Chapitre 2

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Un quart d'heure plus tard, je me retrouve sur l'arbre au centre du village, à jouer à cache cache et faire des loups. Les rires des enfants me comblent de joie et, ils l'ont bien compris, je suis la seule elfe pré - majeure qui voudra bien jouer avec eux. Ils m'aiment bien, ces petits.

Nous sommes plongés dans l'ambiance des jeux, tantôt jouant à chat, tantôt faisant s'entrechoquer quelques noix rondes et lisses sur le bois de la plateforme. Bref, ces enfants s' amusent autant qu'ils le peuvent, profitant de l'insouciance des petits.

L'alarme retentit. C'est le signal d'alerte. Tout le monde aux alentours s'arrête, eux et leurs activités, pour aller se réfugier dans leurs maisons respectives. Des charrettes pleines de denrées sont abandonnées au milieu des passages, des mères appellent désespérément leurs enfants, criant leurs prénoms, essayant de les repérer dans la foule, s' écroulant de tristesse en ne le voyant pas venir. Et les armées, avec leurs armes et leurs boucliers, défoncent la foule pour accéder aux postes de défenses, ou descendre à terre pour combattre l'ennemi au corps-à-corps. J'ai peur, c'est la deuxième fois de ma vie que je suis confrontée à cette situation, mais la première fois, je n'étais qu'une enfant, maintenant, c'est moi l'adulte responsable des enfants qui m'entourent. Et je suis là, au milieu de cette foule pleine de vie, à observer ce qui se passe, rassemblant les enfants pour ne pas en perdre et je prends les choses en main.  S'il leur arrivait quelque chose, je m'en voudrai toute ma vie.

-Tino, Leana, Caler, Ariane, Mina et Aline. Aline!

Je balaye les environs de mes yeux et la remarque, penchée contre la rambarde en bois qui n'a pas l'air solide. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Elle continue de se pencher tout autant, avec cet air d'insouciance peint sur le visage. 

-Aline! Viens ici tout de suite! je hurle.

Elle me rejoint et je peux enfin souffler. Nous avançons en cortège restreint vers la salle à vivre qui nous a été attribuée. Je les recompte; un, deux, trois, quatre, cinq et six. Mady referme la porte derrière moi et je soupire.

-Quelle chance que j'en ai pas perdu en route! je dis.

-Oui, heureusement! Ils ont bien choisi leur jour pour attaquer! fait remarquer ma mère.

Je m'adosse contre le mur et m'assois. Je pose ma tête sur mes genoux et pense. Je pense aux armées qui combattent dehors. Je pense aux victimes innocentes qui vont mourir lors de cette bataille. Je pense au roi qui se pare de gardes pour assurer sa sécurité. Je pense à Andrac en train de risquer sa vie pour vaincre l'ennemi. Je pense à Kimber qui tire avec son arc des flèches enflammées. Et je pense à moi, assise, seule, barricadée dans une salle à vivre. Puis j'imagine. Je me vois guidant les armées du réseau sentinel vers l'attaquant. Brandissant mon épée, bandant mon arc, lançant mes javelots... Puis je me reprends et je me rappelle que je ne suis qu'une jeune elfe qui étudie encore l'art du combat, qui joue avec les enfants, qui n'a même pas encore choisi sa vocation. Enfin, je soupire. Qu'est-ce que j'aimerai aller me battre sur le terrain, me défouler sur quelque chose! Avoir MES armes, MES armures.

Je me lève et regarde par la lucarne. Je ne vois que les pontons déserts et quelques malheureuses flèches plantées dans l'écorce des arbres. Soudain, je vois une femme ramper sur le bois. Elle est blessée. Elle a une flèche plantée dans l'estomac. Son visage est déformé par la douleur et elle essaye tant bien que mal de tirer son corps à l'aide d'un seul bras. Elle est à environ cinq cents mètres de moi. Elle ne va pas survivre longtemps sans aide médicale, mais, lors d'une bataille, les villageois sont tenus de rester dans un endroit sûr et de se barricader en attendant le signal qui préviendra de la fin du danger. Les rebelles aux lois sont arrêtés et punis. Je ne peux pas la laisser ni la chercher! Comment faire? Toutes les solutions possibles et inimaginables passent dans mon esprit pour trouver LA solution. Désobéir et être puni mais avoir sauvé une vie ou Obéir et laisser cette pauvre femme succomber à ces blessures? Je n'ai plus le temps de me poser cinquante questions, la femme vient de pousser ce qui semble être son dernier souffle. Je ne dois pas le faire, reprends toi! Tu ne veux pas faire de gaffes à un an du choix de la vocation! Des ennemis survivants ont réussi à atteindre le village. Ils sont à l'autre bout du ponton, tournent la tête et voient la femme étendue sur le sol. Ils s'élancent.  On m'avait dit de me faire discrète, mais je suis une rebelle dans l'âme, j'aurais mieux fait d'écouter ma raison car mon cœur a pris les commandes et je m'élance pour sauver cette femme. C'est l'espoir de sauver une vie qui me force à accélérer ma course. Les Orques s'approchent de plus en plus dans un bruit d'armes et de pas lourds. Le pont tremble et je manque de m'affaler. Je cours de toutes mes forces. J'atteins la femme, la secoue, la supplie de se réveiller puis je fais face à l'ennemi. Ils sont trois, je suis seule. Je n'ai qu'un couteau à ma ceinture et eux ont des masses. Je ne ferai jamais le poids... Je n'aurai jamais dû! Maintenant, il y aura deux mortes au lieu d'une seule. Plus le temps de réfléchir. Je me lève et me prépare à combattre. L'orque le plus rapide m'atteint le premier. Il a la peau verdâtre parsemée de protubérances et les yeux d'un jaune vif. Sa longue barbe noire ne cache pas son sourire mauvais. Il porte une lourde armure et une masse en ferraille. Un anneau doré lui pend au nez. Pour finir le portrait de cet horrible monstre, il a deux défenses qui encadrent une mâchoire carrée. Il me charge et me manque de peu, je l'esquive habilement. Il se retourne pour me faire face à nouveau et lance un cri guttural en abattant son arme sur le ponton. Celui-ci s'effile comme un pull de laine, laissant un trou béant entre nous deux. Il entreprend de sauter l'espace qui nous sépare pour m'abattre. Il s'élance mais, heureusement pour moi, la gravité et la vitesse font qu'il n'a pas assez d'élan pour atteindre l'autre bout du ponton. Il tombe dans un cri et s'écrase lourdement sur le sol, réduisant, au passage, quelques ennemis en poussière. Je n'ai pas le temps de profiter de ma victoire car déjà le deuxième orque arrive à ma hauteur. Il ressemble affreusement à la créature précédente sauf que lui manie une lance. 















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