Chapitre 7

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— Quatre-vingt dix?

— Non.

— Quatre-vingt douze alors!

— Non plus.

— Quatre-vingt dix neuf!

— Es-tu vraiment sûr que la réponse se trouve entre quatre-vingt dix et cent?

— Ce genre de commentaire n'aide pas du tout.

Ils avaient commencé le cours de calculs. Et Denki n'était pas vraiment futé. Kyoka avait commencé par l'interroger sur les tables de multiplication et ça s'est avéré être un pur désastre. Il n'avait faussé aucune réponse de la table deux à la table cinq – non sans avoir hésité et compté sur ses doigts. Mais à partir de la table six, les choses s'étaient corsées. Il avait vite perdu le compte de ses doigts.

Puis, vint les multiplications beaucoup plus complexes. Kyoka avait l'impression qu'il n'allait pas tarder à faire sa tête étrange accompagnée du "gwé". Denki se perdait très facilement entre les chiffres et les nombres. Vu son niveau en multiplication, il aurait beaucoup de problèmes quand ils allaient aborder la division et les fractions. Il n'y avait qu'une seule solution: recommencer depuis le début. C'est-à-dire, au niveau d'un enfant de quatre ans.

— La réponse était soixante-quinze. Dit-elle pour abréger ses souffrances.

— Mince! Je n'étais pas loin!

— Au contraire, tu étais très loin. Si tu avais dit soixante-dix, là, j'aurais admis que tu y étais presque. Mais quatre-vingt dix neuf, ce n'est pas vraiment ce que j'appelle ne pas être loin.

— C'est bon, tu as fini, Jirou?

Elle lâcha un léger rire, ce qui fit froncer les sourcils du prince. Oui, il n'était pas très intelligent, mais ce n'était pas la peine qu'elle se moque de lui. Elle était supposée être professeur et l'aider. Pas lui jeter à la figure son incompétence. Denki en avait déjà assez de la voir. Et ça ne faisait qu'une semaine! Jamais il n'avait rencontré une femme qu'il aurait préféré fuir. Jirou était un cas vraiment à part.

— Allez, on va étudier les tables de multiplication. Reprit-elle.

— Jirou, si tu es professeur, tu devrais savoir enseigner autre chose que les calculs, non?

— J'enseigne toutes les disciplines.

— Dans ce cas, pourquoi on ne ferait pas de l'escrime aujourd'hui? Ça pourrait être bien, ce genre d'activité!

— C'est justement ce genre d'activité qui te distrait. Donc, pour toi, il n'y aura pas de cours d'escrime, ni d'équitation ni rien de sportif.

C'était officiel, il n'aimait pas Kyoka Jirou. Il la détestait même. Cela ne faisait qu'une semaine qu'ils étudiaient et elle l'avait déjà insulté plus que n'importe qui d'autre. Elle était insupportable. La jeune femme prit une feuille avant de continuer son cours, ce qui agaçait fortement le prince. Les multiplications devenaient de plus en plus difficiles pour lui. Quand il arrivait à trouver la réponse à une question, il en recevait une autre encore plus compliquée. Tout ça était de la torture.

Les heures se succédaient sans que la brune ne laisse le prince tranquille. Elle n'arrêtait pas de lui faire faire des exercices, ce qui avait pour effet de faire surchauffer son pauvre petit cerveau. Ce n'était pas habituel qu'il réfléchisse autant. Elle pourrait au moins y aller doucement quand même! Mais Kyoka semblait tellement pressée de finir son cours qu'elle enchaîna question après question. Être dans la même salle que Denki pendant toute une journée n'était pas du tout une partie de plaisir. Un enfant de dix ans aurait déjà résolu tous les questionnaires depuis longtemps.

— Kaminari, tu as fini? Demanda-elle en relevant la tête de ses feuilles.

— Gwééé...

La brune se figea. Déjà? Quand elle vit le visage idiot du prince, elle ne put s'empêcher de rire, plaquant une main sur sa bouche. Quelqu'un pouvait l'entendre depuis le couloir et ce ne serait pas bon pour elle. Une professeure aussi réputée qui rigole comme un pirate, ce n'était pas très flatteur. Kyoka se leva alors pour tenter de réveiller le pauvre Denki. Il avait vraiment une endurance intellectuelle médiocre.

— Hey, Kaminari. Dit-elle en touchant sa joue de son index.

Mais le blond ne réagit pas, laissant un filet de bave couler au coin de ses lèvres. Kyoka baissa les yeux sur les feuilles posées sur sa table et vit des dizaines de petits calculs sur les bords. Tous des additions. Quand elle lui avait demandé combien faisait 7×3, il avait gribouillé quelque chose sur ses feuilles. Elle découvrit alors qu'il avait écrit 14+7=21. Mais quel enfant! Plus personne ne raisonnait de cette manière! Elle allait perdre un temps précieux avec cet idiot, c'était sûr. Légèrement à cran, elle lui donna une gifle. Immédiatement, le prince se réveilla de sa transe.

— Pourquoi?! Se plaignit-il.

— Tu ne réfléchis pas assez, c'est tout!

— Mais c'est difficile!

— Ça le sera encore plus si tu continues avec tes additions en bord de page!

— Ça va! Ce n'est pas la mer à boire, non plus!

Comment osait-il plaisanter? Elle était déjà énervée et il en rajoutait. La professeure avait déjà mille chose à penser. Et lui, ne lui facilitait pas la vie. Énervée comme jamais, Kyoka plaqua violemment les paumes de ses mains sur la table du blond.

— Tu commences sérieusement à me faire sortir de mes gonds! Cria-t-elle.

Ne comprenant pas pourquoi elle lui criait dessus, Denki se leva brusquement, poussant sa chaise au passage. Elle aussi, elle l'énervait. Et pas qu'un peu. Madame se croit supérieure aux autres et pense que tout le monde peut suivre son rythme? Eh bien, lui, ne le pouvait pas. Le prince frappa la table de ses paumes, prenant le même ton de son professeur.

— Mais qu'est-ce que j'ai fait pour que tu me parles comme ça?!

— Tu es stupide! C'est assez logique, non?!

— Et j'essaie de faire de mon mieux!

— Ce n'est pas suffisant!

Denki souffla bruyamment.

— C'est bon, j'en ai assez!

Il donna un coup à la table, faisant sursauter Kyoka, avant de sortir en trombe de la salle d'études. Désormais seule, la jeune femme grogna de fureur tout en froissant rageusement l'une des feuilles de son élève. Qu'est-ce qu'il pouvait être insupportable! Bon, il fallait aussi avouer qu'elle n'y était pas allée doucement avec lui. La patience était une vertu que tout bon professeur devait avoir. Mais Kyoka n'avait pas cette patience. Ses problèmes s'entassaient dans sa tête, lui faisant perdre son habituel calme.

En pensant cela, elle sortit aussi de la salle. Elle allait faire un petit tour pour se changer les idées et peut-être essayer de retrouver ce prince capricieux. Après tout, elle était payée pour rester avec lui et l'instruire. Si le roi le voyait se balader dans le palais en pleine heure de cours, elle ne donnait pas cher de sa peau. Kyoka longea alors les couloirs sans savoir où elle devait le chercher. Mais quand elle fut face à d'autres couloirs, elle se dit qu'elle allait se promener encore un peu. Kaminari pouvait attendre.

Apprenti princeWhere stories live. Discover now