My Perfect Life

L'incompréhension

« Je t'aime », ces trois mots devraient me combler de joie et je les ai longtemps attendus. Pourtant ils ont l'effet d'une bombe détruisant tout sur son passage. J'aurais préféré qu'il dise Morgane Ritter plutôt que son nom à elle, mais à quoi je m'attendais ? Il est supposé aimer Elisa, pas Morgane. De plus, je ne lui ai jamais parlé de ce « dédoublement de personnalité ». Il ne pouvait pas se douter qu'un hôte logeait dans le corps de sa bien-aimée.

Pendant tout ce temps à se chercher et à se provoquer, à se séduire, il s'intéressait à Elisa. Il n'a jamais vraiment essayé de lire en moi, en elle. Il pense connaître la femme qu'il a en face de lui mais il se trompe. Il ne se fie qu'au physique.

- Elisa, qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il, inquiet en voyant ma mine attristée.

- Tu n'as donc rien remarqué ? l'interrogeai-je en me levant pour faire redescendre cette tension qui monte en moi.

- Remarquer quoi ?

Il n'a pas vu que la personnalité d'Elisa n'était plus la même. Cela confirme bien ce que je pensais, il ne s'intéresse qu'à la beauté extérieure. Je me dirige vers une table de chevet et en sort le livre « Perfect Life » sur lequel j'étais tombée des mois auparavant. Je le tends à Shayne. Je pense qu'il est temps qu'il sache même si je sais qu'il ne comprendra pas. Ce livre je ne l'ai montré à personne, même pas à Joe. Je ne pense pas que cette preuve l'aurait convaincu.

- Tu vois ce livre ? La couverture est noire, il y a seulement deux choses écrites dessus. A priori, il ne semble pas très intéressant mais si tu l'ouvres et que tu lis son histoire tu comprendras un tas de choses. Je suis comme ce livre. Tu penses tout connaître de moi en te contentant de regarder ma couverture mais en réalité tu ne connais même pas le quart de mon histoire. Essaie de lire en moi et de mettre de côté cette image que tu te fais de moi et qui te trahit sur mon contenu. Je suis une histoire, un livre que l'on doit ouvrir. Je t'invite vivement à le feuilleter si tu veux pouvoir lire en moi.

Il n'a pas cligné des yeux de tout mon discours et me regarde d'un air hébété. Il a ouvert la première page du livre et s'est immédiatement plongé dans sa lecture.

Cela fait presque une heure qu'il a les yeux rivés sur les pages du bouquin. Il les tournait dans un rythme régulier et parfois il lâchait de petits « oh » de surprise. Lorsqu'un passage lui semblait très familier il relevait les yeux vers moi pour les rebaisser dans la seconde même.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? me demande-t-il après avoir lu la dernière page.

Je me contente de lui sourire en coin. Je veux qu'il comprenne de lui-même.

- Ça ne te ressemble pas, dit-il comme s'il se parlait à lui-même en fronçant les sourcils.

- Comment ça ?

- De demander à ce que quelqu'un écrive ta vie, il y a ton accident dedans et tu n'aurais jamais pu l'écrire toi-même. Pourquoi ?

Je soupire, il ne comprend toujours pas. Je lui montre le nom de l'auteur sur la couverture, en l'occurrence le mien, en espérant qu'il se souvienne de mon réveil à l'hôpital.

- Ce nom me dit vaguement quelque chose...

Il m'observe un long instant dans les yeux comme s'il cherchait à me déchiffrer.

- Je dois partir, me lance-t-il soudainement comme lui viendrait une envie de pisser.

Je ne le retiens pas, je suis trop déçue pour tenter de lui faire comprendre les choses. Dès lors qu'il sort de ma chambre, je balance le livre contre le mur sous la colère et le désespoir. Personne ne me croira, je suis seule et j'ignore comment rentrer sans qu'ils se mettent de nouveau à me rechercher. Même si je retourne en France je suis sûre qu'ils iront m'y trouver pensant que j'ai totalement déliré. Joe me dénoncera, je me ferai interner et je n'aurai plus aucune chance pour récupérer mon corps que, jusqu'à maintenant, je détestais.