Chapitre vingt-cinq

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 On ne voyait rien. L'entrepôt résistait, il était conçu pour ça. Mais le tremblement que l'explosion avait produit... nous le ressentions tous. Damon avait préparé quelque chose, quelque chose d'énorme, quelque chose de fort. Il avait réfléchi à ses conséquences, c'était Damon. Il savait pertinemment ce qu'il faisait, ce qu'il mettait en jeu. Et aujourd'hui, à ce moment précis... c'était sa vie. Sa vie et celle de dizaines de scientifiques et de gardes. Sa vie et celle de son père. Mais Damon jouait, Damon aimait jouer, même s'il fallait perdre. Et Damon avait gagné, aujourd'hui. Il avait préféré rester fidèle au groupe. Il avait choisi les amis à l'entreprise familiale. Une entreprise familiale aux idées mauvaises. Aux idées de pouvoir. Le pouvoir, c'était tout ce qui importait le père de Damon. Le pouvoir, c'était tout ce qu'il avait donné envie d'avoir à tous ces scientifiques qui s'étaient ralliés à sa cause. Le pouvoir c'était ce que son fils avait eu, et lui non.

Il détestait son fils, ça se voyait dès qu'il s'adressait à lui.

Il le jalousait, il l'enviait. Son fils était sans doute ce qu'il aurait voulu être. Et il l'a changé, il l'a rendu mauvais, il l'a hypnotisé avec ses idées de pouvoir. Je ne sais pas pourquoi Damon s'est rallié à son père il y a des années. Je ne sais pas pourquoi Damon est revenu vers nous. Je ne sais pas pourquoi Damon à fait ce qu'il a fait...

Ce qu'il a fait, c'était de faire exploser l'intérieur de l'entrepôt. Exploser tous les employés, s'exploser lui aussi. Ce qu'il avait fait s'était s'être sacrifié.

Ce qu'il avait fait, c'était me donner quelque chose avant de me lâcher la main. Je ne savais pas quoi, sur l'instant, je n'avais pas eu envie de savoir. Je ne pouvais pas savoir. Je pleurais, je pleurais et je n'étais pas suffisamment concentrée pour réussir à voir. Je pleurais les yeux ouverts, je pleurais et je ne pouvais pas voir car mes yeux étaient ouverts. Je pleurais parce que je ne reverrais plus jamais Damon. Je pleurais parce qu'il avait fait quelque chose de fort pour nous. Je pleurais parce qu'on comptait pour lui, et que nous n'avions pas réussis à l'empêcher de se sacrifier. Je pleurais parce que nous aurions pu trouver une solution, s'il avait daigné nous parler de son plan.

J'entendais Chrystal renifler. Elle pleurait, elle aussi. Tous étaient tristes. Tous étaient atteints par cette explosion interne qui n'avait l'air de rien vu de l'extérieur. Même Matthieu, qui ne supportait pas Damon, était triste. Sa tristesse je la ressentais, au lieu de l'agacement habituel qui émanait de lui quand Damon parlait ou qu'on parlait de lui.

Personne n'avait réellement bougé. Nous restions tous tournés vers la porte, comme si nous espérions qu'elle s'ouvre et qu'on voit Damon en sortir, les vêtements légèrement carbonisés, mais encore entier. Comme ces héros dont Eléonore me parlait, dans les films. Ces héros qui soit échappaient de peu aux explosions, que nous voyions au second plan, soit qui sortait finalement d'un incendie, avec ce qu'ils étaient partis sauvé. Sain et sauf. Mais nous savions tous que ça n'allait pas être le cas. Tout semblait fou, inventé, complètement romancé... et pourtant, c'était bien la réalité. Il n'y avait pas de héro de l'histoire. Il n'y avait pas de gentils, il n'y avait pas de méchants. Nous l'étions tous en parti. Et nous ne reverrions plus Damon.

Quelqu'un s'approche de moi. Quelqu'un passe ses mains revêches sur mes joues, sur mes yeux, délicatement. Quelqu'un essuie mes larmes, autant que les siennes. Je ferme les yeux.

C'est mon père. Mon père que je vois enfin devant moi, éclairé par la lumière orageuse du soleil caché derrière ces nuages épais. Mon père qui derrière sa grande barbe non-taillée depuis des mois, me regarde avec des yeux noisettes amplis d'amour. Avec un sourire triste, mais une pointe d'espoir dans cette petite lumière qui scintille au coin de son œil. Mon père qui était malade, et dont seuls les laborantins avaient un remède qui le rendait seulement plus faible. J'ouvre la main. Il y a une fiole, une fiole remplie.

Tristan arrive en trombe. Il me regarde, et ses yeux passent de moi à la fiole.

- C'est Damon, qui t'as donné ça ? il demande.

- J-je... j-je crois...

Il soupire de soulagement et prend la fiole qui était posée sur ma paume.

- Samuel, c'est pour vous. Il m'en a parlé, il a dit que c'était le véritable antidote.

- Le véritable ? demande mon père, ébahie, de sa voix rauque et malade.

Tristan acquiesce. Il explique que mon père avait été affaibli par les expériences qu'il avait subit, mais aussi rendu malade pour qu'il devienne dépendant de l'entrepôt et de l'antidote, au cas où il aurait réussi à s'échapper. Moi je n'écoute pas, j'ai trop de mal. Damon, en plus de nous avoir permis de nous en aller avait eu le temps d'aller chercher l'antidote pour mon père, de me le donner, et d'expliquer tout ce que Tristan nous rapportait maintenant. Et ça me refaisais pleurer. Ça me faisais me rendre compte que Damon n'avait pas menti, n'avais pas fais semblant, tout ce temps où il était là pour nous. Au fond de lui, il était déjà au dessus des idées de pouvoir de son père, au fond de lui, il savait déjà vers qui allait son cœur.

Le silence s'est une fois de plus installé. Mais plus personne ne regarde l'entrepôt. Ils sourient tous. Ils sourient tous sauf moi. Ils sourient tous comme reconnaissants. Ils sourient tous, cette lueur triste toujours dans le regard, mais ils sourient.

Autours de nous, Tiago et Chrystal nous rejoignent, bras-dessus, bras-dessous. Chrystal à pleurée, elle aussi. Damon était quelqu'un pour elle, il était son ami, peut-être même son meilleur ami, même s'il l'avait trahi. Aaron nous rejoins, il se rapproche lui aussi. Il regarde Tristan, qui est plus grand que lui, et met sa main dans la sienne. Matthieu aussi, s'est approché. Il se met face à moi. Il me regarde avec ses yeux chatains, soulagé.

- Je crois qu'on va rater le diner, lance alors Matthieu.

Chrystal ri, nerveusement. Et on la suit tous. Cette ambiance de mort ne plaisait à personne, et Matthieu, fidèle à lui-même avait tenté quelque chose pour nous faire changer de tête. Il n'y avait rien d'irrespectueux de sa part, bien au contraire : jamais il n'avait été plus respectueux envers Damon qu'aujourd'hui. Mais c'était à sa manière.

Aaron met une grande tape dans le dos de Matthieu, le remerciant silencieusement, et lui et Tristan commencent à avancer et à rentrer dans la forêt, main dans la main. J'aurais été heureuse pour eux, si seulement ça n'avait pas été aujourd'hui. Chrystal et Tiago les suivent de prêt, puis mon père, qui les suit après m'avoir embrassé sur le front et d'adresser un signe de tête à Matthieu, qui m'attend.

Alors on attend. Il ne dit rien, il ne frustre rien. Il est calme. Il est triste. Je le sens encore venant de lui. Et puis je m'accroche à son bras, il me soutient. Et on avance sur les pas des autres.

- Pardon.

Il ne répond pas, mais je le sens heureux. Il m'avait pardonné. Je ne savais pas vraiment pourquoi, ni comment, mais il l'avait fait. Et ce n'était pas mon pardon qui l'avait fait changer d'avis. Il l'avait fait avant, mais avant, je n'étais pas avec lui. 


Regard NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant