Chapitre 28-2

Depuis le début
                                    

La grange en elle-même n'était pas très grande et paraissait plus imposante de l'extérieur. Une ampoule nue et couverte de poussière pendait des poutres de la charpente et éclairait d'une lumière blafarde mais crue les vieilles stalles délabrées qui occupaient tout le mur de gauche. En face, un râtelier supportant encore quelques longes mangées par les mites, ainsi que les quelques fourches disséminées çà et là, rappelaient que cet endroit avait été une écurie avant de se transformer en antichambre des enfers. Contre le mur du fond avaient été construites deux cellules en grillage renforcé ressemblant plus à des cages et d'où provenaient les odeurs pestilentielles qui m'agressaient toujours le nez. Le sol de terre battu était couvert de taches suspectes et il n'y avait qu'un seau à l'intérieur pour tout ameublement. Un cri de détresse pure s'échappa de ma gorge et je me ruai en avant vers la silhouette féminine étendue dans la cellule de droite.

— Cassie !

Peu m'importait qu'ils me frappent, il fallait que je sache si elle était encore vivante.

— Cassie ! criai-je de nouveau.

Les coups attendus ne vinrent pas et ils n'essayèrent même pas de me retenir, si bien qu'emportée par mon élan je m'étalai de tout mon long dans la poussière. Je me relevai aussitôt et m'approchai de la cage, mes yeux rivés sur sa poitrine comme si cela pouvait la forcer à se soulever. Je venais juste de remarquer qu'elle respirait encore, quand un rire froid et glaçant se fit entendre en provenance de l'entrée.

— Comme c'est touchant ! C'est une coriace, votre amie. Ce n'était pas elle que nous voulions, mais finalement... elle s'est avérée plus utile que prévu. Malheureusement pour vous tous, notre installation et nos recherches sont compromises et nous allons devoir faire place nette. Comme c'est dommage que toutes ces personnes doivent mourir par votre faute, vous ne croyez pas ?

— Elles seraient mortes de toute façon, espèce de malade ! lui criai-je, des larmes de colère plein les yeux.

Je ne réfléchissais plus, je n'avais même plus peur, seule la rage dominait. Je ne voulais plus qu'une chose : arracher son sourire au professeur Shaw qui se tenait devant moi, flanqué de son détraqué de fils.

— Formidable ! Voilà qui va donner une autre dimension à notre chasse de ce soir, sourit-il en applaudissant. Je n'ai malheureusement pas pu l'ouvrir au public faute de temps. Quel dommage, vous m'auriez rapporté un beau petit pactole, en plus de la satisfaction de vous tuer moi-même. Mais bon, on ne peut pas tout avoir. Enfermez-les dans une des stalles, le temps que l'on se prépare et surtout ne les quittez pas des yeux.

— En plus de vous servir de ces personnes comme cobayes... vous les vendez comme gibier humain ? demandai-je d'un ton incrédule.

Même si je savais que j'avais raison, je n'arrivais pas à concevoir que des personnes puissent faire subir ça à d'autres.

— Ce ne sont pas des humains ! cracha-t-il avec dégoût. Ces choses sont des aberrations de la nature, et je rends un grand service à la race humaine toute entière en l'en débarrassant. Alors, autant joindre l'utile à l'agréable.

— Pourquoi toutes ces expérimentations si nous ne sommes que des monstres à vos yeux ?

— Mais pour les avantages, ma chère ! Vous vivez très vieux, vieillissez très lentement et avez une régénération hors du commun. Si l'on pouvait avoir tous ces avantages sans la malédiction de se transformer en bête... ce serait prodigieux !


Je compris en l'entendant délirer qu'il ne savait pas que c'était mon cas, et cette information précieuse pourrait peut-être me sauver la vie plus tard.

— Bon, assez discuté. Enfermez-les et nourrissez-les, qu'ils soient en état de se transformer tout à l'heure, ordonna-t-il avant de partir et de nous laisser à la garde de deux de ses hommes.

Ils nous enfermèrent chacun dans une des stalles ayant encore une porte, et prirent bien garde de nous attacher à un poteau pour plus de sureté. Ils nous donnèrent ensuite à tous les deux une barre chocolatée et un peu d'eau. Je me laissai glisser le long du poteau jusqu'à me retrouver assise, les jambes allongées de part et d'autre de celui-ci. Puis l'attente commença.

J'aurais voulu pouvoir entrer en contact avec le jeune homme enfermé dans la cage de gauche et que je pensais être Adam, mais la présence des gardes m'en empêchait. J'essayai de percevoir Jude, mais plus rien ne me parvenait depuis que nous étions entrés dans la grange. Je me demandai comment s'en sortaient Worth et Cassie. Leurs blessures ne guériraient pas toutes seules. Surtout que je suspectai l'inspecteur d'avoir au moins une côte cassée, si ce n'était pas davantage.

Commentallions-nous nous sortir de là, même avec Jude en renfort ?

Féline. Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant