22. Anja, mouchoirs & chocolat

13.7K 1K 96
                                    



Je l'observe avancer doucement vers moi. Il a tout l'air d'un homme qui essaye de s'approcher d'un animal dangereux, d'un animal dangereux certes, mais surtout blessé.

— Adelia, ce n'est pas ce que tu crois. Je peux tout t'expliquer, tente-t-il d'une voix étonnamment calme et posée.

Ce qu'il ignore, c'est que de ses excuses, je m'en cogne. Je n'ai pas envie de l'entendre me bassiner avec ses mensonges. Je l'observe, la respiration courte, les côtes douloureuses à cause des puissantes pulsations de mon cœur. Je le scrute encore et j'ai l'impression de m'éveiller d'un songe de plusieurs semaines. Car se tient devant moi un homme calculateur et manipulateur, un homme prêt à s'abaisser pour parvenir à ses fins. Je me sens comme un jouet entre ses mains, un jouet dont il a usé et abusé sans que j'en sois consciente. Et c'est là le plus douloureux. Savoir que ce que nous avons partagé n'était qu'une mascarade, un jeu d'acteur pour l'aider à construire un scénario est la pire des blessures.

Malgré mon tourment, aussi étrange que cela puisse paraître, aucune larme ne dévale mes joues.

Pourtant je souffre. Terriblement. Mon cerveau analyse sous un œil nouveau tous les instants que nous avons partagés. J'essaye d'y compter les tromperies qu'il a imaginées et j'y parviens aisément, car tout n'a été que fable sur fable. Chaque parole, chaque regard, chaque geste qu'il a eu pour moi étaient calculés afin que je tombe sous son charme. Rien n'était vrai. Tout cela n'était qu'une mise en scène dont j'étais l'héroïne malgré moi. Le réaliser me fait l'effet d'un violent coup de poing dans le plexus solaire.

— Je t'en prie, économise ta salive et épargne moi tes explications, lâché-je à bout de souffle.

Le choc m'empêche de respirer calmement. Mes mains tremblent de rage. Sa trahison est tellement grande que je ne parviens pas à en conclure que tout est fini entre nous. Non, en réalité rien ne se termine, car il n'y a jamais rien eu. Quelques baisers enfiévrés et des préliminaires poussés ne signifient absolument rien.

Comment a-t-il été capable de pousser le vice aussi loin ? Au point d'avoir des relations sexuelles avec moi ? Est-ce que les hommes sont si différents des femmes ? Sont-ils des êtres dénués de tout sentiment et capables d'initier ce genre d'intimité sans émotion aucune ?

La trahison a un goût amer et forme une boule dans ma gorge.

— J'imagine que, poursuis-je avec une gorge particulièrement sèche.

Je déglutis péniblement et respire profondément avant de continuer.

— J'imagine que tu t'es bien amusé... cette adulte « mi-femme, mi-enfant », « naïve et extrêmement maladroite » et qui « accorde sa confiance à son prochain au point de paraître pathétique » ? lui demandé-je en citant textuellement ce qui est écrit noir sur blanc pour me décrire.

Je me surprends, car seul un petit trémolo a fait légèrement trembler ma voix. J'ignore comment je tiens. Je me sens à bout de nerfs, prête à craquer à la moindre provocation.

— Adelia, par pitié...

— Tu sais, il t'aurait suffi de me poser des questions pour écrire toutes ces pages. Tu n'avais vraiment pas besoin de... de...

Je bugge un instant, cherche mes mots pour ne pas paraître trop crue, mais toujours, j'évite son regard. Mes yeux restent fixés sur un point au-dessus de son épaule droite. Impassible, j'exerce une maîtrise sur mon corps et dompte mes émotions avec une poigne de fer. Jamais je ne me serais crue capable d'autant de self-control.

Perfectly Imperfect (Imperfection #1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant