Pokémon aguelite

1. Bienvenue à Balerne.

Vald s'éveille lentement, clignant des yeux l'un après l'autre. Sa main glisse nonchalamment sur une tablette posée sur sa table de nuit, désactivant l'alarme avant qu'elle ne se déclenche. Il se lève sans plus de conviction et commence à se préparer.

En voyant son visage dans le miroir, il remarque que ses cheveux sont bizarrement en pagaille. D'habitude, Vald ne ressent pas le besoin de se coiffer. Il a dû beaucoup bouger cette nuit, et cela a sûrement été provoqué par ses réflexions de la veille.

En ouvrant son étagère pour prendre la brosse à cheveux, Vald remarque un objet rond à deux faces plates, ressemblant à un galet : un inhalateur. Une coque le recouvre à moitié et peut être glissé facilement pour révéler la partie ou se place la bouche.

Les yeux de Vald tremblent brièvement et il déglutit. Pourquoi a-t-il fallu que ses cheveux soient en pétard ? L'inhalateur aura réussi à lui plomber encore plus le moral, et c'était bien la dernière chose à laquelle il voulait penser.

Il termine de se préparer et descend pour se diriger vers la cuisine, où un bol de céréales fraîches l'attend déjà. Comme d'habitude, David, son tuteur, a déjà préparé le déjeuner. Alors qu'il s'assied, Vald repense à la discussion qu'il a entendue hier.

Le professeur Aulne était venu rendre visite à David. De ce qu'il avait compris, aujourd'hui était le dernier jour où il pourrait passer du temps avec les Pokémon dont il s'était occupé. Demain, ils partiront. Le professeur Aulne les emmènera à son labo où des jeunes de 14 ans, sélectionnés parmi tant d'autres, choisiront leur Pokémon. Vald aussi a 14 ans, alors pourquoi pas lui ? S'il y a bien quelqu'un qui les connaît, c'est bien lui. C'est lui qui s'en est occupé pendant près d'une année. Il s'était attaché à eux. Il y a 27 Pokémon au total, y aurait-il donc 27 jeunes plus qualifiés que lui ?

— Encore dans la lune ?

Vald sursaute en entendant la voix.

C'est David, sirotant son café d'une main et tenant une tablette dans son autre main. Le tuteur regarde Vald, puis pose son regard sur le bol.

— Les céréales ne vont pas arriver dans ton estomac simplement en les regardant, plaisante-t-il.

— Je réfléchissais, c'est tout, répond Vald en commençant à manger.

— Et à quoi tu réfléchissais de si bon matin ? demande David.

— Rien d'important. Quelles sont les infos ?

— Rien d'important, répète ironiquement David en regardant l'écran plat, un sourire au coin. Tu peux toujours regarder sur ton propre omnipad si tu as peur de rater une info. Je vais déjà devoir y aller, de toute façon. Sois à l'heure au centre.

— Comme d'habitude, répond Vald.

David vide sa tasse, attrape sa veste, range sa tablette dans une de ses poches puis quitte la maison.

C'est ensuite au tour de Vald de se préparer à partir et, une fois dehors, il se met en route vers sa destination.

Laville où il se trouve se nomme Balerne et est située dans la région d'Aguel. Animée et prospère, elle a une forte activité économique grâce à son port et aux échanges commerciaux qui y sont effectués. Dans les rues de la ville, on peut croiser des habitants faisant leurs courses au marché local, des touristes venant admirer les paysages de la région, et de temps en temps des dresseurs en train de s'entraîner avec leurs Pokémons. Véritable centre névralgique, on peut y voir de grands bateaux de marchandises allant et venant, ainsi que des docks et des entrepôts par dizaine. Certains bateaux remontent le fleuve vers la ville principale de la région, Olstred, et d'autres voguent sur l'océan vers l'horizon.

La ville portuaire de Balerne possède sa propre arène, dont David est le champion. Nombreux sont les dresseurs en quête de défis qui s'y cassent les dents. En tant qu'arène de type feu, eau et plante, il n'utilise que des Pokémons de départ sous leur forme finale.

Les Pokémons de départ : Il s'agit de ceux que les professeurs Pokémons de chaque région donnent aux nouveaux dresseurs en tant que tout premier Pokémon.

C'est là qu'intervient le bâtiment où se rend Vald. Il ne s'agit que d'un centre d'observation, étroitement lié au centre d'élevage de la région. Secret, et évidemment bien gardé, ce dernier serait en réalité l'un des plus grands et importants du monde. La plupart des Pokémons et œufs serait envoyés dans les autres régions.

Vald arrive à destination. Situé aux abords de la ville, le bâtiment est protégé par des clôtures et des caméras, car on n'est jamais à l'abri d'un vol de Pokémons ou d'œufs, les femelles des espèces Pokémon élevées ici étant rares et recherchées. 1 femelle pour 7 mâles, d'après certaines estimations.

Vald n'a accès qu'à quelques zones du bâtiment et s'occupe principalement de l'entretien des lieux. Les soigneurs le connaissent bien. Après tout, ça va faire bientôt 2 ans et demi qu'il travaille ici.

C'était un simple entretien régulier de l'une des zones d'observation qui l'a fait s'attacher petit à petit aux jeunes Pokémons actuellement présents. Le but est de les laisser grandir dans de bonne condition avant d'être assez mature pour être remis à des dresseurs. Et vu que Vald s'entendait bien avec eux, David avait décidé que ce serait une bonne idée de laisser le garçon s'en occuper lors des activités psychomotrices. Car, oui, en plus d'être champion d'arène, David est aussi, du haut de ses 30 ans, le gérant du centre d'observation.

Au final, le jeune garçon aura passé 14 mois à s'occuper de ces petits Pokémons.

À présent dans les vestiaires, le jeune garçon se change.

— Ça va, Vald ? Tu m'a l'air bien calme.

Sortant de ses pensées, il se tourne vers son interlocuteur.

— Ça va. C'est bizarre que tu me dises ça, je suis toujours calme.

— J'veux dire, plus qu'd'habitude. T'as pas encore dit un mot.

— Sur le coup, ça me rappelle ses débuts. Àl'époque, il ne disait vraiment rien, ajoute un deuxième.

— Ouais, reprend le premier en rigolant, j'me rappelle même qu'il fallait s'exprimer avec des mots simples pour qu'tu comprennes. Tu n'connaissais pas un mot de not' langue. Faire des signes avec nos mains était plus efficaces. D'ailleurs, t'as pas retrouvé la mémoire d'puis ?

— Non.

— C'est p't'être pas plus mal. Mieux vaut éviter d'se rappeler d'mauvaises choses, relativise le premier.

— Allez ! Y'a du boulot aujourd'hui. J'espère que vous n'avez pas oublié que des personnes de marques vont se pointer aujourd'hui. Je veux pouvoir m'admirer à travers le carrelage, annonce un troisième en entrant.

— Ça ira pour tes chevilles ? rétorque le premier en plaisantant.

Ainsi passe la matinée. Vald nettoie une pièce, puis une autre, jusqu'aux couloirs. C'est, d'ailleurs dans l'un de ces derniers qu'il croise les premiers (supposés) arrivants : un grand homme et un garçon de probablement 14 ans. David est sûrement revenu de l'arène pour les accueillir à son bureau. C'est d'ailleurs dans cette direction qu'ils semblent se diriger.

Une pilosité faciale noire et impeccable épouse parfaitement la forme du bas du visage du grand homme. Avec son chapeau, sa veste et son pantalon d'un bordeaux éclatant, il ne manque plus que la canne pour avoir la caricature du gentleman. Le garçon, probablement son fils, est tout aussi fringant avec ses cheveux gominés en arrière. Vêtement chic et air hautain, c'est pile le genre de personne que Vald a le plus de mal à supporter.

Se concentrant sur sa tâche, il fait tout son possible pour éviter de croiser leur regard. Le grand homme passe derrière lui sans ralentir. Le fils, quand à lui, s'arrête. Vald comprend qu'il le fixe et arrête de nettoyer pour le regarder de face.

— Ils doivent vraiment manquer de personnel ici, finit par dire le garçon.

— Kad ! lance le père au loin.

Ils sursautent tous les deux. Le dénommé Kad, brièvement stressé, se tourne vers son père et prend une marche rapide.

Pour Vald, l'évidence est claire. Ce gamin est l'un des futurs dresseurs.