Chapitre 29-1

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Pendant que j'étais là à m'apitoyer sur mon sort, j'en profitai pour faire un point sur mon état. Mon énorme hématome était toujours là mais je n'avais plus mal. Ce qui signifiait que les dommages internes étaient réparés, c'était l'essentiel. À la réflexion, super régénération ou pas, une fois que le bleu était là, il fallait bien que le sang se résorbe tout seul. Il le faisait peut-être un peu plus rapidement chez moi, mais vu l'étendue de celui-ci, j'aurais l'air d'une rescapée d'un crash aérien pendant encore quelques jours. Si je m'en sortais, bien évidemment.

J'entrepris de faire rouler doucement mon épaule d'avant en arrière et me préparai à la douleur qui en résulterait, mais rien de plus qu'une raideur et une petite sensation de brûlure. C'était plutôt une bonne nouvelle, car ma blessure était toujours rouge et enflammée et j'avais l'air d'avoir été renversée par un bus ! J'espérais que ces hommes, qui n'étaient apparemment que des gros bras, ne seraient pas plus au courant que ça de nos capacités de guérison et s'attendraient à ce que je sois faible et diminuée, ce qui serait un avantage pour moi. Encore fallait-il savoir comment en tirer le meilleur parti. Seule, je pense sincèrement que j'aurais eu de bonnes chances de m'en sortir, mais il était absolument hors de question que je les abandonne.

Worth était dans un sale état et probablement même pas en mesure de courir. Quant à Cassie, je supposai qu'ils l'avaient droguée, mais je n'en étais pas certaine. Même en admettant que j'avais raison, je n'avais aucune idée de l'effet et des séquelles que cela pouvait avoir sur un humain ordinaire. Il ne restait donc plus qu'Adam qui, pour le peu que j'en avais vu, ne semblait pas trop amoché, du moins physiquement. Néanmoins, c'était un ado effrayé qui ne me connaissait pas et je doutais fort qu'il y ait de grandes différences entre les ados métamorphes et humains. Me ferait-il confiance et moi le pourrais-je, compte tenu de l'aversion et de la peur naturelles des métamorphes envers les humains ?

De toute manière, nous n'avions pas d'autres choix. J'avais besoin de son aide pour avoir une infime chance de sortir tout le monde vivant de ce merdier. J'essayai pour la énième fois de rétablir le contact avec Jude, sans succès. Je ne le sentais même plus aux alentours. À vrai dire, je ne ressentais la présence de pratiquement aucun animal à proximité de la grange, hormis quelques rongeurs. Je compris, à la baisse progressive de l'intensité lumineuse provenant des quelques trous de la toiture, qu'ils attendaient la nuit. Je ne savais pas si je devais m'en réjouir ou au contraire m'en inquiéter.

Lorsqu'il fit complètement noir, un des deux hommes me fit sortir de ma cellule de fortune et me mit à genoux au milieu de la grange avec les autres. Je constatai que nous étions tous alignés comme pour une exécution. Les quatre hommes armés de fusil qui nous encadraient, deux devant et deux derrière, venaient parachever ce tableau idyllique et rassurant. Parmi eux je retrouvai ceux qui nous avaient amenés jusqu'ici, le petit jeune et le gros balèze. À ma droite, Worth fermait un bout de notre ligne, tandis que Adam, à ma gauche, suivi par Cassie, composait l'autre extrémité. Nous nous jetâmes tous un coup d'œil discret, un peu pour nous rassurer, un peu pour évaluer l'état de chacun. Tous sauf Cassie. À genoux, les mains menottées devant elle comme nous, son menton reposait sur sa poitrine, absolument immobile. On aurait dit une camée en plein trip de barbituriques.

— Bien. Quelle jolie brochette nous avons là ! Et presque rien que pour nous, pas vrai les gars ?

J'étais tellement concentrée sur l'état de Cassie que je ne l'avais pas entendu approcher. L'homme à la queue-de-cheval, dont je ne connaissais toujours pas le nom, se tenait devant nous, lui aussi armé d'un fusil et vêtu comme un commando, ajoutant à la frayeur initiale qu'il dégageait. D'autant plus qu'il portait l'uniforme avec un tel naturel que c'était vraisemblablement un véritable ancien commando. Nos chances de survie venaient de dégringoler en flèche, autant que mon moral.

Féline. Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant