Je hoche simplement la tête.
Farida, raccompagnez-les.

Je termine mon petit-déjeuner quand mon téléphone vibre. C’est Ali. Un simple message : '' Je suis là.''
Je lui dis d’entrer.

Quelques minutes plus tard, il est installé en face de moi, dans mon bureau. Farida, toujours attentive, lui a servi un jus d’orange. Il le porte à ses lèvres sans vraiment boire.

Je l’observe un instant, puis je me lève, mains croisées derrière le dos.
— Il y a un problème, Ali. Un gros problème. La police n’est pas stupide. Ils doutent. Même si toutes les preuves pointent vers Léa, je sais qu’ils sentent que quelque chose cloche.

Ali me fixe, un peu crispé.
— Mais j’ai bien fait le travail, monsieur. Tout était parfait.

Je secoue la tête avec un sourire amer.
— Il n’y a pas de meurtre parfait, Ali. N’oublie jamais ça. Ce que nous avons fait, moi j’appelle ça rendre justice. Mais ces imbéciles d’officiers ne s’arrêteront pas là.

Un silence. Le tic-tac de l’horloge sur le mur devient pesant.
Ali finit par murmurer :
— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?

Je reprends calmement ma place derrière le bureau, croisant les doigts devant moi.
— Rien. On attend. Moi, je vais rendre visite à Léa.

Il baisse les yeux, nerveux.
— Et mon argent, monsieur ?

Je souris en ouvrant un tiroir. Une enveloppe épaisse en sort. Je la pose lentement sur la table entre nous.
— Le voilà, ton argent.

Ses yeux brillent. Il la saisit comme si c’était un trésor.
— J’ai cru que vous n’alliez pas me payer.

Je le fixe, glacé.
— Je paie toujours mes hommes, Ali. Toujours.

Il hoche la tête, se lève.
— Alors… puis-je partir ?

Je l’arrête d’un geste de la main.
— Attends. J’ai une proposition pour toi.

Il se rassoit, intrigué.
— Laquelle ?

Je m’approche, posant mes deux mains sur le bureau.
— Tu sais conduire, n’est-ce pas ?

— Oui, j’ai un permis…

Je le fixe droit dans les yeux, comme pour jauger son âme.
— Bien. Tu pourrais devenir mon chauffeur. Réfléchis-y. Et donne-moi ta réponse rapidement.

Il avale sa salive, mal à l’aise.
— Très bien, monsieur. Je… j’y penserai.

Je lui rends un sourire froid, presque bienveillant.
— Bonne journée, Ali.

Il quitte la pièce. Le silence retombe aussitôt, lourd.

Deux jours plus tard.
Léa est déjà transférée à la prison pour femmes, en attendant son procès fixé dans un mois.
Je suis assis dans mon bureau, relisant quelques documents. Tout roule depuis l’arrivée de ce Diop, le nouvel homme qui m’assiste. Puis, mon téléphone vibre. Un message.

Jimena Sanchez : '' Coucou, je viens d’arriver. Viens me chercher à l’aéroport.''

Un soupir m’échappe. Cette femme m’agace déjà.

J’attrape le combiné du téléphone fixe.
Lucia. Venez immédiatement.

Je raccroche sans attendre. Quelques minutes plus tard, elle frappe et entre.
— Oui, monsieur.
— Je pars en urgence. Reportez tous mes rendez-vous du jour.
— Mais… Madame Fischer devait—
— Êtes-vous sourde ? Demain. Vous lui dites demain.
— Bien, monsieur.

Je prends ma veste, sors à grands pas, monte dans la voiture. Je n’irai pas la chercher, pas aujourd’hui.
Je compose le numéro de Raymond.
— Allez immédiatement à l’aéroport. Une femme vous attend, Jimena Sanchez. Blonde. C’est mon invitée. Dépêchez-vous.

Je raccroche aussitôt. Jimena peut bien attendre, je ne peux pas manquer ma visite à Léa.

La route est rapide. Vingt minutes plus tard, les hauts murs gris de la prison se dressent devant moi. Des blocs de béton froids, surmontés de barbelés qui s’entortillent comme des serpents. La pluie fine de ce matin accentue la noirceur du lieu.

Je gare la voiture dans le parking réservé aux visiteurs, puis je franchis les grilles après avoir décliné mon identité.

À l’entrée, un portique de sécurité, deux surveillants en uniforme.
— Votre carte d’identité, s’il vous plaît.
Je la tends, froidement. On fouille mes affaires, on me fait laisser mon téléphone et mes clés dans un casier métallique.

Un surveillant me guide à travers un couloir étroit aux murs défraîchis, éclairés par des néons blancs trop agressifs. L’air sent le désinfectant et le métal. Chaque porte claque derrière nous avec un bruit sec, métallique, qui résonne longtemps.

On traverse plusieurs sas de sécurité avant d’arriver dans la zone des parloirs. Une grande salle vitrée, divisée par des cloisons et des vitres épaisses. De l’autre côté, des détenues attendent, assises. Certaines discutent nerveusement, d’autres fixent le vide, les traits tirés.

Je prends place sur une chaise en plastique, devant une vitre rayée. Le combiné noir, fixé à gauche, m’attend. Je croise mes bras, j’attends.

Quelques minutes passent. Puis enfin, un gardien la conduit.
Léa.

Elle porte l’uniforme beige de la prison, ses cheveux attachés sommairement. Ses yeux cherchent les miens, mélange de colère, de peur et d’incompréhension. Elle s’assoit lentement, prend le combiné, mais ne décroche pas encore le regard.

Je décroche le mien.

— Pourquoi t’es venu, espèce d’hypocrite ?
— Du calme, Léa
— Du calme ?! Comment tu as pu dire à la police qu’on n’a aucune relation ? Je suis ta fiancée ! Ta petite amie !
— Fiancée ? Tu as une bague, toi ? Non. Et qu’est-ce qui prouve que tu es ma petite amie ? Toi et moi, c’est du sexe, rien d’autre.
— Espèce de monstre…
— Calme-toi. Regarde-toi, complètement hystérique. Comment t’as pu tuer cette pauvre femme ? Par jalousie ? Comment tu la connaissais, d’ailleurs ?
— Je ne la connaissais pas ! Quelqu’un m’a piégée. Attends… C’est toi, hein ? C’est toi le monstre !
— Ne m’accuse pas. Silence. C’est toi l’accusée ici, pas moi. Assume.
— …
— J’ai trouvé un très bon avocat pour toi.
— Pas besoin. Mon père est rentré d’Allemagne hier, il m’a déjà trouvé un avocat.
— Oh, parfait… J’espère qu’il est meilleur que le procureur en face, parce que crois-moi, elle ne rate jamais une affaire. Bonne chance, Léa.

Elle serre le combiné, ses yeux brûlent de haine.
— Je te déteste, Ivan… Je te hais.

Je repose le combiné avec un sourire froid. Le garde vient aussitôt.
Je me lève calmement.
— On y va.

Je sors du parloir sans me retourner, laissant Léa seule derrière la vitre.

LE  P R O C È S ⚖️ [ En Pause]Where stories live. Discover now