Chapitre 8-1

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La première chose que je perçus fut l'horrible sifflement qui m'emplissait les oreilles, puis vint la douleur sourde et pulsatile qui irradiait de mes mains et mes bras, pour finir par inonder tout mon corps.

J'ouvris prudemment les yeux et tentai de me redresser. Autour de moi, tout n'était que pierres et roches éboulées. J'étais moi-même complètement recouverte d'une couche de poussière grise, parsemée de morceaux de débris de différentes tailles. Je me levai prudemment et constatai avec la plus extrême stupeur que je n'avais rien de cassé. Un vrai miracle ! En revanche, ma tête tournait et un bourdonnement sourd venait maintenant s'ajouter aux sifflements. Ma respiration était laborieuse et un poids oppressait ma poitrine, probablement dû à toute la poussière qui devait se trouver à présent dans mes poumons plutôt que dans cette fichue grotte ! Soudain, tous les évènements me revinrent en une fraction de seconde et je me mis à chercher Jude du regard. Il me suivait quand l'explosion avait eu lieu, il ne devait pas être loin.

Je commençai à m'éloigner lentement de l'éboulement en criant son nom. Enfin, j'imagine que je criais car je n'entendais plus grand-chose. Au bout de quelques pas, je dus m'arrêter, prise d'une horrible quinte de toux qui me laissa tremblante et à bout de souffle. Je dus attendre quelques minutes, adossée à l'une des parois, pour enfin réussir à me calmer. Lorsque ma respiration se fit moins sifflante et mon ouïe à peu près correcte, je refis une tentative mais n'entendis aucune remarque sarcastique. Je sentis alors naître au creux de mon ventre une inquiétude sourde. Je ne le portais peut-être pas dans mon cœur, mais je ne lui souhaitais pas de mal pour autant.

Je repartis donc sur des jambes tremblantes, essayant de distinguer quelque chose à travers toute la poussière en suspension. Je le trouvai, affalé contre une des parois d'un petit tunnel adjacent. Il était inconscient, en position semi-assise, sa tête avachie sur sa poitrine, une mare de sang se formant lentement à ses pieds.

Je me précipitai à ses côtés pour tenter de trouver la blessure responsable de cette hémorragie et la repérai rapidement. Un morceau de silex très pointu, ressemblant presque à une dague, s'était fiché dans son flanc gauche. Je restai quelques instants figée devant ce spectacle, à regarder le sang s'écouler sans savoir quoi faire. Devais-je tenter d'enlever la pierre ? Ou cela risquait-il d'aggraver la situation ? C'est à cet instant qu'il se mit à gémir doucement et que je vis le projectile improvisé sortir tout seul de la plaie et tomber sur le sol, avant qu'il ne relève la tête avec lenteur et n'ouvre les yeux.

— La vache !

Machinalement, il porta la main à sa blessure et grimaça. Un flot de sang s'en échappa avant qu'il ne presse sa main sur celle-ci avec une nouvelle grimace de douleur.

— Que... vient-il de se passer là ? commentai-je, les yeux écarquillés, fixés avec incrédulité sur sa blessure.

— Je dirais... un gros boum ! murmura-t-il douloureusement.

— Ha, ha très spirituel ! Vous savez très bien de quoi je veux parler, lui rétorquai-je excédée en désignant sa blessure d'un signe de tête, renforcé d'un regard interrogateur.

— La pierre m'aurait empêché de cicatriser, alors mon corps s'en est débarrassé !

Sa voix était rapidement redevenue normale, bien que rendue rauque par la soif et toute la poussière environnante.

— Maintenant ça va aller, me rassura-t-il d'un ton nonchalant. Je vais juste avoir besoin de nourriture et de me reposer une heure ou deux.

— Et c'est tout ? Pas besoin de médecin, vaccin, points de suture ? demandai-je effarée.

—Vous ne connaissez vraiment rien à rien, hein ? se moqua-t-il en secouant la tête d'un air résigné.

— Excusez-moi, ô puits de science infini ! Ce n'est pas ma faute si vous et les vôtres m'avez jugée indigne de partager tous vos petits secrets, lui assenai-je d'une voix amère et pleine de colère.

J'étais stressée, épuisée et sa dernière pique mesquine m'avait mis les nerfs à vif. Il n'en aurait pas fallu beaucoup plus pour que je m'écroule nerveusement. Il dut s'en rendre compte car il tendit la main pour me caresser délicatement la joue.

— Excusez-moi, dit-il gentiment. J'ai tendance à me transformer en sale con arrogant lorsque je suis stressé.

— Ah, voilà qui explique tout, je suppose, persifflai-je pour tenter de masquer mon accès de faiblesse émotionnelle.

Je me reculai hors de son atteinte et me retournai pour ne pas qu'il puisse deviner le chagrin qui devait encore être visible sur mon visage. Toutes ses réflexions vexantes m'avaient blessée. Peut-être parce qu'au fond de moi, je savais qu'elles étaient vraies. Toutes les émotions que j'avais réprimées depuis le début de cette histoire de fou commencèrent à affluer. Ce n'était pourtant ni le lieu, ni le moment pour une crise émotionnelle. Je devais me ressaisir.

Cependant, malgré mes bonnes résolutions, je fus bientôt prise de tremblements incontrôlables, tandis qu'une douleur lancinante montait par vagues, me donnant à nouveau la nausée. Enfin un nouvel accès de faiblesse me terrassa et je me sentis partir en arrière. Avec un grognement de surprise mâtiné de douleur, Jude me rattrapa avant que ma tête ne heurte le sol avec violence pour la deuxième fois de la journée. Il m'allongea prudemment et entreprit de m'examiner. J'étais trop dans les vapes pour protester. Arrivé à mes bras, il poussa un juron et commença à essayer de relever mes manches. Une terrible vague de souffrance me submergea et je sombrai dans le néant.

Féline. Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant