Chapitre 11

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Keran

J'ai été réveillé par deux fois dans la nuit par les hurlements de Zeline. Et par deux fois, mes jambes ne m'ont pas porté plus loin que le pas de ma porte. C'était juste le temps de sortir de mon brouillard, de réaliser que j'étais en train de m'inquiéter pour elle.

Et non une histoire de culpabilité et de fierté.

Je me fous d'être à l'origine de ses cauchemars, si c'est le cas. De mémoire, elle en a toujours fait, je pensais juste qu'avec les années, ça lui était passé.

Samedi, réglé comme une horloge, j'étais levé avant 7h, avec comme nouvelle résolution : hors de question de faire l'autruche ou de l'éviter. Cette semaine pour preuve, a été une catastrophe, et tous mes efforts à la rendre détestable ont été un échec. J'ai perdu du temps, de l'énergie, mon sommeil et ma patience pour rien.

Mais ça n'était pas la résolution de Zeline, puisque hormis pour manger ses plats surgelés, et pour faire une lessive, elle n'est pas sortie de sa chambre et je ne l'ai quasiment pas vu du week-end. Je comprends maintenant les inquiétudes de ma mère quant à son alimentation. C'est une catastrophe, cette nana mange n'importe comment, n'importe quoi, n'importe quand.

Mais je n'en ai rien à faire. Son corps, sa santé.

D'ailleurs pour éliminer mes excès de cette semaine, j'ai doublé mon temps de sport quotidien. Tant pis pour les courbatures qui m'attendent, ça me permettra aussi de me rappeler à cause de qui je suis dans cette situation. J'ai décliné le voyage à Miami avec Eric, qui, s'y j'en crois ses messages, ne s'est pas amusé autant qu'il le voulait.

Par contre devant l'insistance de Tina à me voir, j'ai accepté de passer la soirée du dimanche avec elle. Je suis allé à l'essentiel. On a diné directement dans la chambre d'hôtel, et je suis parti dès que nous avions fini nos affaires. 

Malheureusement, ce lundi, n'a rien de différent de celui de la semaine dernière. J'ai tout autant la boule au ventre et les nerfs à vif, comme si j'appréhendais de me retrouver avec elle devant du monde, comme si je craignais de me trahir, ou d'avoir une réaction à la con de la même manière que l'autre soir quand elle m'a touché.

Je secoue la tête pour rejeter cette pensée. Je ne veux pas revenir là-dessus, essayer de trouver une signification à ce que j'ai ressenti. La seule explication c'est la fatigue.

— Keran ! Keran ! Tu m'écoutes ?

Je cligne des paupières sur Eric.

— Bien sûr que je t'écoute. Tu me disais que tu t'étais pris une poignée de porte.

Eric me montre son œil au coquard et insiste :

— Une poignée de porte qui faisait 1,90 m pour 150 Kg et qui avait une sœur... mmmmh trop jeune pour moi.

Je ris.

— Tu as toujours le chic pour te retrouver dans des situations extravagantes.

— C'est pire que ça là ?!

Nous rejoignons la salle de réunion, tasse à la main. Tout est déjà installé, Amber est là, les viennoiseries aussi. Chacun est à sa place mais il manque... Zeline. Je m'assoie dans mon siège, avec la grâce d'un éléphant mais réussis à garder la tête dans la même position, droit dans son axe pour m'empêcher de la chercher du regard à l'extérieur dans la grande salle.

— Alors ? C'est au tour de qui aujourd'hui ? m'hasardé-je à demander.

— À la stagiaire, répond Patrick.

The Shadow Of Your HeartWhere stories live. Discover now