Chapitre 6 : Algana

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Elle posa son regard calme sur la plaine désertique qui s'étendait devant elle. Elle avait fait atterrir son vaisseau à quelques kilomètres avant de venir par ici, à son point de rendez-vous habituel. L'antiquité semblait peser une tonne mais elle la tenait tout de même collée contre elle. Elle était pressée d'enfin s'en débarrasser. Il y avait un sentiment d'urgence en elle, comme si l'objet la mettait en danger, et elle avait de très sombres présentiments. Ici, sur Phoenix, les choses risquaient de dégénérer très vite, alors il faudrait qu'elle quitte la planète au plus vite.

Un vaisseau se posa à quelques mètres devant elle. Il ressemblait à une inoffensive boule avec quatre pieds mais Algana savait que ce vaisseau était suffisamment armé pour tenir tête à un petit croiseur, pourtant dix fois plus gros.

Un homme en sortit, ses yeux vairons balayant le désert.

– Toujours seule, Ana ?

Son regard malicieux se planta dans celui de la jeune Harnam.

– Malheureusement, Enzo. Il semblerait que personne ne veuille de moi. Et toi ? Je ne vois personne avec toi, et ton odeur est assez pure pour que je puisse deviner sans crainte que personne ne se trouve dans ce vaisseau.

Elle le connaissait depuis longtemps, et il avait toujours été seul. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés, la petite humaine venait de mourir, tuée par des chasseurs qui visaient la jeune Harnam et son pelage blanc. C'était lui qui lui avait fait découvrir la beauté de Phoenix, dont elle n'avait jusque-là vu que le côté sombre. Une planète si belle, quand on la connaissait bien. Une planète si dangereuse, lorsqu'on ignorait certains de ses secrets.

Enzo lui avait appris tout ces secrets. Il lui avait enseigné les silences des déserts, le parler des locaux, les signes qui voulaient tout dire. Il lui avait permis de survivre sur une planète dont elle ne savait presque rien. Puis, il lui avait permis de retrouver son vaisseau qu'elle avait perdu plus de trois ans auparavant.

– Ou alors je me suis isolé, douché, désinfectant et tout le tralala avant de venir te voir.

– Peut-être, mais dans ce cas, ton odeur serait différente. Tu ne sens pas le propre.

Il éclata de rire avant de se reprendre et de poser son regard amical sur son interlocutrice.

– Alors, cette antiquité ?

Algana la lui tendit vivement. Il hésita quelques secondes face à un tel empressement avant de prendre l'objet que lui tendait son amie qui se recule de quelques battements d'ailes.

– Qu'est-ce que c'est ?

Elle avait peur de le garder sans réellement savoir pourquoi. Il émanait de cet objet quelque chose de dangereux qui réveillait son instinct et la poussait à s'en débarrasser. Pourtant, elle aurait pu le laisser sans cette mine de rubis, ou même l'abandonner dans l'espace, ou la laisser sur Aestos. Elle n'en avait rien fait. Pire, elle avait contacté son vieil ami pour le lui confier.

– Je n'en sais foutrement rien, mais je ne veux pas la garder. Je l'ai réparé, c'est déjà bien assez. Tu devrais pouvoir en tirer un bon prix, sur le marché noir, on dirait un artefact de magie noire.

– De magie noire ? La magie, ça n'existe pas. Au mieux, tu as l'aura des Aerthiens, mais ce n'est rien de plus ni de moins qu'une histoire de phéromones.

– Et les Voyants ?

– Une bande d'escroqueurs, si tu veux mon avis. La magie, ça n'existe pas.

Elle savait au plus profond d'elle qu'Enzo avait tort, mais il ne l'écouterait pas, et elle le savait tout aussi bien. Il y avait des silences autour des Voyants, et les réponses ne se trouvaient qu'entre les mains de deux Ordres et tout aussi certainement dans les mains des Grands.

Mais ce n'était pas parce qu'elle n'avait aucune chance de lui faire entendre raison qu'elle n'essaierait pas.

– Tu es bien sûr de toi. Moi, je suis sûre qu'on pourrait trouver une explication scientifique à la magie et que donc elle existe.

Enzo leva les yeux au ciel. Parfois, son amie était fatigante, mais ça ne l'empêchait pas de l'apprécier.

– Je vais voir ce que je peux faire. Je t'envoie la somme que je réussirai à obtenir dès que je l'aurai vendu.

Il fit demi-tour et fit un dernier signe à son amie avant de remonter dans son vaisseau et de partir. La tension qui l'avait envahie trois heures plus tôt, alors qu'elle finissait de réparer l'artefact, disparu comme par magie. Elle ne se doutait absolument pas de ce qu'apporterait cet objet à la galaxie, mais elle regretta très vite ce choix qu'elle avait fait de le confier à son vieil ami.

Là où les étoiles se meurentWhere stories live. Discover now