IX - Première fuite

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"Yeah, I know you care, I see it in the way you stare as if there was trouble ahead and you knew it. I'll be saving myself from the ruin and I know you care. "

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Comme je ne répondais plus à ses appels, maman a décidé s'organiser une visite à l'improviste chez moi, quelle joie. Si je suis pas partie, ce n'était sûrement pas pour qu'elle vienne me rejoindre. En plus de ça, elle a réussi à s'imposer chez moi pour une longue semaine, apparemment c'est moi qui le lui aurait proposé. Si je l'avais fait, ça se saurait. De toute façon, c'est pas comme si j'avais vraiment le choix, et puis, c'est ma mère, je ne peux pas vraiment la virer de cet appartement même si, au fond de moi, j'en meurs d'envie. Elle n'est pas méchante, juste un peu trop sur mon dos. Et avec ce qui s'est passé, rien n'est plus pareil. J'ai l'impression qu'il y a comme une barrière entre nous.

Elle a l'air à fond dans ce qu'elle me dit, tellement qu'elle ne se rend pas compte que je n'y comprends pas un seul mot, et que j'ai mes écouteurs. Elle fait de grands gestes auxquels je ne prête pas plus attention. C'est comme regarder un film sans le son. Même à la maison, ça a toujours été comme ça, j'écoute - enfin, j'essaie et ensuite j'abandonne parce que c'est trop compliqué et je fais juste semblant en hochant la tête au moindre regard - et elle me déballe toute sa vie. Ça a toujours marché comme ça. Et ça marchera toujours comme ça. Elle n'est pas méchante, c'est juste maman.

Je me demande comment les choses seraient aujourd'hui s'il n'y avait pas eu tous ces problèmes. Je me demande si elle serait moins inquiète à mon sujet, moins sur mon dos, plus calme, plus rassurée. Je me demande si on aurait été proche si on s'était soutenue quand tout allait mal. Je me demande si les choses n'auraient pas été mieux si je n'avais pas fui les problèmes en quittant la maison. Si je n'avais pas abandonné tout de suite. Et puis, je finis toujours par éprouver de la compassion pour elle. Ma mère ne m'a jamais reparlé de ce qu'il s'était passé, elle veut seulement que j'obtienne mon diplôme. Enfin, je ne sais pas. Avant d'être ma mère, ça reste une humaine avec des sentiments, et je me doute bien d'à quelle point elle a dû souffrir de la situation autant que moi, voire plus. Mais elle ne m'en a jamais parlé. Alors moi, je n'ai jamais rien dit. Parce que c'est maman, et que quand elle évite un sujet, ce n'était jamais bon de le ramener.

J'étouffais à la maison, ça m'épuisait autant physiquement que moralement. Je faisais souvent des crises d'angoisse le soir dans mon lit, je manquais littéralement d'air. Ce n'était plus pour moi les cris. Alors, je me suis enfuie quand les choses ont commencées à se corser. J'ai arrêté de faire confiance, tout simplement parce que je n'y arrivais plus et je me suis renfermée sur moi même. J'ai longtemps essayé de garder la face, mais j'ai fini par quitter cette maison. Avant que tout ne se corse vraiment. Peut-être qu'on aurait pu en parler toutes les deux. Peut-être qu'elle aurait dû me dire la vérité dès le départ. Que tout n'allait pas bien, et qu'au contraire tout allait mal. Mais maintenant, c'est trop tard, et les choses sont comme elles le sont aujourd'hui. Mais j'éprouve quand même un peu de peine pour maman, parce qu'elle finit toute seule. Vraiment. Tellement qu'elle n'a rien d'autre à faire que de m'appeler tous les jours pour parler de mon diplôme. Ouais, je crois que c'est ça. Elle fait tout ça parce qu'elle se sent plus seule que jamais. Alors elle m'appelle. Et je crois bien que c'est la seule raison pour laquelle je me sens obligée de lui répondre tous les jours. Parce que je lui dois bien au moins ça. Même si, au final, je l'ai laissé tomber, comme tout le reste de la famille.

Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle-là, jusqu'aujourd'hui. Quand je lui ai ouvert la porte, elle semblait tellement désemparée, épuisée. Elle avait pris des rides, beaucoup de rides et de cheveux blancs. En l'espace d'un an, elle avait l'air d'avoir vieilli de dix. Et alors, j'ai réalisé que je n'étais pas seule dans l'histoire. J'étais juste allée me terrer quelque part parce que j'avais pris peur. Je fuyais les problèmes. Mais ce n'était pas comme ça qu'on s'en débarrassait, parce que de cette façon, ils finissaient par réapparaître tôt ou tard. En réalité, je suis vraiment une fille indigne.

Heal you [h.s]Where stories live. Discover now