Chapitre 2: Au-delà des cerisiers en fleur...je me suis souvenu

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Il est midi.

Je n'arrive pas à croire que j'ai tenu une demi-journée sous ses amas de pollen. Mais ça valait le coup après avoir vu ce garçon à la beauté d'un cerisier éternel.

Je ne crois pas qu'il existe d'autres personnes comme lui et que je sois le premier à l'avoir rencontré.

Impossible de se détacher des images que mon appareil diffusait sur le petit écran. Je me suis pris de quoi me remplir le ventre, rien de bien copieux en pensant que je ne resterais pas très longtemps après.

Je me colle à un de ces arbres qui m'ont fait perdre la tête un moment et commence à manger. Seulement voilà, des gosses se ramènent et me balancent des pétales en pleine tronche.

Je bouillonne de colère et alors que je suis sur le point de les engueuler, de me déranger en plein repas, leur mère arrive afin de les sermonner d'incommoder le monde environnant. Et vu leurs têtes, ce n'est pas la première fois que cela arrive aujourd'hui. Après cela, la trentenaire s'incline me demandant pardon pour leur bêtise.

Par politesse je lui dis de ne pas s'en soucier bien que j'aurais bien voulu les engueuler un bon coup. Après leur départ, je continue de manger lorsque j'ai vu une pétale sur le revers de ma main.

Je soupire mais pas d'exaspération.

De nostalgie.

En vérité je n'ai pas pu leur en vouloir. C'était des gosses rien de plus.

Quel genre de gamin n'aime pas se faire une pluie de cerisier comme s'il en pleuvait réellement ?

Tout comme eux, je le faisais, et ça me rappelle tellement de choses lointaines.,Je me souviens de cette année-là, en ce même jour de printemps.

J'avais le même âge, la même énergie, mais tout aussi vulnérable par cette saison.

Je m'en souviens car cela a été le premier printemps où je suis sorti malgré mes allergies plutôt violentes quand j'étais gosse. Et c'est bien une des raisons pour lesquelles je détestais cette époque de l'année. Mais quand je me remémore ce souvenir, je ne peux que sourire.

Je me revois m'émerveiller des rayons de soleil réchauffant ma peau bronzé naturelle, la légère brise d'air caresser mes cheveux en épi et sentir le parfum des fleurs naissantes des arbres roses sur lesquels des bourgeons printaniers sont présents.

Je revois aussi ma mère insister brièvement pour me jeter dans le tas de pétales préalablement préparé pour moi, et le moi d'avant toujours aussi fasciné par la couleur si particulière de ces plantes ancestrales.

On avait pique niqué sous cette robe printanière qui me faisait défaut pour la toute première fois.

C'était pour moi un rêve ni plus ni moins.

Rire, bouger et courir pieds nus sous les doux brins d'herbe entre les orteils. Et quand j'ai regardé ma mère ce jour-là, son visage s'est illuminé.

Comment ai-je pu oublier ce jour... ?

Le sourire de ma mère sous le soleil de midi, mes yeux brillant de ce même éclat de lumière. Les fleurs de saison se retrouvent accrochées à ses cheveux, comme si une couronne se formait. Et de la sorte elle était belle, ma maman.

Belle et rayonnante à en jalouser la saison elle-même.

Si à ce moment-là je n'avais pas su que les deux billes rouges qui lui servaient de pupilles pour ses yeux, je les aurais aisément confondu à deux petites coccinelles qui se baladaient sur sa robe fleurie.

Quant à moi, je peux littéralement voir que cette famille ne peut qu'apprécier ce moment ensemble, profitant de cette brise parfumée.

Je reviens à moi lorsqu'un claquement de doigts résonne à mes oreilles.

Je vois alors cette même femme qui est ma mère, ayant pris de l'âge depuis, toujours aussi belle. Elle m'engueule comme à son habitude mais je sais qu'au fond elle m'apprécie.

Même si je ne lui dirai jamais.

Je prends alors un instant pour admirer, depuis le petit bourgeon que je suis, l'arbre qui m'a donné naissance. Je me suis ressenti gamin à côté d'elle juste un instant quand je lui ai remis ce souvenir en tête.

Elle me regarde avec ses yeux coccinelles, étonnée de me voir sourire bêtement devant elle. Et le premier geste qu'elle me fait est de tendre sa main pour la poser sur ma crinière blonde que j'ai hérité d'elle, comme quand j'étais enfant.

Son visage en dit beaucoup sur ses véritables pensées.

"Je suis fière de toi." semble-t-elle dire.

Me perdre dans ce sourire à la fois éclatant et protecteur me comble en ce jour de fête

Mais le téléphone sonne, alors que, pour la première fois depuis bien longtemps, je suis de nouveau tombé sous le charme de cette saison que tout m'insupporte. 

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Au-delà des cerisiers en fleurWhere stories live. Discover now