15 - L'Écosse

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La chose était étrange. Pourtant, je parvenais de temps en temps à la solliciter. Il n'y avait rien entre nous. Je l'utilisais lorsque la pression était trop forte, lorsque je me réveillais après avoir rêvé de Jungkook, ou que je le voyais rentrer de la boxe, encore ruisselant et les cheveux en bataille.

Ni elle, ni moi ne nous apprécions. Elle se manifestait systématiquement lorsque je ne lui en donnais pas l'ordre, me mettait mal à l'aise et me réveillait parfois en pleine nuit pour salir mes draps.

Comme le reste de mon corps, je la haïssais, à la différence près qu'elle me provoquait un plaisir certain. En échange, je lui permettais d'être là en ne tentant pas de me foutre en l'air.

Ce matin de fin janvier, j'étais de mauvaise humeur. Mes cheveux ne ressemblaient à rien, mon visage était gonflé d'avoir peu dormi, et mon pantalon fétiche était au sale. Celui derrière lequel je planquais mes longues cuisses de grenouille. Et pour couronner le tout, il pleuvait un crachin glacé qui faisait trébucher les passants et le bus était en retard. La foule s'amassait devant l'arrêt, et comme je détestais toujours autant me mêler au genre humain, je décidais de marcher.

Capuche sur la tête, mains dans les poches et casque sur les oreilles, je longeai les avenues grises et encore obscures de Busan. L'air marin transportait dans les rues une odeur iodée et des effluves du marché aux poissons qui me retournaient l'estomac.

— Hey !

Une main se posa sur mon épaule. En me retournant, mon cœur manqua de ressortir par ma bouche.

— Jungkook ?

— On peut marcher ?

— Toi derrière ou devant moi, oui.

Je continuai ma route sans attendre et sortis une cigarette de mon paquet. La brûlure sous mon genou me faisait souffrir depuis deux jours. J'y étais allé un peu fort, et j'avais saigné, me contraignant à enrouler mon genou dans un bandage. J'allumai la cigarette en prenant garde au vent, lorsqu'une main me l'arracha de la bouche pour la jeter au sol.

— Heyyy !!!

— C'est mauvais pour ta santé ! Est-ce que tu t'en fiches à ce point ?

Mon regard trouva ses iris noires et colériques. Jungkook était furieux. Ses lèvres étaient pincées en une ligne fine, et s'il avait caché ses mains dans ses manches pour se protéger de la pluie, je devinais ses poings serrés.

— Je le sais.

— Alors pourquoi est-ce que tu fumes ?!

Je repris ma route, les mains dans les poches.

— Je ne vois pas pourquoi ça t'intéresse.

Il ne me rattrapa pas et resta sous la pluie battante.

— Tu es stupide, Kim Taehyung !!!

Sa remarque fendit l'air et la pluie verglacée pour me heurter de plein fouet. Mon cœur se serra, mais mon visage resta impassible. Je devais l'ignorer et poursuivre ma route ou j'allais l'entraîner dans ma chute.

En cours, le professeur peinait à maintenir le calme, les boulettes de papiers volants entre les tables. Je regardai mollement la pluie s'abattre sur la vitre dans des petits claps clops que moi seul entendais. Subitement, je me redressai en entendant le professeur répéter :

— N'oubliez pas le voyage scolaire pour toutes les terminales dans trois semaines !!!! Si vous n'avez pas rendu votre autorisation de sortie, vous ne pourrez pas monter dans le car pour l'aéroport ! Le trousseau des affaires vous sera donné en fin de semaine avec toutes les informations !

Du fard sur les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant