comment j'ai pu gagner ce "don".
Certains mortels me voient, d'autres non, c'est très aléatoire.
Tu fait partie de ceux qui ne me voient pas, à part la nuit, mais la nuit tout le monde me voit.
N'ai pas peur de moi, je veux être ton ami.
C'est tout.
Reste un peu avec moi, je t'en prie.
Je sais que ta grand-mère est morte et qu'elle te manque énormément, je sais aussi que tu t'interdis d'y penser...
J'ai connu ta grand-mère quand elle était jeune.
Une femme extraordinaire, tu lui ressemble beaucoup.
On pourrait pas mal se marrer ensemble, je suis un fantôme.
Je fait peur aux gens...
Je peux te vanger des personnes qui t'ont fait du mal.
Tu me fascine. Tu es si unique, Annie.
Je peux te faire oublier la douleur.
Cette anesthésie dont tout ton être semble hurler la demande, je peux te l'offrir.

AnnieWhere stories live. Discover now