L'Etincelle Bleue

2. Les flots

Anne l'observa, les yeux écarquillés, sans savoir comment réagir.

La fille aux cheveux roux au teintes d'or leva les yeux vers son chapeau et l'enleva, gênée.

- Désolée. Tu as peur? demanda-t-elle, une note de malice dans la voix.

La jeune fille observa la pirate un instant sans savoir quoi dire puis fit lentement un «non» hésitant de la tête.

- Tu es perdue?

Anne fit à nouveau un «non» de la tête en observant l'inconnue, les yeux ronds.

Celle-ci laissa un vide planer entre elles. Ce fut la jeune fille qui le brisa.

- Qui êtes-vous?

La pirate sembla amusée.

- Tutoie-moi. Et... tu as devant toi Mary Line, aussi surnommée la louve blanche.

Anne eut d'instinct un mouvement de recul. La célèbre Mary Line était une pirate aussi connue qu'exceptionnelle. En réalité, son surnom, la louve blanche, avait été confondu avec le véritable nom par lequel ses congénères pirates l'appelaient: patte blanche. Ils l'auraient surnommée ainsi car elle avait une manie à montrer patte blanche aux personnes qu'elle rencontrait, pour finalement se révéler être une louve affamée.

La jeune fille jeta un coup d'oeil méfiant à la dénommée Mary Line.

- Je connais l'origine de ton surnom.

La pirate sourit sans sembler s'en soucier.

- Voilà qui me semble très gentil. 

Anne rougit. Il était vrai que la rumeur selon laquelle cette femme ferait semblant d'être gentille pour ensuite se révéler être une traîtresse dotée de mauvaises intentions n'était qu'une rumeur, mais elle préférait se méfier malgré tout. 

Elle tenait à conserver une vie paisible sans entrer dans des problèmes.

- Et toi, tu t'appelles comment?

- Anne, marmonna la jeune fille.

Le sourire de Mary se dissipa lorsqu'elle sembla voir quelque chose derrière Anne.

Elle attrapa subitement le poignet de la jeune fille perdue et entraîna celle-ci derrière elle en marchant de plus en plus vite. Elle finit par presque commencer à courir.

- Tout va bien? s'inquiéta Anne, qui comprenait bien que ce n'était pas le cas.

Mary tourna un œil vers elle avant de mettre lentement un index devant sa bouche.

- Chut.

Son attitude malicieuse et détachée s'était estompée en même temps que sa bonne humeur.

Elles entrèrent dans la ville et s'enfoncèrent de plus en plus profondément dans les ruelles aussi étroites que sombres. Les habitants avaient déjà dû commencer à rentrer chez eux comme il le faisaient toujours à l'heure la plus chaude de la journée.

Alors qu'Anne allait regarder derrière elle, Mary l'en empêcha d'un signe sec de tête.

Soudain, la jeune fille vit la Sichérée, la rivière qui séparait la ville d'Irmès du petit village de Traci.

Mary se retourna, et, tout en empêchant Anne de se retourner, elle, lui fit signe de courir.

Celle-ci, sentant que quelque chose de terrible était en train de se passer, courut le plus vite possible. Ses chevilles lui faisaient mal.

Elle s'arrêta subitement devant la rivière, connue pour le fait qu'elle soit anormalement large, puis inspira un grand coup, et se jeta dedans.

L'eau imprégna ses habits, qui se firent de plus en plus lourds.

Ce fut à ce moment là qu'elle se souvint à quel point elle était une piètre nageuse.

Mue par la terreur pure, elle se débattit tant bien que mal contre le courant, dans une tentative désespérée pour regagner l'autre rive. Sa tête disparut un instant sous l'eau et elle utilisa toute son énergie pour se maintenir hors du liquide transparent.

Ses forces la quittaient.

De plus en plus fatiguée, les muscles ankylosés et ayant de plus en plus de mal à se maintenir hors de l'eau agitée, elle finit par abandonner sa lutte vaine et sombra dans le liquide transparent.

La dernière chose qu'elle vit avant de se faire emporter par les vagues fut le soleil de midi, qui commençait à se faire cacher par des nuages gris cotonneux.

- ANNE !

Ce serait la dernière chose qu'elle entendrait dans ce monde. La voix de Mary, et les contours flous de son magnifique visage.

Elle sombra dans les flots.