Version française

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Depuis la disparition de sa mère, il y a de ça bien des années, Amarande aime aller chercher du réconfort auprès du grand hêtre situé au fond du jardin. Assise entre deux des racines de l'arbre et le dos accoté sur son tronc majestueux, elle pouvait observer, de là, sa maison, son jardin ainsi que de magnifiques couchées de soleil.

Afin de faire le vide, elle ferma ses yeux et écouta le bruissement apaisant des feuilles. Elle se réveilla en sursaut, sentant la terre bouger autour d'elle. Elle aperçut alors les racines de l'arbre enrobant ses cuisses. Prise de panique, elle cria dans l'espoir que quelqu'un vienne à son secours. Son père arriva, à bout de souffle, se demandant bien pour quelle raison sa fille s'affolait autant. C'est alors qu'elle remarqua que les racines étaient retournées là où elles étaient censées être. Troublée, elle dit à son père que ce n'était qu'un cauchemar et qu'il ne devait pas s'inquiéter, toutefois, cela lui paraissait beaucoup trop réel pour que ce ne soit qu'un rêve.

Après ses évènements bouleversants, elle sentit le besoin d'aller se détendre en allant prendre un bon bain chaud. Ouvrant le robinet d'eau chaude d'une main tremblante, elle regarda l'eau couler d'un air absent. C'est à cet instant qu'elle remarqua que l'eau avait atteint le bord de la baignoire et se dépêcha d'aller fermer le robinet.

Elle rentra dans l'eau chaude du bain, s'y assit et, retenant son souffle, elle s'y immergea complètement, oubliant le monde extérieur. Lorsqu'elle ressortit sa tête de l'eau, elle remarqua que ses mains avaient changé d'apparence, habituellement si douces et lisses, elles avaient maintenant une teinte brunâtre et semblaient rugueuses. Paniquée, elle les sortit de l'eau pour les observer de plus près. Elle vit toutefois que celles-ci étaient toujours les mêmes, elles étaient aussi rosées et lisses qu'avant. Elle mit cette hallucination sur le coup de la fatigue et sortit du bain, prête à aller se coucher. Elle se sécha et essaya, en vain, de démêler ses cheveux. Elle alla alors se coucher, les cheveux mouillés et encore entremêlés, en repensant aux évènements étranges qui venaient de se dérouler.

Après une nuit peu reposante, elle se leva la tête lourde. Encore toute endormie elle entrouvrit ses rideaux pour voir un ciel gris et maussade. Elle traversa la maison encore silencieuse et se dirigea vers la salle de bain d'un pas trainant. Les yeux encore à moitié ouverts, elle alla vers le lavabo et s'aspergea le visage d'eau froide. Elle leva sa tête et observa son reflet dans le miroir. Ce qu'elle y aperçut la laissa pantoise. De multiples feuilles vertes semblaient sortir de ses cheveux, qui eux, avaient l'apparence de branches. Apeurée, elle arracha d'une main tremblante une de ses feuilles. Une douleur aiguë, pareil à celle de se faire tirer les cheveux, lui pinça le crâne, à l'endroit même où se trouvait précédemment la feuille. Une autre feuille ne tarda cependant pas à remplacer cette dernière.

Elle mit soigneusement une écharpe autour de sa tête, en faisant bien attention de ne pas y laisser entrevoir des branches ou des feuilles. Elle courut à sa chambre se changer et se dirigea d'un pas pressant se chercher une veste et des souliers. Elle sortit dehors dans le seul but d'aller voir le maître jardinier. Par cette journée nuageuse, un vent fort faisait ravage sur ce terrain isolé, tellement qu'elle dû tenir fermement son écharpe. Cette distance entre la cabane du jardinier et sa maison paraissait étrangement très loin, mais pourtant elle était si proche.

Une fois arrivée, elle cogna la porte avec empressement en espérant qu'il fasse acte de présence. Lui laissant à peine le temps d'ouvrir la porte, elle entra précipitamment et lui débita son récit de la veille. Pour appuyer ses faits, elle lui montra où, devrais-je dire ses branches. Savourant lentement toujours sa tisane, il hocha la tête et lui sourit d'un sourire édenté. Après avoir vu la mine défaite d'Amarande, le jardinier lui raconta le récit d'une jeune femme qui, comme elle, avait des symptômes semblables. Cela lui rappela une histoire que sa grand-mère aimait lui raconter autrefois, lorsqu'elle était plus jeune. Il la rassura en lui assurant que tout cela était tout à fait normal et qu'elle n'avait pas à s'en faire, que tout irait mieux dans quelques semaines. Peu convaincue des paroles du jardinier, elle replaça soigneusement son écharpe et partit aider son père sur la ferme, car une grande journée de récolte l'attendait.

Le lendemain matin, elle accourut à la salle de bain espérant que ses cheveux avaient repris leurs apparences habituelles. Elle fut cependant déçue de constater que ses cheveux étaient restés les mêmes. Ses yeux se remplirent d'eau, et si elle restait ainsi toute sa vie? Elle sécha ses larmes et c'est alors qu'elle remarqua que des points verts étaient apparus tout le long de ses bras. Son cœur fit un bond, et si cela restait permanent? Et si elle devait vivre toute sa vie comme ça?

Désespérée, elle se précipita voir le jardinier sans même prendre le temps de s'habiller convenablement ou de mettre ses souliers, elle courra à l'extérieur, pied nu dans le gazon encore frais. C'est alors qu'elle sentit ses pieds se faire attirer dans le sol, il devint de plus en plus dur pour elle de marcher arrachant à chaque fois ses pieds de la terre. Fatiguée, elle arrêta de combattre contre l'attraction qui l'attirait dans la terre.

Bizarrement, elle se sentait bien ainsi, les pieds plantés dans la fraicheur du sol, en symbiose avec la nature qui l'entourait. Elle étendit ses bras vers le ciel et les boutons qui s'y trouvaient se métamorphosèrent en branches. En peu de temps, elle était devenue un hêtre majestueux, qui tendait ses branches vers le ciel. Son père, qui avait observé toute la transformation, fut désolé de voir que sa fille s'était elle aussi transformée en hêtre, comme sa mère et sa grand-mère. Toutefois, il fut content de voir qu'elle avait rejoint ces deux dernières.


L'hêtre HumainWhere stories live. Discover now