Chapitre 23-1

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Je ne parvins évidemment pas à me reposer, ni même à me détendre. Trop d'inquiétudes et d'interrogations tournaient dans ma tête. Comme c'était étonnant ! Worth appela Jude deux heures plus tard pour nous indiquer un lieu de rendez-vous. Il se situait au nord de la ville, dans un entrelacs d'entrepôts d'apparence identique, situé sur les rives de la rivière Détroit.

Nous nous y rendîmes dans un silence de mort. Nous n'avions pas échangé un mot et à peine un regard depuis le départ de l'inspecteur. Une sorte d'accusation sourde planait entre nous ; pas besoin d'être devin pour voir que Jude m'en voulait à mort d'avoir proposé cette solution et s'en voulait probablement encore plus de l'avoir acceptée. Bien que les effets de l'échange de sang semblassent se dissiper progressivement, je ne pensais pas que nous arriverions à dépasser cela. Déjà que notre association était plus que compliquée, là cela devenait carrément invivable. Dès que cette histoire serait derrière nous, nous reprendrions chacun notre route. Cette pensée me serra le cœur. J'avais parfaitement conscience que c'était idiot, mais... il était là quand même.

Une voiture nous attendait et Worth en sortit avant même que Jude eût éteint le moteur. Un autre homme l'accompagnait, il n'était pas très grand et, bien que jeune, commençait à se dégarnir sur le dessus, sans compter un petit ventre qui commençait déjà à vouloir passer par-dessus sa ceinture. L'inspecteur nous le présenta comme l'agent Paris, spécialisé en surveillance et écoute en tout genre. Il n'était pas très bavard mais efficace, après tout c'était tout ce qu'on lui demandait.

Il installa une oreillette quasiment invisible dans mon oreille droite et un micro tout aussi microscopique au revers du col de mon tee-shirt. Ensuite, il m'implanta une espèce de puce sous la peau qui, comme il me l'apprit, était un système de traçage qui leur permettrait de me suivre. Il me l'implanta au creux du genou, car d'après lui c'était un endroit où ils n'iraient pas vérifier. Au moment de l'implantation, j'usai de jurons plus que créatifs sous l'effet de la douleur. Ça faisait un mal de chien !

Une fois tous les préparatifs effectués et le matériel vérifié et revérifié, je boitillai péniblement jusqu'à la voiture de Jude en espérant que la douleur et l'engourdissement qui en résultait allaient bientôt s'estomper. Puis il me conduisit, toujours en silence, jusqu'à mon appartement où il devait me déposer ostensiblement. Nous devions ensuite simuler une dispute, pour faire croire aux éventuels guetteurs que je serais seule pendant un moment. Je ne pensais pas que nous aurions beaucoup de mal avec cette dernière partie du plan. Jude s'arrêta avec brutalité et crissements de pneus du meilleur effet le long du trottoir juste devant mon immeuble. Il se pencha latéralement au-dessus de moi pour pouvoir ouvrir ma portière de sa main droite et le fit avec tellement de force, que le coin alla heurter le sol dans un bruit de tôle malmenée.

— Alors c'est comme ça ? criai-je d'une voix indignée. Maintenant que vous avez eu ce que vous vouliez, vous me jetez comme une vieille chaussette ! Et votre partie de l'accord, alors ? Vous deviez m'aider à retrouver mon amie.

J'essayai de prendre le ton le plus désespéré et malheureux possible, ce qui vu mes pensées actuelles n'était pas un effort dramatique trop compliqué, même pour moi.

— Merci pour votre aide, me répondit Jude de sa plus belle voix de sociopathe. Maintenant, descendez de ma voiture.

Je défis ma ceinture avec des mains tremblantes et m'extirpai du véhicule avec réticence. Une fois sur le trottoir, je dus faire un petit bond en arrière pour éviter de me prendre la portière dans les chevilles, que Jude referma aussi violemment qu'il l'avait ouverte.

— J'espère que nous n'aurons plus jamais l'occasion de nous croiser.

Et sur ces quelques mots charmants, il démarra en trombe me laissant toute pleurante et tremblante sur le trottoir.

Féline. Tome 1 Where stories live. Discover now