Chapitre 28 : Azylis

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Aevin me dévisage, légèrement découragé. Mais je peux voir qu'au fond de lui il rit de la situation. Il y a un léger moment de flottement. Puis, quelqu'un me demande de répéter ce que je viens de dire. Je m'exécute avec un sourire amusé. Après tout, vive l'optimisme ! Il ne m'arrivera rien, c'est certain...

L'ami du père d'Aevin -après tout je ne sais toujours pas son nom- pianote déjà sur son petit écran la nouvelle. Il relève la tête et s'exclame, l'air radieux :

-Vous vous rendez compte ? Le premier achat que fait la gagnante avec son argent se fait chez moi ! Vous m'autorisez à dire qu'un dragon mawends c'était le rêve de votre vie ?

Je n'ai pas le temps de répondre que déjà il enchaine.

-Bah, de toute façon, ça ne peut pas vous déranger ! C'est bon, je viens de prévenir l'éditeur des journaux du coin et de lui poster un petit article à sensation de ma composition...

Je m'apprête à enchaîner mais je n'en ai une nouvelle fois pas le temps. Aevin me regarde d'un air moqueur. Je résiste à l'envie très forte de lui tirer la langue fort impoliment...

Je vais pouvoir parler oui ? Autour de moi une cacophonie de voix résonne et chacun rajoute un nouveau commentaire sur ma personne qui me semble totalement inutile. Le patron reprend :

-Et au fait, du coup, le dragon c'est un cadeau de la maison... Mais êtes vous sûre de vouloir prendre celui-ci ? Regardez ceux là...

Je manque lever les yeux au ciel. Pas possible ! Je viens de perdre "mon incognito" pour payer son fichu dragon et il me l'offre !... Je vous jure, quel monde de fou...

Je me retourne et regarde les animaux. Celui que j'ai protégé reste immobile, peu actif, et il se contente de cracher vers moi un léger panache de fumée. J'entends comme à travers un songe le vendeur me dire qu'il y a peu de chance qu'il survive car ce n'est qu'une expérience non aboutie.

Une nouvelle fois, de tels mots me font froncer les sourcils. Mais je garde un prudent silence. Je dévisage les autres dragons. Contrairement à celui-ci qui est entièrement noir, les autres sont de toutes les couleurs possibles de l'arc-en-ciel...

Déjà légèrement joueurs et cabochards, ils sautent en l'air, virevoltent, tentent de piquer les jouets du voisins... Oui, à n'en pas douter, si je devais choisir, ce serait un de ceux là que je prendrai.

Mais autant assumer mes actes. J'ai voulu protéger cette fichue bestiole. Soit. Je la garderai quelques jours... Il doit bien exister une sorte de SPA par ici non ? Parce que sept mètres de long...heu...comment dire... Ce n'est pas tout à fait ce que j'appellerai pratique.

-Non, non, c'est bon, je vais le prendre votre lézard...

Je sens un nouveau petit flottement. Et Aevin qui tente désespérément de retenir un insultant fou-rire. Finalement quelqu'un se décide à me poser la question.

-Mais qu'est ce que cela veut dire "lézard" ?

D'accord... Je jette un regard purement incendiaire à Aevin avant de répondre.

-Hum. Non rien. Un mot étrange de mon invention c'est tout.

Je grimace. Je remarque l'étincelle soudain grave dans le regard d'Aevin... Une fois, c'est drôle... Mais ce genre de petit événement n'a pas intérêt à arriver trop souvent...

Quelqu'un me passe très obligeamment une petite caisse de transport qui ressemble à s'y méprendre avec celles de mon époque...réservées aux chats !

Misère de malheur... Mais mon nouveau compagnon rentre de lui-même dans la boîte que je pose devant lui et il se roule en boule au fond. Ses yeux sombres me fixent quand je referme la petite porte grillagée.

