Six jours

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"Six jours"

Le jour se leva sur Port-Royal, rapprochant encore un peu plus la date du mariage entre Elizabeth Swann et James Norrington. Dans six jours Mlle Swann deviendrait Mme Norrington... Avec tout ce que cela impliquait.

Pensive, comme souvent, elle jeta un œil à son reflet dans le miroir. Curieusement elle avait l'impression de voir une femme qu'elle ne connaissait pas. Le reflet montrait une sublime jeune femme, rayonnante, heureuse, riche... Et emprisonnée. Son corset la serrait cruellement mais elle n'était pas sûre qu'il fût le seul responsable de cette désagréable sensation qui serrait sa poitrine.

Elle s'éloigna un peu du miroir et s'assit sur le rebord du lit. Elle devait réfléchir, comprendre ce qui n'allait pas, ce qui empêchait son bonheur...

"Quelles raisons peuvent bien rendre malheureuse une femme qui va se marier??"

Elle ne comprenait pas. Elle était en âge de se marier, la cérémonie allait être somptueuse, son père était ravi et son fiancé aimant. Tout allait pour le mieux... Oui. Vraiment, tout rassemblait à un conte de fées.

"Ce mariage va faire la fierté de tout Port-Royal. Le bonheur de mon père et de Norrington. Je serais indigne de ne pas être moi-même heureuse et fière de cette union!!! Ma tristesse est ridicule. Elle trahit le bonheur de ceux que j'aime, quelle idiote je suis!!!!"

Son esprit était perdu dans toutes ses pensées, elle se forçait à se faire revenir à la raison:

"Voyons Elizabeth, ça va être le plus beau jour de ta vie!!! Toi qui voulais un beau mariage, tu vas l'avoir!! Comme il se doit..."

Elle se leva brusquement et son regard se posa instinctivement vers la fenêtre. Elle pouvait y voir l'océan... Son cœur se serra un peu plus à cette vue. Cet océan l'appelait, elle se sentait attirée par lui. Elle aurait voulu voyager, naviguer... Librement... Mais une femme de Commodore reste à terre, dans une magnifique demeure, parfois aussi elle attend son mari lorsqu'il part à la guerre... Une femme de Commodore vit dans le luxe et la richesse, elle élève ses enfants en leur offrant toutes ces choses également. Elle vit le rêve de tant de femmes du peuple qui n'auront jamais le quart de ce qu'elle, Elizabeth Swann, aura pour le restant de sa vie.

"Penses à toutes celles qui n'auront jamais ta chance, Elizabeth, et souris..."

L'après-midi était chaud, Elizabeth s'activait pour aider aux préparatifs du mariage. Prise par l'entrain de toutes ses amies, elle avait réussi à oublier sa tristesse...

"Mlle Swann?? Votre fiancé a choisi pour vous une robe de mariée qu'il aimerait que vous essayiez... Au cas où certaines retouches seraient nécessaires."

La servante d'Elizabeth venait d'arriver avec un paquet contenant ladite robe, et Élizabeth dû s'éclipser, s'excusant auprès de ses amies.

"Vous êtes magnifique!!... Je suis heureuse pour vous. Savez-vous que Mlle Partner s'est récemment mariée à un Prince? La pauvre Demoiselle. Ce dernier n'a vu en elle qu'une mère idéale pour ses enfants!! Il ne l'aime pas, il l'a dit lui-même. C'est horrible ne trouvez-vous pas??"

Cette phrase eut sur Elizabeth un effet inattendu. Son fiancé à elle l'aimait, lui. Mais cela ne la rendait pas plus heureuse que cette Mlle dont parlait la servante...

"C'est injuste."

murmura-t-elle pour elle-même. Pensant que c'était une réponse la domestique continua son discours:

"Votre père a toujours souhaité que vous soyez l'épouse de Norrington. Il sait à quel point ce dernier vous admire... Voilà un père exceptionnel!!! Il sait ce qui va faire le bonheur de sa fille. James Norrington est un homme si charmant, et il n'y aurait pas de meilleur parti pour une femme telle que vous!!! Ce mariage me fascine. De nos jours il n'est pas toujours facile de concilier l'amour et l'honneur... Et là c'est le cas... Merveilleux n'est-ce pas?"

Elizabeth sentait une indescriptible colère l'envahir tandis qu'elle écoutait ces paroles. Une colère après elle-même. Que pouvait-elle espérer de mieux? Elle avait tout ce qui peut faire le bonheur d'une femme et elle, comme une petite fille capricieuse, ne s'en satisfaisait pas...

"Comme s'il existait une vie plus passionnante, plus heureuse que celle d'une femme qui a tout ce dont rêve les autres!!!!"

Plus le temps passait plus elle était persuadée d'être totalement idiote. Elle ne pouvait pas avoir plus que ce qu'elle avait. Sauf peut-être... Une chose...

Une phrase de Jack lui revint en mémoire:

"Le Black Pearl c'est la liberté..."

"La liberté?? La... Liberté... C'est ça qui me manque? Pourtant... Une femme comme moi ne peut avoir cela... Ça ne veut rien dire pour moi... La Liberté est une notion de bonheur pour ceux qui n'ont rien d'autre. Comme Jack... Il n'a rien dans sa vie. C'est un pauvre pirate qui finira peut-être sur la potence, il ne peut rien avoir... Pas d'honneur. Pas de métier. Pas de reconnaissance. Pas d'ami et personne qui ne l'aime vraiment. Alors il s'invente un bonheur... Qu'il appelle la Liberté. Mais moi je n'ai pas besoin d'être libre pour être heureuse. J'ai tout ce qu'il me faut..."

Cette pensée l'apaisa un peu, mais au fond d'elle elle savait qu'elle se mentait. Même pire: elle l'enviait. Elle, la fille du gouverneur et future femme du Commodore, enviait un pirate!!

Comme elle ne pouvait pas accepter cette idée, elle se résigna et décida une bonne fois pour toutes, qu'elle était une femme chanceuse et décidemment, très heureuse... Durant quelques secondes l'image du pirate resta dans son esprit, mais elle se reprit et le chassa de ses pensées avec colère... 

Ma liberté s'en est allée te rejoindreWhere stories live. Discover now