— Où est-ce que tu vas ?





Les yeux du petit garçon du lit d'en face dépassaient maintenant de la couverture. Ses tremblements étaient tellement forts qu'ils auraient pu faire vibrer la maison tout entière. Il avait dû rassembler une bonne dose de courage, ne serait-ce que pour sortir le haut de sa tête. La fille se tourna vers lui et le fixa d'un air hésitant.





— Je dois aller voir quelqu'un.





Sa voix était bouleversée par le trop plein d'émotions qui refaisait lentement surface. Ne voulant pas avoir affaire à d'autres questions qui ne mèneraient nulle part, elle prit la fuite avant que le petit garçon ne puisse esquisser l'ombre d'un geste.





La clef, comme d'habitude, était cachée sous le tapis. Elle n'eut donc aucun mal à s'extraire de la maison pendant que les pantins dormaient. La pluie tombait violemment et, depuis le préau, elle avait du mal à distinguer l'arrêt de bus situé juste en face. En plissant les yeux, elle aperçut un bus stationné à son niveau. Il ne lui en fallait pas plus. Comme une flèche, elle fonça droit dessus, sentant les gouttes d'eau tomber sur sa capuche comme des billes de plomb.





Le bus était totalement vide, mis à part le chauffeur bien sûr. Elle balança deux dollars sur le comptoir, tout juste sortis de son sac. Le chauffeur lui lança un regard étonné, certainement surpris qu'à onze heures du soir la jeune fille ne dorme pas comme tous les habitants du quartier et soit assez folle pour sortir par un tel temps.





Elle alla s'asseoir au fond du bus sans un mot, observant les gouttes rouler sur la vitre. Elle était tendue. Très tendue. Plus elle pensait à cet appel, plus son chagrin grandissait. Son cœur se serra tellement dans sa poitrine qu'elle eut l'impression qu'il allait finir en cendres.





À plusieurs reprises, le chauffeur jeta de brefs regards dans le rétroviseur avant de reporter son attention sur la route. Il n'avait certainement pas l'habitude de voir autant de monde dans son bus à cette heure-ci de la nuit !





Après une quinzaine de minutes, le bus s'arrêta devant un grand bâtiment. Poursuivie par la pluie, elle descendit à toute vitesse et se réfugia dans l'hôpital. Malgré sa rapidité, elle était ruisselante de la tête aux pieds. Ses mains étaient glacées comme le reste de son corps d'ailleurs. Mais elle n'avait pas le temps de se soucier de cela. Elle se précipitait vers l'accueil où elle apostropha une infirmière. Celle-ci la dévisagea interloquée.





— S'il vous plaît, pouvez-vous me dire dans quelle chambre se trouve Laïa Owens ?





— Tu es gelée. Où sont tes parents ?





La petite fille avait parfaitement conscience qu'elle était frigorifiée. Mais il était inutile de s'apitoyer sur ce fait. Cependant, l'infirmière avait l'air plutôt sympathique, elle devait certainement avoir des enfants car les regards qu'elle lui lançait étaient remplis de douceur... Ce qui lui provoqua un pincement au cœur.





— Ils sont dans le parking. Ils garent la voiture et m'ont dit de venir vous demander le numéro de la chambre. On est assez pressés.





Elle avait l'air d'avoir gobé le baratin.





— D'accord, mais dans ce cas, il faut qu'ils viennent signer pour la visite.





La fillette n'avait pas prévu ce détail-là. Elle acquiesça difficilement, en lui faisant signe qu'elle allait attendre. Mais avant que l'infirmière ne retourne derrière son comptoir, cette dernière posa sur le rebord une planche à laquelle était attachée une liste de malades. Dans la plus grande discrétion, la petite fille l'attrapa et feuilleta la liste avec un regard perçant et pressé. Elle trouva le nom de son amie et chercha du bout du doigt le numéro de la chambre : B-18.





💎La Légion de Saphir ( Disponible en papier )Where stories live. Discover now