Je n'ai pas vraiment pu parler à Aevin depuis que j'ai pris sur moi de revendiquer mon titre de gagnante. Trop de gens m'entourent, me congratulent... J'ai l'impression que de nouveaux infirmiers sont arrivés dans la pièce depuis...

Je ne comprend pas bien ce que j'ai fait pour mériter cette célébrité. Peut être que je représente juste pour tous ces gens une part de rêve ?

J'entends alors le raisonnement des sirènes. Mais ça ne ressemble pas au "pin pon" de chez nous, pour la police ou les pompiers... C'est plus joyeux, festif en fait. Aevin forment quelques mots que je peux lire sur ses lèvres :

-Voilà l'escorte officielle...

Eh bien ! Ils sont rapides ! Je saisis d'une poigne qui se voudrait ferme la poignée de la caisse de mon dragon et m'avance vers la porte. Je retiens un mouvement de recul.

L'homme qui me salue, bien droit, son uniforme de garde impérial impeccable, ne peut pas me reconnaître. J'avais pris suffisamment de précautions.

Mais moi, je sais qui c'est... C'est le jeune qui me faisait signe derrière son chef... Celui qui m'a avertie lors de mon arrivée dans cette époque du piège que constituait la conversation qu'on avait avec moi...

Je réprime un léger frisson pour lui adresser mon plus beau sourire. J'ai soudain une conscience aiguë de tous les dangers qui m'attendent...

Aevin n'a rien remarqué. Heureusement, car je crois que ce serait un motif d'inquiétude de plus pour lui... J'avance vers l'aéronef qu'on me désigne. Il y en a trois, chacun piloté par deux gardes et possédant une place passager.

J'ai en quelque sorte droit à une garde d'honneur rien que pour moi... Tous ces procédés me paraissent au fond un peu ridicules et disproportionnés. J'arrive en quelques mots à convaincre les gardes d'emmener avec nous Aevin...

C'est étonnant mais j'ai du mal à monter dans l'aéronef avec pour seule compagnie les gardes... Je n'aime pas l'idée d'été si prêt de ceux qui me recherchent. L'engin démarre doucement. La caisse de mon dragon est posé sur mes genoux.

Lorsque nous prenons de la vitesse, je me retourne précipitamment, juste à temps pour voir le sourire malicieux d'Aevin se rapprocher car son engin vient lui aussi de démarrer.

Je jette un coup d'œil au paysage. Que va-t-il se passer maintenant exactement ? Aevin ne m'a pas dit grand chose... Juste que je passerai une semaine au palais. 7 jours de rêves, selon ses propres mots.

Je ne suis pas tellement certaine d'en avoir vraiment envie... La radio de bord grésille.

-Alerte, alerte à toutes les patrouilles disponibles, le prisonnier 438 s'est échappé en direction du Sud, si vous pouvez y aller, dépêchez vous de vous rendre sur place, je répète...

Les mots m'interpellent. Ma parole ! Mais leurs prisons sont de vraies passoires par ici...

Les deux gardes de mon aéronef ne bronchent pas. En revanche, quand je me retourne, les cheveux dans le visage à cause du vent, je vois Aevin me faire un grand signe de la main.

Son aéronef est en train de changer de direction. De toute évidence, les gardes ont jugés plus d'actualité d'aller poursuivre ce fichu prisonnier...

Je suis un peu perdue maintenant. Au loin, je vois les détours de la ville que je commence à connaître par cœur se profiler... Je ne connais plus personne autour de moi. Et c'est assez angoissant.

Mais mes pensées dérivent vite vers autre chose. Le palais royal... Quand le découvrirai-je ? Dans combien de minutes ? Je m'entend brusquement demander aux deux gardes assis à l'avant :

-Qui est le numéro 438 ?

L'un des deux hommes se retourne avec un sourire enjoué.

-Je ne devrais pas vous le dire normalement mais il s'agit du prince Gabriel d'Astra. De toute façon, dans quelques secondes, la terre entière le saura...

Je garde un visage impassible et répond d'un sourire.
Il s'est échappé...

Intemporel T1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant