Parallèle

La famille décomposé

16 octobre 2010

Soudain, je me réveille en sursaut, émergeant brusquement de mon cauchemar. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, et une légère douleur irradie de mon crâne, comme un vestige de ce long rêve. Étrangement, chaque détail de ce songe reste gravé dans ma mémoire : les paroles échangées, les mouvements, les chuchotements, les gestes, les malaises...

Une sensation de brûlure titille mes bras, mais aucune trace n'est visible. Je me souviens m'être endormi après avoir conclu l'affaire avec le père de Julien. Tout cela n'était donc qu'un rêve, pourtant d'une réalité saisissante. Et aussi un rêve des plus étrange, comme mon esprit a-t-il pu concevoir une telle bizarrerie.

(Au collège)

Joe me questionne sur la sortie à Sylvèrra et si mon père a donné son accord. Je réponds :

-"Heu, les gars, je pense qu'on devrait annuler cette sortie. Ce n'est pas une bonne idée."

-"Quoi ? La forêt est géniale, pourquoi annuler ? Qu'est-ce qui te tracasse, Telio ?" s'exclame Joe.

-"Rien ne me tracasse vraiment, mais je n'ai plus tellement envie."

-"Dommage, bon, je partirai avec ceux qui veulent venir, mais ça m'ennuie de te laisser tout seul."

-"Non, surtout ne partez pas !"

-"Pourquoi ?" demande Éléonore.

-"Euh... Je veux juste que vous restiez avec moi."

-"D'accord."

Alors chez moi, je revis ce rêve. Pourquoi ai-je rêvé de cela ? Quand dans ma vie aurais-je pu penser une telle chose ? Peut-être que mon frère me manque. Je ne sais pas, peut-être que ce rêve était une demande de mon esprit à faire une introspection de moi-même, ou bien a scruter mon passé ?

Aujourd'hui, en parlant avec Julien, j'ai scruté chaque détail de son visage. Aucun trait physique ne correspond aux critères de mon frère. Achille est le portrait craché de ma mère, avec ses cheveux couleur neige et ses yeux glacés. Son regard était à la fois intense et doux, ses cils particulièrement blancs. Tandis que moi, j'ai plutôt hérité de mon père, avec mes cheveux bruns et mes yeux violets. Je lui ressemble un peu, mais j'ai quelques mèches blanches comme ma mère. Je m'imaginais parler avec mon frère sous les étoiles.

Avant de partir, mon frère m'a remis une lettre :

"Cher frère,

Je t'écris car je m'enfuis de la maison. Sache que je t'aime beaucoup et que tu vas me manquer énormément. Papa sont trop durs avec moi, tu as toujours été leur préféré, le fils parfait.  Par exemple, si toi tu cassais un verre, il te rassurait, alors que moi, elle m'engueulait, mais j'ai seulement 11 ans. Je pars jeune, mais je suis débrouillard, ne t'en fais pas. Je ne pourrai pas te protéger à l'école contre ces deux idiots qui t'embêtent, suis mon conseil, tu me regardais faire, fais comme moi. Tu me reverras peut-être un jour.  Pourtant, je ressemble à maman, j'ai son regard. Prends soin de papa, tu seras seul, car maman est partie quand tu avais cinq ans. Je t'aime, Telio. Au revoir ou adieu."

Ce furent ses derniers mots. À ce moment-là, je m'effondrai par terre. Je me sentais vide, comme si une partie de moi s'était détachée. J'étais en larmes. Mon père accourut jusqu'à ma chambre, ayant entendu mes sanglots. Il me demanda pourquoi je pleurais, et sans un mot, je lui donnai la lettre que m'avait écrite Achille. Papa réalisa alors à quel point son fils isolé comptait pour lui. Pourquoi n'a-t-il pas appelé la police pour le retrouver ce jour-là, je ne le sais toujours pas. Lui aussi laissa échapper une larme. Je pleurais encore plus fort. Je n'avais qu'une seule personne dans ma vie, mon père. Seulement mon père. Je n'avais pas d'amis, juste deux harceleurs, pas de mère, pas de frère. J'étais seul.

Ces harceleurs, Eliot et Marcus, étaient deux idiots sans cervelle, obsédés par la critique, des enfants mal élevés. Je ne faisais rien, je n'avais aucune force, tout était figé dans ma tête. Mais aujourd'hui, je me suis entraîné dur. Maintenant, j'ai de la force, dans mon corps et dans mon esprit.

Je ne sais pas où est Achille, mais dans mon rêve, il semblait être Julien. Pourtant, je n'y crois pas une seconde. Et puis, je lui ai tiré les cheveux, il a pleuré. J'ai dû tirer trop fort. Il est impossible que ce soit Julien. J'espère juste que ce rêve n'est pas une prémonition, qui pourrait semer le doute parmi le groupe. En me réveillant, j'avais les larmes aux yeux, priant pour que ma mère soit toujours en vie quand j'atteindrai mes quinze ans. Peut-être est-ce un signe, avertissant que Achille se retourne contre moi, même si dans la lettre, il semblait sympathique. J'espère le revoir un jour. Ça fait si longtemps.

Je suis désolé pour Joe, mais le risque est trop élevé pour cette forêt. De plus, le nom de la zone, "Parallèle", n'inspire pas confiance. La forêt est immense, avec plusieurs zones dont je ne connais pas les noms.

Achille a trois ans de plus que moi, il a donc seize ans aujourd'hui. Il a grandi, j'ai hâte de savoir comment. Mais face à lui, je serai pétrifié à cause de ce cauchemar.

Pendant la nuit, le regard d'Achille était différent, pas celui que je connais, d'habitude doux et apaisant. À ce moment-là, j'ai vu des yeux qui ont vécu des choses terribles, la haine et la solitude. Comment a-t-il pu survivre seul de 11 à 16 ans, je ne le sais pas. Je ne sais même pas s'il a survécu. Qu'est-ce que je raconte, ce n'était qu'un simple rêve.

J'ai peur de lui, mais je veux lui parler de ma vie sans lui, combien je me sentais seul. Maintenant, j'ai des amis sur qui compter. Avant, j'étais harcelé parce que j'étais faible, sans défense. Je les laissais me frapper autant qu'ils voulaient. Quelle erreur. Je veux les revoir pour leur donner une bonne correction.

Pendant que je prenais ma soupe du soir, mon père m'a parlé. Maman lui manque beaucoup, comme Achille. Je lui ai demandé s'il avait des nouvelles de maman et d'Achille. Il m'a répondu qu'il n'avait aucun contact avec eux. Il a commencé à parler d'Achille, évoquant des choses que j'ignore. Pourquoi ne me dit-il pas tout sur mon propre frère ? Il laisse toujours un mystère en suspens. Il faudra que j'attende d'être plus âgé ou que je découvre par moi-même les secrets. Avant d'aller me coucher, je lui ai raconté en détail mon rêve. Il a été surpris que j'aie de tels symptômes à mon âge, mais il m'a rassuré en disant que ce n'était rien de grave, juste des visions floues. Il m'a conseillé de ne pas prendre ça trop au sérieux.

Ainsi, je poursuis mon chemin, avançant avec courage et détermination, guidé par la conviction que même dans les moments les plus sombres, il existe toujours une lueur d'espoir. Car c'est dans l'obscurité que se révèle la véritable force de l'âme humaine, prête à surmonter tous les obstacles pour atteindre la lumière.