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Je me lève ainsi qu'une petite brune. Nous nous plaçons sur le ring et une sonnerie retentit, annonçant le début du combat. La jeune fille s'approche de moi, en position de défense. Je fais quelques feintes pour évaluer son degré de réflexe. Elle est rapide, mais je le suis plus qu'elle et lui assène un coup de coude dans le nez. Elle gémit et tombe à genoux, j'en profite pour lui donner un coup de pied dans le dos. Mais elle se relève et m'envoie son poing à toute volée dans ma figure. Je titube et elle me prend par les épaules pour me balancer par terre. J'atterris lourdement sur le sol de béton. Elle s'apprête à m'envoyer son pied dans mes flancs quand j'attrape celui-ci et le tire. Elle tombe et sa tête heurte dangereusement le sol. Elle saigne du nez et crache un filet de sang. Je la bloque contre terre de telle sorte qu'elle ne puisse plus bouger et elle déclare forfait en tapant les trois coups.

-Nayru! grésille le haut-parleur pour annoncer ma victoire.

Je salue mon adversaire et sors du ring. Deux autres noms sont appelés. Je remarque que du sang coule de mon nez. Je l'essuie et pars m'entraîner au tir à l'arc.

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-Comment c'est passée ta journée? me demande Mady, ma mère.

Je regarde mon bol de potage puis lève les yeux.

-Pas mal. Kimber ne s'en est pas trop pris à moi.

-C'est pour ton bien... murmure-t-elle.

Oui, ben mon bien ne passe pas par la case souffrance, à ce que je sache! Ma conception de "bien-être" n'est pas traduite par combat, peur et restrictions! Et puis, s'ils veulent tellement mon bien, pourquoi ne me laissent-ils pas descendre des arbres et me promener? Je suis entrée dans une phase de croissance où j'ai besoin de savoir, besoin de découvrir le monde qui m'entoure! Je ne veux pas être une taupe qui va rester tapie dans ses galeries tandis que tellement de choses palpitantes peuvent arriver à la surface, à la civilisation. Ils disent tous que la curiosité est un défaut et qu'il me fera faire des erreurs impardonnables, eh bien, eux non plus ne sont pas parfaits! Je voudrais être libre comme l'air qui, lui, n'a pas de prison. Il peut faire ce qu'il veut, filant dans chaque faille d'un mur de loi, attiré par la liberté. Là, je me sens comme un oiseau qui, dans sa cage de mots, peut ouvrir ses ailes mais ne peut voler. Je veux partir, me battre, rencontrer des humains, voler! Oui, je veux voler, comme ça, je m'élèverai dans le ciel si haut que plus aucune loi ne m'atteindra. Je laisserai mon peuple aveuglé par la peur et par le mensonge et je partirai. Loin. Très loin. Le plus loin possible, mais je reviendrai. Je le ferai pour mon peuple. Je leur ouvrirai les yeux et leur montrerai la beauté du monde extérieur. Je combattrai Agad, le roi, s'il le faut!

-Ma chérie, tu entends?

C'est ma mère. Je sors de ma rêverie et tend l'oreille.

-Qu'est-ce qu'il y a?

-L'alarme sonnant le couvre-feu vient de retentir. Passe une bonne nuit, me répond-elle.

Je me lève, lave mon bol de soupe, embrasse ma mère et sors de la maisonnette qui nous fait lieu de salle à vivre. Je franchis quelques pontons suspendus et entre dans l'orifice de bois qu'est ma chambre. Je remarque immédiatement l'odeur capiteuse des fleurs recouvrant mon lit. Je défais mes cheveux de leur natte et m'allonge sur le duvet. Ma mère est ce que j'ai de plus précieux. Elle m'encourage et me pousse vers la réussite. C'est une femme courageuse et respectée. Je lui dois la vie. Physiquement, elle est plutôt petite, ronde et sa peau est de couleur chocolat. Ses cheveux frisés noirs sont souvent retenus d'un bandeau coloré. Elle est gentille et douce comme du miel. Ce qui m'étonne, c'est la différence entre la couleur de sa peau et de la mienne. J'ai la peau claire, très claire. Presque blanche. Je tiens peut-être cette couleur de mon père? Ma mère ne parle jamais de lui. Je ne sais ni son nom, ni son visage, ni même la couleur de ses cheveux. Il est un sujet tabou. Personne ne m'a jamais parlé de mon père. Cela doit être une histoire triste. Si triste que tout le monde garde le silence et tente de guérir la blessure qui s'est formée. Mais cette blessure les ronge, les démange. Ils aimeraient crier leur douleur, mais se taisent et restent seuls dans leur mal-être. Je ne peux débattre plus longtemps la question, un voile nocturne me fait sombrer dans un profond sommeil.

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Une brume épaisse m'entoure. Je ne vois que la silhouette dénudée des arbres. Pourtant, nous sommes au printemps, ceux-ci devraient être en fleurs. Je suis debout dans une robe déchirée. Elle est blanche comme la neige et m'arrive aux genoux. Il fait froid et humide. Il n'y a personne. Soudain pleins de petites voix s'élèvent dans un grand murmure qui semble chanter une symphonie noire et résonnante. Des frissons me parcourent le dos. Je ne vois que cette grisaille et ces longues ombres intimidantes. Je fais quelques pas. Une main de glace se pose sur mon épaule. Je tressaille. Je me retourne et vois un éclair bleuté qui m'aveugle. Je tombe, je tombe sans fin.

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-Tu crois qu'elle est réveillée?

-Je ne sais pas, mais si tu arrêtais de parler, je pourrais peut-être entendre quelque chose!

-Taisez - vous! Vous allez la réveiller!

Des petites voix d'enfants emplissent mon esprit. Ces chuchotements malicieux échangés entre deux enfants sont comme une musique à mes oreilles. Mais qui attend mon réveil, devant ma porte? Il faut qu'ils se taisent, sinon, je n'arriverai pas à me rendormir! Il me faut du sommeil, je dois m'entraîner demain et c'est fatigant les entraînements! Les murmures ne cessant pas, je décide d'y remédier. J'attrape une couverture, la pose sur mes épaules et ouvre. L'air fruité du matin exalte mes sens. L'air frais me revigore un instant puis j'ouvre les yeux. Trois paires d'yeux tous mignons me fixent avec admiration. 

-Tu viens jouer avec nous? tente une petite brune aux yeux pétillants, c'est Leana. 

Je ne peux pas! Et les entraînements?

-On est le jour des célébrations du printemps, me rappelle Tino, un autre petit, comme s' il avait lu dans mes pensées.

 Je ne peux me résoudre à décevoir ces petits minois tout enjoués et accepte à la condition qu'ils me laissent le temps de m'habiller.











SilvermooreWhere stories live. Discover now