IX- UNO DOS TRES

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  tahlia may johnson
  Je suis complètement perdue. Vraiment perdue. Je viens de sortir de la partie, il est presque quatre heures du matin et Angelina est assise, à moitié endormie, contre le mur d'en face. Quand les autres sortent à leurs tours, ça fait plus de bruit ce qui la réveille. Mon visage reste totalement neutre, aucun signe affectif, aucune faiblesse. C'est ce qu'on m'a toujours appris. Elle a dû hériter elle aussi de cet enseignement car sans un regard à mon égard, elle rejoint Fred à ma gauche que je n'avais pas remarqué. En l'observant de plus prêt, je remarque ses yeux bouffis et une plaque de stress dans son cou. Est-ce qu'en restant en retrait depuis hier soir je l'aurai blessé alors que j'ai fait ça pour l'aider avec son petit ami ? J'en ai bien peur. De toute façon, est-ce que j'ai un jour été douée en relations humaines ? Au premier abord j'aimerai dire non mais cette époque en primaire avec les moldus où j'avais mes propres amis et que je parlais à tout le monde me revient. J'adorais cette vie, elle paraissait tellement plus simple. Je riais beaucoup et je souriais beaucoup également. Je crois que j'étais heureuse, j'avais cette légèreté en moi que je vois souvent décrite dans mes livres. Qu'est-ce qui a fait que j'ai perdu cette part de moi ? Que je suis devenue l'étrange et malheureuse petite Tahlia ? Je n'en ai pas la moindre idée. Peut-être que c'était simplement en moi mais que ça attendait le bon moment pour sortir ? Je me le demande sincèrement. En Suisse, on m'a parlé d'un élément déclencheur, on m'a demandé ce que c'était à chacune de mes séances. Pour une fois dans ma vie, j'ai toujours dit la vérité, j'ai toujours dit que je ne comprenais pas moi-même. Ce n'est pas faute d'avoir essayé pourtant. On m'a lancé des sorts, j'ai utilisé la pensine mais rien n'a jamais révélé pourquoi j'avais cette drôle de colère en moi en permanence. En Suisse, n'ayant pas réussi à me guérir, comme dirait mon père, ils ont essayé de m'apprendre à la contrôler mais la vérité c'est que je n'étais pas prête à quitter mon école. J'aurai dû y rester mais ce jour de printemps où j'ai lu la lettre de ma sœur qui me racontait sa « journée parfaite » dans sa vie parfaite à Poudlard avec ses « merveilleux amis » alors que moi j'étais dans un endroit que je détestais entourée de gens que je haïssais, j'ai tout fait depuis pour vivre la même chose. J'ai commencé à être plus sage en classe, plus polie avec mes tutrices. Je réussissais à me calmer, je ne faisais plus de crises ni de fugues. Là bas, ils ont tous trouvé cela miraculeux mais quand on fait ça quelques heures par jours pendant un mois, seulement les moments où l'on est pas seul, c'est si facile. Tenir ce rôle, cette attitude, en permanence c'est presque impossible. Mais je n'ai pas le choix car à Poudlard, vous êtes toujours surveillé, il y a toujours des yeux pour vous observer. C'est bien ça le problème. Parfois (souvent) il me faut donc un endroit calme, un endroit sans pression, un endroit où je suis seule mais sans me sentir seule pour autant. Parfois (souvent) il faut donc que je disparaisse et aujourd'hui encore car une seule journée ce n'était pas suffisant. Où pourrais-je aller ? Je n'ai pas encore décidé.
  – Qu'est-ce que tu fais de beau Tahlia ? me demande Steven qui sort de la salle à son tour
  – Je comptais dormir mais je parie que tu as une idée bien plus intéressante...
  Il hoche la tête et me fait signe de le suivre. Ensemble, nous arrivons jusqu'à la salle commune des Serpentard où la plupart des participants du tournois et leurs amis sont installés, à boire et discuter.

  Plus on avance dans la nuit et moins il ne reste de personnes dans les fauteuils. L'ambiance est calme mais pas très détendue. En effet, la fatigue, le stress et l'alcool, ça vous monte à la tête.
  – Tu tiens à te réveiller en un seul morceau demain, Flitterman ? murmure Parkinson
  Ce dernier lui souffle la fumée de sa cigarette au visage tout en souriant. Après un énième regard assassin de la brune, il ajoute :
  – Qu'est-ce qu'une pauvre et petite fille comme toi pourrait bien me faire ?
  Je ne pense pas qu'il soit conscient de ce qu'il vient de déclencher car avant même qu'il ne puisse ricaner, le poing de Pansy se retrouve collé à son visage. Suite à ça, elle s'éloigne de quelques pas et quand lui veut pour se lever, je tends ma jambe ce qui le fait trébucher.
  – Tu t'es sentie pousser des ailes ? me crache-t-il au visage
  – Non juste des couilles, tu sais ce truc que tu n'as pas.
  – Tahlia, arrête, me souffle Steven.
  – Tu ferais mieux de l'écouter tu sais, ça me paraît plus sûr.
  C'est à mon tour de rire. Face à lui, je fais comme si je n'avais absolument pas peur de ce qu'il pourrait me faire alors qu'en réalité je suis terrifiée, pétrifiée et je n'ose plus bouger. J'espère que ça ne se sent pas mais en vue du sourire qui naît sur ses lèvres, je ne dois pas être une si bonne actrice aujourd'hui.
  – Tu trembles beaucoup pour quelqu'un de courageux, me fait-il remarquer.
  Je reste droite devant lui, sans qu'aucun mot ne sorte de ma bouche. D'une main, il attrape le col de mon pull et de l'autre il me frappe.
  Une fois.
  Deux fois.
  Et la troisième je ne m'en souviens plus.

