13] La Danse des flammes

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A15 a obéit. Comme une gentille petite esclave, elle a finit son repas, s'est lavée les dents et s'est habillée avec comme Adèle le lui avait demandé. C'est la première fois de sa vie qu'elle porte un soutien-gorge et elle trouve cela particulièrement désagréable. La dentelle la gratte et elle trouve ça étrange la manière dont sa poitrine est remontée. Ses seins paraissent encore plus gros, et semblent tenir tout droit comme par magie. Elle ne se reconnaît pas.
De même, la robe lui paraît tout sauf naturelle sur elle. Avec ces fleurs colorées, alors même qu'elle n'a jamais vu de fleurs autrement qu'en dessins ou photos, A15 réalise peu à peu à quel point sa vie a tout à fait changé. Les combinaisons grises sont derrière elle, mais est ce pour le mieux ou le pire?

Les escarpins sont ce qui la déstabilisent le plus, dans tous les sens du terme. Elle se tient au mur pour aller jusqu'à la porte sans tomber tant elle a l'impression de marcher sur un fil.
Elle frappe.

Aussitôt, la porte s'ouvre et Adèle apparaît. Elle la regarde, visiblement satisfaite.

-Bien. Suis-moi.

Elle va donc sortir de cette chambre! Mais pour aller où?

A15 découvre un long corridor de bois sombre, bien différent des couloirs en bétons de l'Usine. Ici, le parquet grince quand on y marche, et les lumières sont chaudes.
Elle suit Adèle, en gardant toujours une main le long du mur au papier peint ancien, pour ne pas se briser une cheville.

Elles descendent un escalier magistral également en bois, surplombé d'une immense fenêtre condamnée, et cette fois, A15 se cramponne prudemment au garde corps. Ses pieds lui font déjà mal et elle se demande bien l'intérêt de ce genre de chaussures. Ce n'est ni pratique, ni confortable, et elle se dit que c'est aussi laid que de marcher avec un balais dans le...

Adèle coupe court à ses pensées lorsqu'elle se tourne vers elle:

-Voici le salon.

La pièce est chaleureuse et son odeur ancienne. Un feu crépite dans la cheminée, un grand tapis décore le sol et des fauteuils rouges y trônent. De longs rideaux tombent devant ce qu'elle imagine être des fenêtres. Sont-elles condamnées elles aussi?

A15 reste bouche bée. Dans les livres et son imaginaire, c'était exactement ce qu'elle imaginait en pensant à une maison. Ne manque que les membres d'une famille et un sapin de noël...

-Je te laisse.

La jeune femme n'a pas le temps de comprendre ce qui se passe qu'Adèle disparaît aussi dans un couloir.
A15 reste sur place, s'interrogeant, puis décide de s'approcher du feu.
Sa robe est légère, et la maison est grande, il fait froid. C'est la première fois qu'elle voit du feu, l'entend, sent son odeur, ressent sa chaleur.
Elle s'approche encore, la douceur des flammes vient chatouiller ses tibias. Émue, elle se laisse tomber à genoux devant la cheminée, apaisant enfin ses pieds.
Elle est hypnotisée par le feu qui danse, sa musique, sa poésie. Incapable de les retenir, les larmes lui montent aux yeux, et elle se murmure à elle même que jamais elle n'avait vu une chose aussi magnifique.

Elle tend doucement les doigts, sent que la chaleur devient brûlante, douloureuse, mais elle veut savoir, elle a besoin de connaître ces sensations que jamais elle n'a pu ne serait ce qu'envisager.

Soudain, une voix qu'elle connaît déjà bien l'arrête:

-Ne te brûle pas.

A15 reconnaît immédiatement ce timbre, ce son. Mais elle ne peut y croire.
Très lentement, elle tourne son visage, et alors, bouche bée, elle découvre Lui, debout dans l'embrasure de la porte. Il sourit, puis dit doucement:

-Je savais que le feu te plairait... J'ai demandé à Adèle de l'allumer pour toi.

Celle qui n'a pas de nomWhere stories live. Discover now