Pêle-mêle d'idées SKZ

jh.908

« - Ils ne comprennent rien ! »

Hors de lui, Hyunjin déchira le torchon qui ne méritait même pas le nom de journal, les mains tremblantes de rage :

« - De quel droit- comment ce type ose-t-il ? Comment- il ne connaît rien à l'art ! »

Trop rapidement, les feuilles de papier ne furent que des morceaux épars dans ses mains. Toujours dévoré par la colère, il piétina ces restes avant d'envoyer valser ses pots de pinceaux et ses palettes à grands revers de main :

« - Quel- quel odieux personnage ! Comment ose-t-il ? »

Haletant, fumant de rage, il resta debout au milieu de son atelier, les poings serrés. Ses cheveux trop longs retombaient devant son visage et il ferma les yeux pour essayer de se canaliser.

« - Je-

- Silence ! Laisse-moi ! hurla-t-il en se retournant. »

Hyunjin sentit toute sa colère disparaître quand il aperçut le visage blessé de Jisung, qui déposa le plateau qu'il avait en main sur un guéridon avec un sourire crispé et faux :

« - Je suis désolé. Veuillez m'excuser.

- Jisung- attends ! »

Le plus jeune s'immobilisa, prêt à quitter l'atelier, et Hyunjin inspira profondément avant de s'avancer vers lui :

« - Pardonne-moi. Je sais à quel point tu n'aimes pas quand je hausse la voix.

- Ce n'est rien, répondit Jisung d'une voix bien trop neutre. Je n'aurais pas dû vous déranger.

- Non, s'il te plaît, Hyunjin se passa une main frustrée sur le visage. Je... Il a écrit que je peignais comme un homme aveugle ! Et il a même ajouté qu'il ne comprenait pas ce que les hommes de goût pouvaient voir dans mes peintures, que ce n'étaient que de pâles copies des plus médiocres peintres qui m'ont précédé et- et... Que je n'ai aucun avenir... »

Le désespoir de ses intonations fit se retourner Jisung. Celui-ci étudia un instant le désordre mis dans l'atelier avant de se concentrer sur le peintre, les sourcils froncés :

« - Pourquoi accorder votre attention à ce journaliste ? Normalement vous ignorez les critiques négatives.

- C'est... Il déglutit difficilement. C'est Oh. Il a écrit ça. »

Jisung ouvrit de grands yeux :

« - Oh ? Comme... Comme Oh Minbeon ? Votre... Votre ami ?

- Oui, Hyunjin se voûta sur lui-même, il m'avait affirmé qu'il écrirait un article élogieux sur mes œuvres après mon triomphe mais... Ce n'était qu'une machination pour gagner ma confiance et venger Kim Bokjoon tout en me rabaissant dans le journal le plus lu et apprécié des élites cultivées.

- Kim... Bokjoon ? Son amant, comprit enfin le plus jeune, avant de s'emporter avec une moue. Mais ce n'est quand même pas votre faute si vos toiles ont reçu une récompense de l'Académie et pas les siennes ! Il- il n'avait qu'à mieux peindre, il croisa les bras, boudeur. »

Un pauvre sourire se peignit sur le visage de Hyunjin, qui baissa les yeux :

« - Je lui avais accordé ma confiance, je... Je l'avais invité chez moi, dans mon atelier, il... Il t'avait rencontré et- il m'a poignardé dans le dos. »

Il inspira profondément avant de se tourner pour regarder des toiles entreposées dans un coin bien précis de l'atelier, amer :

« - Heureusement qu'il n'a pas vu ces toiles... Je ne l'aurais pas supporté. »

Il n'eut même pas besoin de regarder Jisung pour savoir que celui-ci était rouge jusqu'aux oreilles. Ces toiles étaient ce que le peintre avait de plus précieux, celles qu'il refusait de montrer à quiconque, y compris au concerné, puisque c'était bien son domestique qui y était représenté.

Hyunjin ne savait même plus comment tout cela avait commencé. Enfin si, il le savait, mais il refusait d'y penser. Il refusait d'admettre qu'il s'était mal comporté avec Jisung jusqu'à ce qu'un soir il entre sans prévenir dans sa petite chambre et l'aperçoive occupé à faire sa toilette. Ses jambes fines, ses épaules et ses bras musclés par le dur labeur, et sa taille minuscule, tout l'avait ébloui. Ce ne fut qu'une question de jour avant qu'il ne lui demande de poser pour lui. Et si le plus jeune s'était montré réticent, il avait fini par réaliser que jamais le peintre ne lâcherait l'affaire. Il avait donc accepté. Et les sentiments de Hyunjin s'étaient embrouillés, en même temps que les toiles qu'il peignait évoluaient, passant de simples portraits à des toiles plus... Intimes. Ce n'était quand même pas sa faute si Jisung était bien plus beau et fascinant lorsqu'il était dévêtu !

« - Je devrais... Ranger l'atelier. »

La voix du plus jeune le sortit de ses pensées. Silencieux, le peintre l'observa quelques instants ramasser les débris des pots à pinceaux avant de trouver ses mots :

« - Pose pour moi. Ce soir. »

Jisung se tourna vers lui, les yeux écarquillés, et il eut un hochement de tête hésitant :

« - Bien sûr... »

Et Hyunjin sentit un poids s'enlever de ses épaules. Qu'importait si la séance de pose donnait lieu à des paroles empreintes de gêne, par des regards un peu plus insistants que la normale pour la peau qui s'offrait à ses yeux, par des mots qui se bousculaient sur ses lèvres et qu'il devait retenir pour ne pas effrayer Jisung. Il profiterait au moins de la beauté et de la candeur de son domestique, qui en retour le dévorait du regard en savourant l'attention qui lui était portée. Et qui sait, peut-être qu'il trouverait le courage de faire plus que de l'admirer...