  Je me réveille dans un lit que je ne connais pas, dans un lieu que je ne reconnais pas. Mes yeux sont à moitié fermés donc ça n'aide pas.
  – Tu es à l'infirmerie, m'informe la voix de ma sœur.
  Je tourne lentement la tête de son côté et la vois assise sur chaise et emmitouflée dans une couverture. Mon nez me gratte alors quand je veux me soulager, mon bras me semble étrangement lourd. En effet, un plâtre l'habille. Je croyais que les sorciers pouvaient ressouder des os en moins de deux ? Comme si la télépathie entre jumelles fonctionnait, Angelina me dit :
  – Mrs. Pomfresh ne pouvait pas s'occuper de ton os tant que tu n'étais pas réveillée alors, en attendant, elle t'as mis un plâtre pour que tu n'agraves pas ton cas en bougeant pendant que tu dormais. Elle est partie se reposer un peu, elle devrait revenir d'ici une petite heure d'après ce qu'elle m'a dit.
  Je peine à hocher la tête mais je finis quand même par y arriver. Je ne comprends pas comment se fait-il que j'ai si mal alors que ce crétin ne m'avait frappé qu'au visage. Ou peut-être que je ne me souviens simplement pas de la suite.
  – Comment tu te sens ? me demande-t-elle
  – J'ai mal.
  – Eh bien c'est bien fait pour toi.
  – Pardon ?
  – Tu m'as très bien entendue, tu mérites ce qui t'es arrivée Tahlia.
  – Ne me dis pas que tu m'en veux à ce point parce que j'ai embrassé Fred ?
  – Il n'y a pas que ça. Tu n'es qu'une idiote égocentrique qui n'a jamais pensé à sa famille et qui tout d'un coup à décidé de voler la vie de sa sœur jumelle.
  – Donc tu ne voulais pas que je te rejoigne à Poudlard ?
  – Bien sûr que si ! Ça, ça m'a rendue tellement heureuse mais je me suis rendue compte que tu l'as fait par simple jalousie, pas pour être avec moi.
  – MAIS COMMENT VOULAIS-TU QUE JE NE SOIS PAS JALOUSE ?! Tu avais tout alors que moi je n'avais rien.
  – C'est toi qui en a décidé ainsi.
  – Pas du tout ! Je n'ai jamais voulu être comme je suis. Et je ne le souhaite à personne parce que c'est horrible d'avoir cette voix dans sa tête en permanence qui te rabaisse et qui prend le contrôle parfois. Elle te fait faire des choses affreuses pendant que tu es rejetée au rang de spectatrice sans aucun pouvoir. Elle me suit partout. CETTE PUTAIN DE COLERE ME SUIT PARTOUT !
  Mon visage est baigné de larmes et celui d'Angelina aussi pourtant, tout ce qu'elle trouve à me dire c'est :
  – Alors essaie d'arranger les choses. Ce n'est pas parce qu'au début tu es impuissante que ensuite aussi. Tu es toujours partie du principe que tu ne pouvais rien y faire mais as-tu seulement essayé ?
  Je la regarde, les yeux grands, totalement outrée par ces propos.
  – Si tu savais tout ce que j'ai fait...
  – Tout ce que tu sais faire c'est disparaître. Tu fuis la réalité. Tu crois valoir mieux que celui qui t'a frappé hier ? Tu ne lui arrives pas à la cheville. Tu es folle. Et même si pour l'instant Fred t'idéalise, il finira par s'en rendre compte. Il comprendra que c'est moi la femme de sa vie. Il est amoureux de moi. Pas de toi.
  Sur ce, elle se lève et se dirige vers la sortie. Je n'aurais jamais cru entendre des atrocités pareilles sortir de la bouche de ma personne préférée sur Terre. Les gens portent peut-être tous un masque finalement.
  Quand je me débats avec mes couvertures pour mieux m'installer, je vois une enveloppe sur la table de chevet. Dessus il est écrit mon prénom dans une écriture que je reconnais facilement. Fred m'a écrit. Je m'apprête à lire la lettre mais finalement, je me ravise et la jette dans la corbeille.
  – Je ne veux pas de ta pitié Weasley, je me dis à moi-même.
  Au fond, Angelina a raison, c'est moi qui me fait être toute seule à chaque fois. Je rejette le monde.
  – Mais voyons Tahlia, tu n'es pas seule, me murmure Lou dans ma tête.
  Parce que oui, elle existe.

Ça reste en famille - fred weasleyWhere stories live. Discover now