67 - L'envol des flammes

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– Après cette rue, on tournera à droite, soupira la jeune femme. Les rues d'Anyör sont un véritable dédale quand on ne les connait pas...

 Comme la première fois qu'elle avait mis les pieds à Anyör, Yuling releva les yeux sur les façades multicolores. Elle était toujours surprise d'un tel mélange de couleurs. Les rues pavées et les étales colorés révélaient la richesse d'une ville qui se voulait marchande, même si le résonnement des marteaux sur l'enclume, trois rues plus loin, rappelaient qu'elle était avant tout le siège des alchimistes.

 – Regardez là, leur indiqua Dame Calwaën en pointant du doigt le Cilarium qui dépassait au dessus du toit des maisons.

 – On l'a visité la dernière fois, tu te souviens ? réagit Ewa.

 Yuling laissa échapper un petit rire.

 – Oui, je m'en souviens. Je me souviens surtout du nombre de marches. J'ai l'impression que c'était il y a une éternité...

 Il s'était passé tant de choses ces dernières semaines que les souvenirs de sa vie d'avant s'estompaient petit à petit, comme si cette nouvelle vie lui avait permis de tourner définitivement la page. En voyant Stream qui suivait Ewa sur les talons, elle jeta un œil au baluchon duquel sa dragonne observait les rues d'Anyör.

 – Il faudrait peut-être mieux qu'elle reste sous les couvertures, l'informa Dame Calwaën en revenant vers elle. Qui sait comment les gens réagiraient en voyant un dragon blanc.

 – Mais Stream peut bien gambader, elle. Un dragon doré, ce n'est pas courant non plus !

 La jeune femme parut surprise, mais se reprit rapidement.

 – Je comprends, mais ce n'est pas la même chose. Le dragon blanc...

 Elle ne termina pas sa phrase. Ewa lui jeta un coup d'œil. Yuling se mordit la lèvre et d'une pensée bienveillante, fit comprendre à Fei qu'il était préférable qu'elle reste au chaud.

 La rue déboucha sur une artère beaucoup plus large et bruyante où le son des marteaux retentit de toute part : elles venaient de bifurquer dans l'allée des forgerons. Le premier, celui dont la forge se trouvait à l'intersection même de la rue qu'elles venaient de quitter, releva la tête en remarquant la dragonne d'Ewa. Il faut dire que Stream passait difficilement inaperçue avec sa petite tête inoffensive, sa queue aussi longue qu'une créature aquatique et ses écailles brillantes comme un fragment de soleil. Elle ressemblait à un trésor de monarque, du genre de ceux qu'on enfermait soigneusement à double tour au fond d'un château oublié. En notant la convoitise dans le regard de l'artisan, Yuling donna raison à la jeune femme : elles avaient bien fait de dissimuler Fei.

 – On va acheter des armes ? demanda Ewa, curieuse.

 Dame Calwaën lâcha un petit rire.

 – Non, pas aujourd'hui, même si j'aimerais bien... Non, on va vous acheter des tenues. On va dire que votre dernier entraînement sous la pluie m'a quelque peu ouvert les yeux.

 – De nouvelles tenues ?

 La question resta coincée dans sa gorge, une lueur de panique traversa son regard : elle n'avait pas d'argent. Elle était partie de chez elle sans rien et...

 – Je vais vous acheter des tenues, rectifia la jeune femme amusée.

 L'odeur de terre humide de la rue se chargea petit à petit d'effluves plus âpres, et bientôt, des vapeurs chimiques aux teintes douteuses stagnèrent entre les ateliers. S'ajoutait à cela la chaleur environnante des forges qui tournaient à plein régime. L'air devenait irrespirable, suffoquant. Instinctivement, Yuling se rapprocha de Dame Calwaën.

Dragons - Le souffle des âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant