14 - Une lame, des allumettes et des clopes

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J'étais devenu un spécialiste dans l'art de mentir. Du moins, c'est ce que je croyais, car Jungkook ne se laissait pas duper.

J'avais eu 15 ans en décembre, et j'avais refusé de fêter mon anniversaire, même avec lui.

— On est trop vieux pour les cabanes, les veilleuses et les pyjamas recouverts de trucs stupides, Kook.

Mon meilleur ami m'avait regardé, ébahit. Je n'avais jamais refusé une sortie avec lui, ni même dénigré nos activités, au contraire, je sautais sur la moindre occasion pour partager des instants où nous ne serions que tous les deux.

Mais les choses avaient changé. Je n'étais plus le même.


— Comment tu te sens, aujourd'hui ?

Je haussai les épaules en regardant les vagues percuter la jetée à travers la fenêtre.

— Taehyung...

— Hmm ?

— Tu n'es pas concentré.

Je soupirai.

— Je sais que ça ne te plaît pas d'être ici... mais si ta mère s'inquiète, donne-moi les clés pour lui assurer qu'il n'y a pas de quoi.

Je reportai mon regard morne sur mon thérapeute.

— Il n'y a rien.

Il croisa les jambes et fit cliquer son stylo.

— Très bien. Pas d'envie de mourir ?

Mon genou tressauta nerveusement.

— Non.

— De porter une robe ou de voler un peu de maquillage à ta sœur ?

Je laissai échapper un rire cynique en secouant la tête de gauche à droite.

— C'est terminé, tout ça. Ce n'était pas moi, c'était un autre garçon trop peu sûr de lui.

Le docteur Kim haussa un sourcil.

— Ah oui ?

— Oui.

— Alors... tu es à l'aise dans ce corps qui est là, devant moi ?

— Parfaitement.

— Et tu ne penses pas être une fille dans un corps de garçon ?

— Non. J'étais jaloux d'une fille qui sortait avec mon meilleur ami.

— Parce que tu as des sentiments pour lui ?

Je lui jetai un regard dédaigneux en croisant les bras et en relevant le menton.

— Non, parce qu'il passait tout son temps avec cette connasse peroxydée. J'voulais qu'on soit comme avant, rien qu'entre nous.

Kim Namjoon nota quelque chose sur son carnet, et je me penchai, les coudes sur les cuisses, en croisant les mains. S'il croyait qu'il m'impressionnait avec tous ses diplômes accrochés au mur et son cabinet ultra moderne qui avait vue direct sur la mer, il se foutait le doigt dans l'œil.

— Très bien, dans ce cas, on se revoit la semaine prochaine.

— Mais j-

— Tu es mineur, Taehyung. Vois ça avec ta mère si ça ne te convient pas.

Il se leva et je l'imitai, cherchant à imposer ma carrure aussi frêle qu'il y a quelques mois. Il me tendit sa main que j'ignorai, avant de récupérer ma veste sur le dossier de la chaise et de partir en coup de vent.

Du fard sur les yeuxWhere stories live. Discover now