Chapitre 3 : Dernières vacances après le lycée 1/3

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On l'avait fait, on avait passé notre bac, on était presque tous confiants pour les résultats. Et puis les cours s'étaient finis... Je n'avais plus à voir Noah tous les jours. Louise était partie avec Clément chez ses grands-parents. Matthieu était quelque part dans le Sud. Benji en Espagne avec ses frères. Et ma petite sœur Sacha passait la semaine chez notre grand-mère.

Nous ne partions pas en vacances, et nous avions bien fait. Car, la deuxième semaine, Fabrice le chien, mon ami fidèle depuis dix ans, s'écroula de fatigue en rentrant d'une promenade et fut incapable de se relever. En panique, maman et moi l'avons emmené chez le vétérinaire. Mais notre compagnon était arrivé au bout de sa route...

Nous avons tellement pleuré ce jour-là.

Dans la voiture, sur le parking de la clinique, maman tenait la laisse qui ne servait plus à rien entre ses mains quand son téléphone sonna. C'était son patron qui avait besoin d'elle au magasin. J'avais insisté pour qu'elle y aille, lui assurant que rentrer en bus ne me dérangeait pas. Et j'étais partie rejoindre l'arrêt alors qu'il commençait à pleuvoir. Comme si le ciel ne voulait pas me voir pleurer et qu'il envoyait la pluie pour masquer mes larmes.

J'étais là depuis presque une demi-heure, seule et pathétique, quand une voiture s'arrêta devant moi. Noah en sortit et courut sous la pluie battante pour me rejoindre.


— Hey, Chicot !

— Pas aujourd'hui, Noah, dis-je en reniflant.


Je ne voulais pas qu'il me voit comme ça, c'était lui donner les armes pour me battre. Et pourtant, il n'en fit rien. Il vint s'asseoir sur le banc à côté de moi avec ses cheveux dégoulinants et ses baskets détrempées. Il enfonça ses mains dans ses poches avant de parler à nouveau, la voix posée et douce.


— Je te dépose ?


Je levai les yeux vers lui, surprise. Il était sérieux, il n'avait pas ce regard malicieux qui prévenait qu'il préparait un mauvais coup.

Dans la voiture, mes larmes n'étaient plus camouflées par la pluie. Noah attendit quelques minutes avant de me demander gentiment ce que j'avais.


— Tu veux m'en parler ? Parce que, je sais écouter tu sais, je suis pas juste un « gros con prétentieux et insupportable ».


Il citait les derniers mots que je lui avais balancé quelques jours plus tôt, je ne savais même plus pourquoi.


— Je sors de chez le vétérinaire, Fabrice est parti...


Ma voix se brisa sur le dernier mot. Je sentais mon menton trembler alors que j'essayais de retenir mes larmes.


— Tu vas dire que ce n'était qu'un chien mais...

— Je comprends, tu sais. Mes parents ont adopté un chaton après ma naissance pour que j'ai un ami, tu vois, toute ma vie. Mais ils ne vivent pas si longtemps... Pas toute la vie en tout cas. Il est mort l'année dernière...


Je regardais Noah qui conduisait, l'air concentré. Et j'avais l'impression de ne pas connaître ce garçon qui se montrait gentil avec moi. Je l'observais avec un regard nouveau. Il avait les cheveux en vrac, bruns presque noirs, ils fonçaient avec le temps. On aurait dit qu'il venait de se réveiller d'une nuit difficile mais en fait ses cheveux ressemblaient toujours à ça. J'aimais bien, ça allait avec son caractère. Il avait attendu d'avoir 18 ans pour voir pousser une vraie barbe. Elle créait un contraste sombre sur le bas de son visage et faisait ressortir la petite pointe de doré dans ses yeux marron. Il était plutôt beau en fait... Je le préférais quand il se rasait ou quand sa barbe n'avait pas plus de deux ou trois jours. Là, il faisait plus vieux, plus sérieux aussi. Ce n'était pas cohérent. Noah était le genre de mec qui prend tout à la déconnade, un boute-en-train qui fait rire les autres. Il s'amusait de tout. Et, même s'il adorait m'embêter, je lui rendais bien... et il n'était jamais méchant. Je l'avais vu défendre Julie Marais à l'école, quand des petites brutes mal élevées l'avait coincée sous le préau pour se moquer d'elle parce qu'elle était un peu boulotte. Il avait une âme chevaleresque. J'étais presque la seule à connaître son côté sombre, la seule à le faire sortir de ses gonds.

Je n'étais pas si chiante, en vrai, moi non plus... Mais lui, il avait un pouvoir étrange sur moi. Le don de m'énerver comme personne !

Sauf aujourd'hui.

Je le détaillais et, quand il se tourna vers moi parce qu'on était garés dans notre rue, je détournai le regard, comme s'il m'avait surprise à faire quelque chose d'interdit. Je m'étais sentie rougir.


— Ça va aller ?


J'avais pivoté sur mon siège, et sans vraiment m'en rendre compte, je lui faisais face. Il avait posé son bras sur le haut de son siège, en attendant ma réponse. Mais pour ne pas affronter son regard, je détaillais l'habitacle de sa voiture. Je souriais même en voyant son sac de cours renversé sur le siège arrière. Par terre, derrière lui, il y avait un de ces paquets de gâteaux qu'il aimait tant même s'il n'était pas capable de prononcer leur nom. Je me souvenais du fou-rire qu'il avait provoqué alors qu'il répétait « spritz » la bouche pleine. Le lycée était fini et une pensée me vint sans que je puisse comprendre pourquoi elle me rendait triste. Quand nous reverrions nous maintenant ?


— Oui, ça va aller, mentis-je sans jamais le regarder.


Je sortis rapidement de la voiture comme si je craignais qu'il ne lise dans mes pensées. Et au moment de passer le portail, je vis la petite plaque que ma mère avait accroché au portail en réponse aux craintes de la mère de Noah. « Attention, chien gentil ! » Et mes larmes revinrent, moins violentes mais douloureuses quand-même. Je ne voulais pas me retourner vers lui et qu'il me voit vulnérable même quand je l'entendis claquer sa portière et marcher jusqu'à moi.


— Hey, Dany, j'ai téléchargé un film cool hier, tu veux le voir ?


C'était la première fois qu'il m'appelait Dany. Et c'était assez étrange pour me pousser à le regarder. Il tourna la tête vers sa maison de l'autre côté de la rue avant que nos yeux ne se croisent et ses mains jouaient avec ses clés de voiture. Je rendais Noah nerveux ? Dans quel monde parallèle étions nous au juste ? Je regardais sa maison aussi, hésitante. C'était la première fois qu'il était si gentil. La première fois que l'idée de passer du temps avec lui ne me donnait pas envie de m'enfuir en courant.

À la question :« qu'est-ce que je ferais si Noah était le dernier garçon sur terre ? », j'aurais rigolé devant nos amis avant de sortir une vacherie mi-drôle mi-agressive. Mais nos amis n'étaient pas là.

Ce soir, la réponse était : je regarderais un film avec lui.

Même pas en rêve #1 (à nouveau disponible)Where stories live. Discover now