Chapitre 5 - Orianne

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Chapitre 5 — Orianne

Les tremblements de terre sur les îles volantes surviennent lorsqu'un fragment se détache.
Il faut alors prier pour qu'il ne soit pas habité.

Ce matin, l'aire d'entraînement du palais est déserte. Seules mes sœurs et moi nous exerçons, surplombées de la muraille couverte de lierre qui entoure tout Cressila. Le ciel est bleu, ponctué de nuages et de morceaux d'île errant inlassablement. Quant au castel : sa pierre beige et ses toits d'acier peint à demi-croupe resplendissent au soleil.

Vega tourne autour de moi, son jeu de pieds aussi irréprochable que d'habitude. Elle ne me lâche pas des yeux. Son épée fend l'air à quelques centimètres de mon torse, me dissuadant d'approcher. Je peine à trouver le meilleur angle : ma sœur est une adversaire de taille.

De son côté, Saiph se contente d'aiguiser sa lame. Elle n'est pas intéressée par notre affrontement. Après tout, c'est notre sixième joute de la matinée.

J'attaque rapidement, au moment où Vega s'y attend le moins. Elle pare mon coup à la dernière seconde, un sourire carnassier au visage.

— C'était un peu faiblard, non ? Tu commences à être fatiguée, ma sœur ? demande-t-elle avec autant d'arrogance dont il est possible de faire preuve.

— Tu es juste frustrée que j'aie gagné la majorité de nos duels.

— Tu parles ! grogne Vega entre ses dents, le souffle court. Tu sais bien que je te ménage !

Je redouble d'ardeur, faisant pleuvoir les coups sur elle dans l'espoir de l'épuiser. Nous tournoyons, parons et bloquons dans une danse endiablée pendant ce qui me paraît être une éternité, mais aucune de nous ne faillit.

— Ça devient ridicule, les filles, soupire Saiph. On aurait dû terminer notre entraînement il y a une heure.

Nous l'ignorons toutes les deux, trop absorbées par notre combat. J'esquive une attaque de Vega de justesse, m'écartant vers la gauche.

— Vous n'avez pas envie de déjeuner ? Si ça continue comme ça, on n'aura pas le temps. On ne peut pas se permettre de manquer une autre leçon de dame Katharina.

Dame Katharina peut aller se faire voir avec ses sourires charmeurs et ses robes à froufrou à la con, persifle Vega dans un souffle.

Je souris.

— Elle ne serait pas très heureuse d'entendre cela, lance soudain une voix familière, interrompant notre discussion.

Je jette un œil à Markus. Il vient de se poster près de Saiph, mais je ne me laisse pas déconcentrer pour autant. Je sais très bien que Vega ne s'arrêtera pas tant que notre oncle ne l'aura pas spécifiquement demandé. Nous continuons alors, prenant le dessus l'une sur l'autre à tour de rôle. D'abord, Vega mène. Puis c'est moi. Elle encore. Je m'élance. Elle pare. Elle attaque. Je bloque. Jusqu'à ce que le prince ouvre la bouche à nouveau.

— Vous êtes convoquées par le roi. Laissez tomber la leçon pour aujourd'hui. Allez-vous changer et attendez-nous dans le temple.

Nous ?

Vega et moi hochons la tête et nous arrêtons d'un commun accord, nos lames collées l'une à l'autre. À bout de souffle, nous échangeons un regard avec Saiph. Elle semble aussi intriguée que nous.

Markus n'a pas l'ombre d'un sourire sur le visage.

Nerveuse, j'époussette mes gants et m'assure que le col de ma combinaison épouse les formes de mon cou. La dernière fois que nous avons toutes les trois été convoquées par le roi, nous avons passé un sale quart d'heure. Père avait découvert que nous nous moquions de dame Katharina lors de ses leçons et il ne s'était pas gêné pour le révéler à Iloan, qui nous avait sermonnées. C'était il y a huit ans et j'en garde un souvenir très précis.

La Traverse-RêvesWhere stories live. Discover now