𝙿𝚁𝙾𝙻𝙾𝙶𝚄𝙴

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𝖘𝖙𝖆𝖓

Paris, France.
Juin 2008.

—  Je sais pas si c'est vraiment le chemin que tu souhaitais que je prenne. J'imagine que non...murmuré-je contre la tombe de mon père.

Les cieux parisiens, en plein zénith de juin, dérobent leurs faveurs à l'horloge céleste.

Les nuages s'étirent en teintes de gris, se mêlant à l'atmosphère du jour. Les humeurs du ciel se reflètent dans le miroir des rues parisiennes, insufflant à la ville une sorte de mélancolie.

Tout est si sombre, jusqu'à en devenir nous-mêmes taciturnes.

— Qui voudrait d'un fils qui est chef de gang de quartiers ? Un fils qui est constamment dans l'illégalité, et qui ment à sa mère ? Tu serais mort d'inquiétude.

Comme toujours.

Mon père a perpétuellement cherché à me préserver de cet univers âpre, de ces factions urbaines. Dans mon enfance, notre domicile était niché au cœur même de l'une de ces contrées, un lieu où la quiétude était rare. Ma mère, pour sa part, ne pouvait même pas s'aventurer paisiblement pour faire les courses. La raison en était bien simple : la menace constante qu'un individu dénué de discernement fît peser sur elle, brandissant son arme avec l'intention de dérober le maigre pécule dont nous disposions.

Ma mère est toujours dans une sacrée merde financière.

—   Moi aussi, à vrai dire je le suis. Je suis inquiet pour moi. J'ai peur de crever à cause de ces putains de Riptide et leurs factions autour de Wilmington. Et je suis inquiet pour ceux qui pensent que je leur accorde une entière sécurité. Ceux qui me font confiance.

Je ne me fais même pas confiance.

Ce monde est trop risqué. Mais je crois bien que le fil de mon destin est tissé au sein de ce tourbillon tumultueux.

—   Je suis pas prêt d'assumer ce genre de responsabilité. Stanley Willay...chef des Santos...tout le monde le dit. Sauf moi. Alors officiellement, les Santos n'ont même pas de chef...ça craint, rouspété-je. Puis ça depuis plusieurs années, de ton vivant, t'en savais rien.

Je m'incline devant la sépulture où repose le nom de mon père, et délicatement, j'appose mon front contre la pierre tombale.

Stetson Willay.
1944-2006.
62 ans.

Rest In Peace.

Stetson Willay...S.W.

C'est mon tatouage sous l'œil.

— Ah. Papa. Tu nous as laissé avec maman quand on avait le plus besoin de toi. Foutue overdose.

Le soir de Noël...une soirée teintée d'une morosité particulière. Elle s'est inscrite comme une marque indélébile dans mes souvenirs. Ma mère préparait le repas quand je revenais de Wilmington. Les pièces de la maison, à la recherche de mon père, ont résonné de mes pas inquiets.

Dans le lit gisait son corps, plongé dans l'inconscience. Les signes de l'héroïne se dessinaient trop clairement. Un acte délibéré, une chute dans l'abîme par inadvertance ? Une question sans réponse.

Le 24 et le 25 décembre 2006, marqueront à jamais les pires jours de ma vie. Mon père, si on camoufle sa sombre dépendance, restera mon modèle, inébranlable, protecteur, et un putain de guerrier, mais sauvagement brisé par un adversaire invisible.

— Tu me manques. Tu nous manques.

Je presse mes lèvres avec tendresse contre ce morceau de granit, puis je dépose ma rose éphémère sur le sol, conscient qu'elle sera vouée à la décrépitude dans de deux jours à peine.

UNDERHANDWhere stories live. Discover now