L'arrivée |1|

Depuis le début
                                    

On m'a raconté qu'avant moi, Azélie était la préférée de Mme Delphine. Mais à mon arrivée, j'aurais pris sa place et la blonde n'apprécie pas ce fait et ne se soucie pas de le cacher. S'ajoute à cela le jour où j'ai malencontreusement renversé la bouteille d'huile sur ses escarpins devant tout le monde. Et celui oùMme Delphine m'a nommée responsable de la cuisine au même titre qu'Azélie, car « quand on est àdeux, c'est mieux » ou pour « apprendre à vous apprécier mutuellement ». Je ne veux sincèrement pas qu'elle pense que je veuille lui prendre sa place, mais les faits s'entêtent àl'encourager dans cette idée, contre mon gré.

La gouvernante arrive, imposant un silence impressionnant.

- Bonjour, tout le monde ! Ne perdons pas de temps ! Je vais à présent procéder au rituel habituel. Mesdemoiselles, je n'accepterai aucune erreur de votre part ! Sachez que celle qui en fera une, même minime, se verra renvoyée sur le champ ! dit-elle avec une pointe de stress dans la voix. Novice ou pas novice !

Stressée, c'est le moins qu'on puisse dire. La vieille dame est très attachée au prince et ça fait longtemps qu'elle ne l'a pas vu. Tout doit être parfait pour son arrivée. La gouvernante commence alors àdonnerà chaque servante les tâches àaccomplir avant l'heure du midi, en effectuant des gestes théâtraux dans tous les sens. C'est la première fois que je la vois aussi nerveuse.

- Lina, tu prendras les neuf servantes à ta droite et ensemble, vous veillerez à ce que toutes les vitres de l'aile est du château soient étincelantes. Émilie, tu prends également neuf servantes et vous vous occupez de l'aile ouest. Je vous préviens tout de suite, ça a intérêtà être nickel, je veux pouvoir voir mon reflet dans la glace, ordonne sèchement la gouvernante d'une voix qui se veut menaçante.

Elle se tourne alors vers Zaria qui lève les yeux de ses talons et se met tout de suite au garde-à-vous.

- Zaria, tu t'occupes des sols du rez-de-chaussée. Émilie, du premier étage. Jason, le deuxième. Guillaume, troisième. Vincent, quatrième et enfin, Cindy, cinquième.

Zaria écarquille les yeux et je reconnais à son pincement de lèvres qu'elle se retient de tchiper face à la vieille dame. Mme Delphine procède à distribuer les tâches concernant le linge et la vaisselle, et il ne reste presque plus personne. La gouvernante avance et se place àseulement quelques centimètres de moi, avec un air sérieux.

- Quant à toi, au vu de tes excellentes capacités en nettoyage, je te charge de la tâche ôcombien importante de ranger et de nettoyer la chambre du jeune prince Elian. Écoute-moi bien, nettoie comme si ta vie en dépendait, s'il le faut lèche le sol et utilise ta brosse à dents pour les WC. Je ne veux pas savoir du moment que c'est pimpant. Je vérifierai après ton passage, et ça a intérêt à être parfait. Tu es bien douée pour une novice. Mon poussin est de retour et je veux qu'il se sente bien dans la chambre qu'il a quittée il y a des années de cela, murmure-t-elle plus à mon attention.

La gouvernante me regarde droit dans les yeux et je hoche la tête pour qu'elle comprenne que je ferai de mon mieux. Les servantes se dispersent afin d'accomplir leur tâches. Je me retourne et aià peine le temps de voir le regard mauvais d'Azélie avant qu'elle ne s'en aille. Je ne relève pas et roule les yeux au ciel avant de reporter mon attention sur la vieille dame.

Elle sort de la poche de son tablier bordeaux une petite pochette en velours bleu qui me fait penser aux bourses dans lesquelles les Grecs mettaient leur argent. Elle l'ouvre délicatement et plonge la main à l'intérieur avec une grâce et une douceur que je ne lui connais pas. Mme Delphine me montre son poing fermé. Je tends les miennes à mon tour et elle lâche une clé qui tombe sur mes paumes.

- Je te confie l'une des choses les plus précieuses que je possède. Cette clé, je l'ai gardée et ne m'en suis pas séparée depuis dix ans. Fais-y très attention, dit-elle avec une voix nostalgique, comme si son corps était présent, mais son esprit ailleurs.

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