Chapitre 3

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Mais pas moyen d'être tranquille à lire le dernière Anna Gavalda ici, le directeur entre et parle bien fort a un couple de stressé marchant derrière leur fils, un mignon petit gars. Je lui donnerai 15-16 ans mais avec son bonnet je ne le vois pas bien.

Il leur présente les locaux, leur parle fort et avec un sourire trop grand, leur promet que leur fils sera bien ici, que tout les pensionnaires sont gentils, qu'il se fera des amis, blablabla. Et il continue son harangue de démarcheur en aspiros encore longtemps avant de partir avec les parents, laissant planté là le pauvre petit gars après un nombre incalculable d'embrassade paternelles.

Je me moque mais c'était pareil pour moi le premier jour, les parents qui ne veulent pas te quitter, qui regrettent déjà de t'avoir envoyer là dedans, et toi sans rancune envers eux (elle viendra plus tard) tu sens le manque d'eux emplir tout ton être. Et tu ne fais rien, tu restes à mimer un piquet au milieu de la salle, puis tu retrouves tes esprits et tu vas t'appuyer d'un air désinvolte contre le mur pour faire tapisserie, espérant que quelqu'un vienne te voir. Je me rappelle combien je me suis sentie seule, acculée par les regards curieux des autres. Alors elle est la pour quoi celle la? T'as vu comme elle est maigre, elle doit rien manger, ou alors elle se drogue, elle a peut-être tenté de se tuer, ou alors elle a tué toute sa famille. Elle me fiche les jetons, moi je l'approche pas.

C'était un des pires moments de ma vie, et pourtant je laisse le petit palot au bonnet réitérer ma démarche, du centre vers le mur. Et moi je me conduis comme les voyeurs, je ne vais pas vers lui, je l'observe, me disant que ce serait injuste qu'il ne vive pas ce que j'ai vécu, qu'il ne subisse pas la même solitude que moi, je me donne envie de vomir avec ce raisonnement ! Il a l'air seul, perdu... Si touchant et à la fois il m'énerve avec son air de timide coulant presque rempli de culpabilité face au souvenir des yeux désemparés de ses parents.

Ma mère aussi été remplie de remords amers quand elle m'a planté dans ce trou. En fait, un midi, j'ai épluché mes légumes et me suis servie mon assiette avec quelques ronds de concombres, des tomates cerises et quelques feuilles de salade. Et alors quelle avait fini son assiette pleine à ras bord voyant que la mienne était a peine entamée, et devant ma sempiternelle réponse négative au ''tu n'as pas faim?'' elle s'est mise a pleurer. C'est terrible une maman qui pleure, on se sent tout con et coupable. Alors j'ai posé ma main sur son épaule et elle s'est relevée, les yeux humides et le visage en feu.
''J'en peux plus, pourquoi tu me fais ça à moi ? Pourquoi ? J'en peux plus de toi''

C'est Ça L'amour Chez Les DégénérésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant