Chapitre 3 : Algana

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Les yeux rouges d'Algana était peut-être une des explications rationnelles à l'amour qu'elle portait pour les rubis. Les pierres rouges étaient peut-être bien la chose qui l'intéressait le plus, si l'on omettait bien sûr l'or. Parce que l'or, ça brille. Et que les trucs qui brillent avaient le don d'attirer le regard acéré de la jeune Harnam. Haute de près de soixante-quinze centimètres, elle était plutôt grande pour son espèce. Ses ailes fines voletaient dans son dos sans la gêner tandis qu'elle bricolait avec ses six mains, tentant vainement de réparer la vieille antiquité qu'elle venait de trouver dans une mine de rubis désaffectée.

Elle ne savait pas vraiment comment elle avait fini par trouver cet étrange objet. Elle l'avait trouvé, point. Pourtant, elle n'arrivait pas à comprendre à quoi pouvait bien servir cette antiquité.

Son pelage blanc, symbole de sa lignée, se reflétait sur chacune des faces de la pierre centrale de l'objet trouvé. Elle l'avait ramassé sans savoir pourquoi. Et, toujours sans comprendre ce qui l'y avait poussé, elle avait entrepris d'essayer de le réparer, alors même que son instinct aurait dû la pousser à prendre la pierre, quitte à détruire définitivement l'antiquité. Ses doigts s'agitaient au-dessus de l'objet tandis qu'elle essayait de renfoncer d'une main une pièce qui semblait vouloir quitter son emplacement. Comprenant qu'elle n'y arriverait qu'en y mettant du sien, elle agrippa l'objet de quatre mains tandis qu'elle plaça ses deux autres contre la pièce, la poussant de toute ses forces. Pendant quelques cruelles secondes, elle eut l'impression que c'était peine perdue avant que la pièce ne finisse par regagner son emplacement dans un grincement à réveiller les morts. Le cube était redevenu cubique.

Le regard fixé sur lui, elle lissa de deux de ses mains son pelage ébouriffé. Ses poils blancs n'étaient pas très longs et ne la gênaient pas tant que ça mais ils l'empêchaient de passer inaperçu. Quand on la regardait, on ne voyait que la pâleur de son pelage qui faisait d'elle une héritière d'un trône perdu, et dont elle n'avait jamais voulu. De toute façon, sa planète était sous domination depuis bien trop longtemps pour qu'elle puisse hériter de quoi que ce soit. Elle n'était plus que la paria d'une espèce que beaucoup jalousaient. Et elle s'en moquait. Elle avait sa vie, ses rubis. Peut-être n'avait-elle plus ni ses frères, ni ses amis d'enfance, mais il lui restait tout ce qu'elle avait construit au fil des ans, après avoir tout perdu. Elle maudissait l'humanité de lui avoir tout pris. Mais elle remerciait ce bout d'humaine pour lui avoir appris à vivre et à survivre. Alors qu'elle avait perdu son frère, dans ce désert qui ne laissait aucune chance à la vie, ce cruel désert et ses maudites ruines, c'était cette petite humaine qui l'avait traîné loin de la tempête, qui l'avait nourri, qui avait veillé à son sommeil. Elle maudissait l'humanité pour lui avoir pris jusqu'à cet enfant. Elle maudissait son pelage blanc qui lui avait attiré tant d'ennuis. Elle en voulait à la galaxie toute entière pour ne pas avoir sauvé cette enfant qui avait donné sa vie pour elle. Mais à présent, elle avait tourné la page de ses malheurs et ne gardait qu'en tête le bonheur de voir cette petite fille rire, et ce frère qu'elle avait trop peu connu esquisser un sourire bien maigre, mais si heureux.

L'antiquité était bien étrange, là, dans ses mains. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander de quoi il s'agissait. Pourtant, tout au fond d'elle, elle sentait que cela lui importait peu, qu'elle préférait ne pas savoir. Et si son instinct lui soufflait de ne pas s'y intéresser, alors il valait mieux pour elle qu'elle ne s'y intéresse pas.

Elle observa une dernière fois l'étrange objet qu'elle tenait dans deux de ses mais avant de le poser sur la table et de sortir un télécommunicateur de sa poche. Elle savait qui elle devait contacter, et pourquoi.

– J'ai une antiquité à te vendre.

Elle envoya le message sans une hésitation, sans même se demander pourquoi sa grande curiosité à l'égard de cet objet s'était envolé ni même pourquoi elle ne récupérait pas la pierre qui était pourtant là, juste sous ses yeux.

De toute façon, Algana n'aimait pas se poser des questions. 

Là où les étoiles se meurentTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon